Le secteur agricole de la Colombie-Britannique emploie environ 63 000 personnes et produit plus de 200 denrées (B.C. Ministry of Agriculture, s.d.). En 2017, le secteur a généré environ 14,2 milliards de dollars de revenus annuels (B.C. Ministry of Agriculture, 2018). La présente section se penche sur les principaux risques pour le secteur, notamment les inondations, la réduction de la disponibilité de l’eau, les incendies de forêt et l’augmentation des parasites, des maladies et des espèces envahissantes. Pour une discussion plus approfondie sur l’agriculture et l’échelle nationale, voir le chapitre Impacts sur les secteurs et mesures d’adaptation.
5.5.1.1 Inondations et humidité excessive
Comme il a été décrit ci-dessus, on prévoit que les changements climatiques intensifieront le cycle hydrologique et augmenteront la variabilité des précipitations à l’échelle régionale et selon la saison (B.C. Ministry of Environment, 2016). Les projections à long terme montrent que ces tendances devraient se poursuivre (Gouvernement du Canada, s.d.), avec des précipitations regroupées dans le temps et des périodes de sécheresse plus longues, en particulier pour le sud de la Colombie‑Britannique (Bonsal et coll., 2019; Zhang et coll., 2019; B.C. Ministry of Forests, Lands and Natural Resource Operations, 2016b).
Pour l’agriculture, les précipitations saisonnières croissantes de la Colombie-Britannique présentent des défis, comme la contribution à l’intensification des crues printanières et des inondations dues au ruissellement en hiver. Les fortes précipitations et la fonte rapide des neiges peuvent provoquer de l’érosion et la lixiviation des nutriments, ce qui nuit à la santé et à la productivité des plantes (Fraser Valley Regional District, 2017). À la suite d’une grave sécheresse ou d’un incendie de forêt, l’augmentation des précipitations peut également causer de l’érosion et des inondations localisées, ce qui entraîne des pertes de récoltes et d’infrastructures (B.C. Ministry of Environment, 2016).
Pour l’agriculture, les risques d’inondation liés au ruissellement hivernal et au dégel printanier dans la vallée du Fraser sont particulièrement préoccupants, car la région représente 38 % des recettes agricoles annuelles brutes de la Colombie-Britannique (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2018a). Dans le district régional de la vallée du Fraser (DRVF), on estime qu’une inondation majeure due au dégel printanier (crue comparable à celle de 1894) entraînerait des dommages de 800 millions de dollars aux biens des producteurs et aurait un impact de 1,1 milliard de dollars sur l’économie agricole du DRVF (Northwest Hydraulic Consultants, 2016b). Les coûts agricoles potentiels dans ce scénario comprennent les dommages aux bâtiments et équipements agricoles, les mortalités de bétail et les pertes de récoltes (Northwest Hydraulic Consultants, 2016b).
Les inondations constituent également un risque important pour la production agricole ailleurs en Colombie-Britannique (B.C. Agriculture and Food Climate Action Initiative, 2019, 2016, 2014). Les inondations vont des phénomènes régionaux les plus importants, par exemple, la crue des rivières Kettle et Granby en 2018 (Yumagulova, 2019), à de petits phénomènes propres à des sites en particulier. Les stratégies d’adaptation agricole vont de mesures à l’échelle régionale, comme l’amélioration des endiguements et des infrastructures naturelles (p. ex. les forêts, les zones riveraines, les plaines inondables et les zones humides), à des mesures au niveau des exploitations agricoles, comme la plantation de zones tampons riveraines, l’amélioration des systèmes de drainage et l’adoption de systèmes de culture ou de production tolérants aux inondations. La mesure dans laquelle ces dispositions ont été explorées ou adoptées et le degré de représentation de l’agriculture dans les efforts d’atténuation des risques varient selon les régions.
L’élévation du niveau de la mer et les ondes de tempête constituent également des menaces d’inondation pour l’agriculture côtière, en raison du risque de rupture des digues, de salinisation des sols et d’inondation des terres agricoles (B.C. Agriculture and Food Climate Action Initiative, 2013). Par exemple, dans la région du Delta de la Colombie-Britannique, la plupart des terres agricoles se trouvent à deux mètres ou moins au-dessus du niveau de la mer, et les mécanismes de protection existants (digues, stations de pompage) nécessitent des mises à niveau coûteuses pour la protection contre l’élévation du niveau de la mer (Delcan Corporation, 2012). Pour les seules digues de la région élargie de la région métropolitaine de Vancouver, le coût estimé est d’environ 9,47 milliards de dollars (Delcan Corporation, 2012) et la perte de terres agricoles due à l’extension ou à l’amélioration des systèmes de digues est préoccupante.
