1.1
Introduction
En 2014, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a affirmé que « le réchauffement du système climatique est sans équivoque » (GIEC, 2014). Depuis lors, les signes de changements n’ont cessé de s’accumuler, dont des augmentations de température observées (sur les continents et les océans), une élévation du niveau de la mer, une perte de couverture de neige et de glace, et une modification des régimes de précipitations à l’échelle mondiale (p. ex. GIEC, 2018; 2019; USGCRP, 2018). Bon nombre des changements provoqués par l’augmentation de la température sont sans précédent, et la plupart devraient persister et s’intensifier au cours du siècle actuel (Bush et coll., 2019; GIEC, 2014). On constate également que les changements climatiques peuvent avoir une incidence sur presque tous les aspects de notre vie : notre santé et notre bien-être, notre économie, notre environnement, et même notre identité et notre conscience de soi. Il est également de plus en plus clair que les impacts ne sont pas uniformément répartis et que des régions, populations et groupes sont touchés de manière disproportionnée.
Nous observons aussi ces tendances au Canada. Le réchauffement observé au pays est, en moyenne, environ deux fois plus important que le réchauffement planétaire (Bush et Lemmen, 2019), les régions septentrionales du pays connaissant les taux de changement les plus marqués (voir la figure 1.1). Nous connaissons davantage d’épisodes de chaleur extrême, moins de froid extrême, des saisons de croissance plus longues, des saisons de couverture de neige et de glace plus courtes, un pic de débit printanier plus précoce, la fonte des glaciers, un dégel du pergélisol et une élévation du niveau de la mer (Bush et Lemmen, 2019). Les pertes dues à des phénomènes extrêmes, tels que les inondations et les feux de forêt, sont également en augmentation. Dans des sondages canadiens récents, 87 % des répondants ont indiqué qu’ils voyaient déjà les effets des changements climatiques dans leur collectivité (Ressources naturelles Canada, 2019), et 93 % ont indiqué qu’ils croyaient que les changements climatiques avaient des répercussions sur leur santé actuellement ou en auront à l’avenir (Environics Research Group, 2017).
Ces tendances observées et ces impacts démontrés ont fermement établi le fondement scientifique des changements climatiques. Les débats à savoir si les changements climatiques sont réels ont été largement remplacés par des discussions concernant les mesures à prendre. La nécessité de se préparer aux changements climatiques et d’y faire face s’accroît chaque jour. Les décisions prises aujourd’hui pour lutter contre les impacts des changements climatiques auront des répercussions importantes et durables sur la société, l’économie et l’environnement du Canada. Cependant, s’il est manifestement urgent d’agir contre les changements climatiques (GIEC, 2018), la voie à suivre peut être complexe. Les changements climatiques sont un problème d’ordre mondial dont les effets sont vastes, généralisés, interdépendants et souvent complexes, et ce, à toutes les échelles. À un niveau élémentaire, il existe deux modes de réponse d’une importance capitale, soit l’atténuation (la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou GES) et l’adaptation, qui sont liés et interdépendants (voir l’encadré 1.1).
Ce rapport est axé sur l’adaptation aux changements climatiques, c’est-à-dire sur les mesures qui réduisent les impacts négatifs des changements climatiques ou qui permettent de tirer parti de nouvelles occasions. L’adaptation renforce la résilience et réduit les risques liés aux impacts actuels et futurs des changements climatiques. Elle implique l’ajustement des plans, des politiques et des mesures, et elle peut être réactive (c.-à-d. se produire en réponse aux impacts des changements climatiques) ou proactive (c.-à-d. se produire avant que les impacts des changements climatiques ne soient observés). En tant que concept, l’adaptation est simple; dans la pratique, cependant, elle peut aller de la simplicité à une incroyable complexité. Nos connaissances quant à la manière dont les changements climatiques affectent les groupes et les segments vulnérables de la population continuent d’évoluer, mettant en évidence les importantes dimensions socio-économiques et d’équité que revêtent les décisions en matière d’adaptation. L’adaptation offre également la possibilité de générer d’importants avantages connexes, de sorte que les investissements destinés à lutter contre les effets des changements climatiques dans un secteur ou un domaine particulier peuvent se traduire par des avantages pour d’autres secteurs. En revanche, des conséquences inattendues peuvent survenir si la planification et les décisions ne tiennent pas suffisamment compte du système et du contexte général dans lesquels les décisions sont prises.
Pour aider à faire face aux complexités et à promouvoir la prise de mesures d’adaptation aux changements climatiques, les décideurs doivent avoir accès à des renseignements fiables. Les évaluations des connaissances sur les impacts des changements climatiques et sur l’adaptation à ces changements répondent à ce besoin en fournissant aux décideurs les bases nécessaires pour prendre des décisions fondées sur des données probantes. Ces évaluations présentent une synthèse des connaissances existantes sur les enjeux clés en suivant un processus rigoureux qui veille à ce que les rapports finaux soient crédibles, pertinents et utiles pour les décideurs. Tout en étant pertinentes pour les politiques et structurées pour éclairer les décisions, les évaluations ne sont pas prescriptives et elles ne fournissent pas d’instructions ni de recommandations précises. Les évaluations peuvent être réalisées à différentes échelles, allant des évaluations internationales du GIEC aux initiatives nationales, régionales et locales. Les évaluations des connaissances diffèrent des évaluations des risques, qui appliquent des méthodes analytiques pour estimer la probabilité et les conséquences des risques associés aux impacts actuels et futurs des changements climatiques. Cependant, les évaluations des risques peuvent à la fois alimenter et être alimentées par les évaluations des connaissances. Parmi les exemples récents d’évaluations des risques au Canada, on peut citer celles réalisées à l’échelle nationale (p. ex. CCA, 2019) et à l’échelle régionale (p. ex. Ministère de l’Environnement et de la Stratégie sur les changements climatiques, 2019).