Suggestion de citation

Hayes, K., Cunsolo, A., Augustinavicius, J., Stranberg, R., Clayton, S., Malik, M., Donaldson, S., Richards, G., Bedard, A., Archer, L., Munro, T., et Hilario, C. (2022). Santé mentale et bien-être. Dans P. Berry et R. Schnitter (éd.), La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement : faire progresser nos connaissances pour agir. Ottawa (Ontario) : gouvernement du Canada.

Auteure principale

  • Katie Hayes (Santé Canada)

Auteurs collaborateurs

  • Ashlee Cunsolo (Université Memorial)
  • Jura Augustinavicius (Université McGill)
  • Rebecca Stranberg (Santé Canada)
  • Susan Clayton (Collège de Wooster)
  • Maria Malik (Agence canadienne d’inspection des aliments)
  • Shawn Donaldson (Santé Canada et Université Carleton)
  • Gabrielle Richards (Université d’Ottawa)
  • Amber Bedard (Université de Calgary)
  • Lewis Archer (Save the Children)
  • Tyrone Munroe (Four Arrows Regional Health Authority)
  • Carla Hilario (Université de l’Alberta)
Figure 4.2
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Figure 4.1
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Figure 4.2
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Figure 4.3
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Résumé

Les changements climatiques accroissent les risques à l’égard de la santé mentale et du bien-être de nombreuses personnes au Canada. Les populations particulières qui peuvent être touchées de façon disproportionnée et inéquitable comprennent celles qui font l’objet d’iniquités en santé en raison de la race, de la culture, du genre, de l’âge, du statut socioéconomique, de la capacité et de l’emplacement géographique. Ces facteurs sont inclus dans les déterminants sociaux, biologiques, environnementaux et culturels de la santé qui sont amplifiés par les changements climatiques. La santé mentale peut être touchée par des aléas à court et à long termes tels que les inondations, les événements de chaleur extrême, les feux de forêt et les ouragans, de même que la sécheresse, l’élévation du niveau de la mer et la fonte du pergélisol. Connaître les menaces liées aux changements climatiques et en prendre conscience peuvent aussi avoir une incidence sur la santé mentale et le bien-être et entraîner des réactions émotionnelles et comportementales telles que l’inquiétude, le chagrin, l’anxiété, la colère, le désespoir et la peur.

Les impacts des changements climatiques sur la santé mentale peuvent inclure l’aggravation de maladies mentales existantes, comme la psychose; l’apparition de nouveaux cas de maladies mentales, comme le trouble de stress post-traumatique; des facteurs de stress liés à la santé mentale, comme le deuil, l’inquiétude, l’anxiété et les traumatismes indirects; et la perte du sentiment d’appartenance, qui fait référence à un détachement perçu ou réel de la collectivité, de l’environnement ou de la patrie. Ils peuvent également perturber le bien-être psychosocial et la résilience, émousser le sentiment d’avoir une vie qui a du sens et miner la cohésion communautaire, ce qui peut occasionner de la détresse, des taux plus élevés d’hospitalisations, une augmentation des idéations suicidaires ou des suicides et un accroissement des comportements négatifs comme l’abus de substances, la violence et l’agression. Les efforts d’adaptation pouvant atténuer les impacts des changements climatiques sur la santé mentale comprennent l’élargissement des activités de communication, de sensibilisation et de préparation communautaire; un meilleur accès aux soins de santé pour ceux qui ont besoin d’aide; et une meilleure littératie et formation en santé mentale.