La modernisation et l’adaptation des infrastructures et des systèmes agricoles ne représentent qu’une partie de l’adaptation aux inondations. Les mesures d’intervention en cas d’urgence (y compris le programme provincial d’urgence [Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2016]) et les mesures de rétablissement qui mettent l’accent sur la reconstruction des infrastructures pour qu’elles soient plus résilientes au climat sont importantes pour réduire la vulnérabilité agricole.
5.5.1.2 Réduction de la disponibilité de l’eau
La distribution saisonnière changeante et l’intensité des précipitations posent des défis supplémentaires à l’agriculture en Colombie-Britannique. La fréquence et l’intensité des épisodes de précipitations extrêmes augmenteront probablement dans le sud de la Colombie-Britannique et seront accompagnées d’une hausse des températures estivales et d’une baisse des précipitations (B.C. Ministry of Environment, 2016). La diminution de l’accumulation saisonnière de neige, les conditions chaudes et sèches de l’été et la réduction des précipitations estivales influenceront la durée et la fréquence de la sécheresse saisonnière (B.C. Ministry of Forests, Lands and Natural Resource Operations, 2016b). Par conséquent, la sécheresse agricole est plus probable lorsque la carence en eau du sol entraîne un stress hydrique des plantes qui affecte négativement le rendement et la productivité des cultures (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2018a). Ce type de sécheresse s’est produit dans le sud de la Colombie-Britannique, avec une sécheresse record, en particulier dans les bassins South Thompson, Nicola, Similkameen et Kettle, de la fin août à la mi-octobre 2017 (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2018a). Les impacts agricoles enregistrés de cette sécheresse comprennent le stress thermique, la maturation accélérée des cultures, la réduction de l’alimentation du bétail, l’approvisionnement limité en eau d’irrigation et la réduction de la qualité et de la quantité des cultures (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2017). Ces conditions ont également contribué à la gravité de la saison des incendies de forêt de 2017, qui a entraîné des répercussions négatives supplémentaires sur l’agriculture, notamment des pertes de bétail, de pâturages, de fourrage, de clôtures et d’infrastructures d’élevage (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2017).
Les conditions de sécheresse devenant de plus en plus courantes en Colombie-Britannique, des pénuries d’eau à long terme sont probables (B.C. Ministry of Environment and Climate Change Strategy, 2019). En raison de l’augmentation des pénuries, les programmes de secours et de gestion des risques de l’entreprise feront l’objet d’une demande accrue (p. ex. le Programme Agri-stabilité, le Cadre Agri-relance, le Programme d’assurance-production, le Programme de report de l’impôt sur le bétail et le Programme d’assurance des prix du bétail dans l’Ouest; Gouvernement de la Colombie‑Britannique, [2018a]). Les gouvernements et les associations professionnelles encouragent également les mesures préventives pour aider les agriculteurs à se préparer à la sécheresse (p. ex. en améliorant le stockage de l’eau à la ferme et en pratiquant des cultures tolérantes à la sécheresse) et à réduire la demande en eau (p. ex. par l’irrigation de précision et la modélisation de la demande en eau des cultures régionales).
5.5.1.3 Incendie de forêt
Les conditions météorologiques extrêmement chaudes et sèches ont renforcé la gravité des récentes saisons d’incendies de forêt en Colombie-Britannique (Kirchmeier-Young et coll., 2019). En 2017, 1,22 million d’hectares ont brûlé, entraînant une perte de capital et de revenus agricoles de 35 à 70 millions de dollars (B.C. Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development, 2018b). Puis, en 2018, 1,35 million d’hectares ont brûlé au cours de la plus grande saison d’incendies de forêt jamais enregistrée en Colombie-Britannique (B.C. Wildfire Service, 2019). Les exploitations d’élevage ont été particulièrement touchées par ces deux saisons d’incendies, avec des dégâts records en raison des incendies et des pertes d’animaux, de bâtiments agricoles, de clôtures, de cultures fourragères et de pâturages. Les impacts supplémentaires associés aux incendies de forêt sont les suivants :
- la nécessité de gérer la logistique du déplacement du bétail et de la recherche de ressources alimentaires à la suite d’alertes et d’ordres d’évacuation (B.A. Blackwell and Associates Ltd, 2018);
- une diminution de la santé et de la productivité du bétail en raison de la fumée et du transport d’évacuation (B.C. Agriculture and Food Climate Action Initiative, 2014);
- une diminution de la production agricole en raison d’un manque d’irrigation pendant plusieurs semaines pour les propriétés agricoles faisant l’objet d’un ordre d’évacuation;
- une réduction du fourrage et des pâturages utilisables en raison de la contamination par les produits ignifuges (C. Ministry of Agriculture, 2017);
- le déclin de l’agrotourisme, en particulier pour les vignobles de la région de l’Okanagan (Abbott et Chapman, 2018; Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2018b);
- un éventuel goût de fumée dans les raisins de cuve, ce qui les rend défavorables à la production de vin (Noestheden et coll., 2018);
- des défis de rétablissement sur plusieurs années, tels que le ruissellement rapide causé par la perte de végétation (Shakesby et Doerr, 2006) et la modification de la structure du sol, qui peut diminuer la productivité du sol (DeBano, 1990) et augmenter les risques d’érosion (Certini, 2005).