Messages clés

  • Le fardeau actuel de la mauvaise santé mentale au Canada risque de s’intensifier en raison des changements climatiques. Étant donné le très grand nombre de Canadiens et de Canadiennes aux prises avec des problèmes de santé mentale, les résultats défavorables des futurs changements climatiques sur la santé mentale risquent d’augmenter de façon considérable.
  • Les aléas liés aux changements climatiques qui peuvent avoir un effet néfaste sur la santé mentale de la population canadienne comprennent des dangers graves comme les inondations, les événements de chaleur extrême, les feux de forêt et les ouragans, de même que des aléas à évolution lente tels que la sécheresse, l’élévation du niveau de la mer et la fonte du pergélisol. Les impacts secondaires des dangers climatiques (tels que l’insécurité économique, le déplacement de populations et l’insécurité alimentaire et hydrique) peuvent causer un stress continu, de l’anxiété et de la dépression.
  • Les impacts des changements climatiques sur la santé mentale peuvent inclure l’aggravation de maladies mentales existantes, comme la psychose; l’apparition de nouveaux cas de maladies mentales, comme le trouble de stress post-traumatique; des facteurs de stress liés à la santé mentale, comme le deuil, l’inquiétude, l’anxiété et les traumatismes indirects; et la perte du sentiment d’appartenance, qui fait référence à un détachement perçu ou réel de la collectivité, de l’environnement ou de la patrie. Ils peuvent également perturber le bien-être psychosocial et la résilience, émousser le sentiment d’avoir une vie qui a du sens et miner la cohésion communautaire, ce qui peut occasionner de la détresse, des taux plus élevés d’hospitalisations, une augmentation des idéations suicidaires ou des suicides et un accroissement des comportements négatifs comme l’abus de substances, la violence et l’agression.
  • Les changements climatiques et les changements environnementaux connexes peuvent causer des réactions émotionnelles et comportementales complexes chez les gens, qui ne sont pas nécessairement pathologiques. Ces réactions de détresse environnementale, appelées syndromes psychoterratiques, incluent l’écoanxiété, la solastalgie et l’écoparalysie.
  • Les changements climatiques touchent de façon disproportionnée la santé mentale de certaines populations, notamment les Autochtones; les femmes; les enfants; les jeunes; les adultes âgés; les personnes qui vivent dans des conditions socioéconomiques défavorables (y compris les personnes en situation d’itinérance); les personnes qui ont des problèmes de santé physique et mentale préexistants; et certains groupes professionnels tels que les personnes qui travaillent à l’extérieur et les premiers intervenants. Par exemple, les peuples autochtones sont plus à risque d’être déplacés en raison de dangers liés au climat. Cela peut engendrer l’annihilation du sentiment d’appartenance à la communauté et la perte de moyens de subsistance, ce qui peut avoir des répercussions le bien-être individuel et collectif.
  • Compte tenu des coûts actuellement élevés que représentent les maladies mentales pour la société et de l’ampleur des impacts des changements climatiques sur la santé mentale, on s’attend à ce que le coût futur pour la population canadienne et les systèmes de santé soit élevé, étant donné que le climat continue de se réchauffer.
  • L’accès à des professionnels de la santé mentale, à des établissements de santé mentale et de soins de santé, à des services sociaux et à de l’information sur les soins de santé mentale adaptée à la culture peut prévenir les effets néfastes sur la santé mentale, améliorer les résultats et accroître le bien-être dans un climat en évolution. Les milieux ruraux, éloignés et urbains qui ont actuellement de la difficulté à fournir des soins de santé mentale seront confrontés à une demande accrue pour des services en raison des impacts des changements climatiques.
  • Une communication et une sensibilisation accrues sur les impacts des changements climatiques sur la santé mentale, une meilleure préparation communautaire aux répercussions éventuelles, un accès à grande échelle à des soins de santé adaptés à la culture pour aider les personnes dans le besoin, une collaboration intersectorielle et transdisciplinaire sur les initiatives d’adaptation et une meilleure littératie et formation en santé mentale appuient les efforts de préparation aux impacts des changements climatiques sur la population canadienne.
  • Des mesures bien conçues pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre et favoriser l’adaptation aux changements climatiques – comme le transport actif, la gérance de l’environnement, l’infrastructure verte et l’amélioration des réseaux sociaux et des services de soutien communautaires – peuvent également présenter des avantages sur le plan de la santé mentale.
Figure 4.2

Facteurs qui influent sur les répercussions psychosociales des changements climatiques sur la santé.

Schéma des facteurs qui influent sur les effets psychosociaux des changements climatiques sur la santé.
Source

Hayes et coll., 2019.

 

Aperçu des impacts des changements climatiques sur la santé mentale et bien-être

Catégorie d’impact et d’aléa pour la santé Causes liées au climat Effets possibles sur la santé
Santé mentale
  • Augmentation de la fréquence et de la gravité des précipitations (p. ex., ouragans, inondations, tempêtes de verglas)
  • Sécheresses
  • Feux de forêt
  • Températures extrêmes
  • Réduction de la sécurité alimentaire et hydrique
  • Fonte du pergélisol
  • Élévation du niveau de la mer
  • Réchauffement graduel
  • Trouble de stress post-traumatique (TSPT)
  • Anxiété
  • Inquiétude et peur
  • Dépression
  • Stress
  • Traumatisme indirect
  • Fatigue associée au rétablissement
  • Idéations suicidaires
  • Affaiblissement des liens sociaux
  • Dépendances (p. ex., consommation de drogues et d’alcool)
  • Agression, y compris la violence familiale
  • Écoanxiété/anxiété découlant des changements climatiques
  • Écodeuil/deuil climatique
  • Solastalgie
  • Croissance post-traumatique
  • Impacts sur les services de santé et services sociaux
4.1