Les saisons d’incendies de forêt de 2017 et 2018 en Colombie-Britannique ont suscité un intérêt accru pour la réduction des risques opérationnels liés aux incendies de forêt pour l’agriculture. Par exemple, la BC Cattlemen’s Association, de concert avec la province, met à l’essai l’utilisation du pâturage pour réduire les combustibles fins tels que l’herbe, les aiguilles de pin et la mousse d’arbre dans le but de réduire le risque d’incendie de forêt près des collectivités et de permettre aux éleveurs d’avoir accès à de nouveaux fourrages (B.C. Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development, 2019b). Néanmoins, avec l’arrivée d’étés plus chauds et plus secs et l’augmentation de la sensibilité des forêts aux effets du climat (p. ex. en raison de l’augmentation des populations de ravageurs), le risque d’incendie de forêt continuera de s’aggraver, les prévisions faisant état d’une augmentation de 4 % de la superficie annuelle brûlée d’ici 2050 (B.C. Ministry of Environment and Climate Change Strategy, 2019).
5.5.1.4 Ravageurs, maladies et espèces envahissantes
Les changements climatiques modifient l’étendue en latitude et en altitude, l’omniprésence et la fréquence des insectes nuisibles, des maladies et des populations d’espèces envahissantes (Scholefield et coll., 2017a). La distribution et les cycles de vie des ravageurs, des maladies et des espèces envahissantes sont influencés par l’augmentation des températures annuelles, des degrés-jours de croissance (DJC), de la durée de la saison de croissance, des précipitations hivernales et printanières et des épisodes de pluie extrême, ainsi que par des conditions estivales plus sèches et des hivers plus chauds. L’introduction de nouveaux ravageurs, de nouvelles maladies et d’espèces envahissantes, les changements dans le nombre de générations possibles en une seule saison et le potentiel de réduction de l’efficacité des mesures de contrôle de la gestion sont susceptibles de toucher les producteurs de cultures et de bétail (Beddington et coll., 2012).
Un exemple de ravageur destructeur identifié dans la vallée du Fraser en Colombie-Britannique en 2009 est la drosophile à ailes tachetées, une mouche à fruit (D. suzukii) (B.C. Ministry of Agriculture, 2014). Ce ravageur des fruits à peau molle pond ses œufs dans les fruits mûrs (p. ex. les baies); par conséquent, une humidité élevée du couvert végétal et des fruits mûrs et trop mûrs créent des risques d’infestation. Bien que la présence de ce ravageur ne soit pas induite par les changements climatiques, les hivers plus doux et les conditions estivales plus chaudes augmentent probablement l’abondance et l’aire de répartition de ce ravageur, faisant peser un risque élevé sur les cultures de petits fruits et d’arbres fruitiers dans les régions de latitude nord (Langille et coll., 2017). Des études menées dans la région de Cariboo (c.-à-d. Powell, 2018) et dans la région de la vallée du Fraser (c.-à-d. Scholefield et coll., 2017a) ont permis d’identifier d’autres ravageurs préoccupants dont l’abondance et l’aire de répartition pourraient changer en fonction des conditions climatiques. Jusqu’à présent, les réponses à ces ravageurs ont été limitées, car certaines administrations s’opposent aux efforts à long terme et à l’échelle du paysage (Scholefield et coll., 2017a). Les efforts de surveillance en Colombie-Britannique ont eu tendance à être relativement à court terme et propres à un endroit, se concentrant sur des cultures, des ravageurs, des maladies ou des espèces envahissantes choisis (B.C. Agriculture and Food Climate Action Initiative, 2015).