Introduction

Les changements climatiques posent des risques importants pour la santé mentale des Canadiens et des Canadiennes. Ces dix dernières années, la recherche, les débats et les reportages médiatiques sur les changements climatiques et leurs répercussions sur la santé mentale se sont multipliés. Dans un sondage national mené en 2019 auprès de 2 000 résidents du Canada (âgés de 18 ans et plus), 49 % des répondants ont indiqué qu’ils étaient de plus en plus préoccupés par les effets des changements climatiques, et 25 % ont déclaré penser souvent aux changements climatiques et être « vraiment inquiets à ce sujet » (Abacus Data, 2019). Les responsables de la santé publique au Canada se préoccupent de plus en plus de ces impacts et de la façon de soutenir l’adaptation et la résilience psychosociales1(ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique et Stratégie sur le changement climatique [s.d.]; Santé publique de Toronto, 2015; Yaffe, 2016; Howard et coll., 2017). La contribution à l’adaptation psychosociale s’entend de l’adoption ou de l’amélioration des comportements, des pratiques, des outils ou des interventions d’adaptation existants pour protéger la santé mentale et le bien-être social dans un climat en évolution (Séguin, 2008; Brown et Westaway, 2011). Le présent chapitre fournit de l’information sur les impacts des changements climatiques sur la santé mentale au Canada afin d’aider les responsables de la santé publique, les praticiens et les décideurs à préparer les Canadiens et les Canadiennes et leurs systèmes de santé.

Les impacts des changements climatiques sur la santé mentale sont associés à des dangers graves ainsi qu’à des aléas à évolution lente. Les aléas graves comme les inondations, les événements de chaleur extrême, les feux de forêt et les ouragans, peuvent avoir des impacts sur la santé mentale tels que des troubles de l’humeur et du comportement (Berry et coll., 2010a; Clayton et coll., 2014; Dodgen et coll., 2016; Clayton et coll., 2017). Ils peuvent également avoir des impacts secondaires sur la santé mentale en raison de préjudices physiques et des déplacements de populations, qui peuvent provoquer la perte de moyens de subsistance, un traumatisme, l’annihilation du sentiment d’appartenance, la peur à l’égard des effets imminents et l’apparition de troubles de l’humeur et du comportement persistants comme le trouble de stress post-traumatique (TSPT), la dépression et l’anxiété (Berry et coll., 2011; Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Clayton et coll., 2014; Dodgen et coll., 2016; Clayton et coll., 2017; Cunsolo et Ellis, 2018; Clayton, 2020; Clayton et Karazsia, 2020). Les aléas graves peuvent également avoir des effets positifs, comme un sentiment de cohésion communautaire et d’altruisme et un sentiment que la vie a un sens, lorsque les membres d’une collectivité se rassemblent pour se soutenir les uns les autres à la suite des événements extrêmes (Weissbecker, 2011; Hayes et Poland, 2018; Hayes et coll., 2020). Les aléas à évolution lente, comme la sécheresse, l’élévation du niveau de la mer et la fonte du pergélisol, peuvent avoir une incidence sur le sentiment d’appartenance, la santé de l’écosystème, la culture et l’identité d’une personne et mener à des réactions émotionnelles d’anxiété, de chagrin, de colère, d’impuissance et de dépression (Cunsolo Willox et coll., 2012; Clayton et coll., 2017; Adlard et coll., 2018; Cunsolo et Ellis, 2018; Middleton et coll., 2020b). Les aléas graves et à évolution lente peuvent avoir des impacts secondaires sur la santé mentale (p. ex., insécurité financière, alimentaire et hydrique). Connaître les menaces liées aux changements climatiques qui correspondent souvent à des expériences « par personne interposée », à des reportages ou à des catastrophes anticipées, et en prendre conscience peuvent aussi avoir une incidence sur la santé mentale et le bien-être et entraîner des réactions émotionnelles et comportementales telles que de l’inquiétude, du chagrin, de l’anxiété, de la colère, du désespoir et de la peur (Clayton et coll., 2017; Cunsolo et Ellis, 2018; Clayton, 2020; Clayton et Karazsia, 2020; Pihkala, 2020).

Pour s’attaquer aux impacts des changements climatiques sur la santé mentale des personnes vivant au Canada, il faut à la fois une meilleure compréhension et des efforts d’adaptation, car les risques augmentent avec le réchauffement climatique. Les températures au Canada ont augmenté deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale, alors que le réchauffement des collectivités du Nord est encore plus rapide, particulièrement dans l’Inuit Nunangat2(terres ancestrales inuites) (Bush et Lemmen, 2019). À l’avenir, il devrait y avoir de plus en plus d’aléas climatiques graves et à évolution lente qui auront une incidence sur la santé mentale (voir le chapitre 3 : Aléas naturels, et le chapitre 5 : Qualité de l’air). De plus, la maladie mentale est déjà l’une des principales causes d’invalidité au pays, même avant de tenir compte de l’augmentation prévue des dangers climatiques (CAMH, 2012). Selon la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), environ 7,5 millions de Canadiens et de Canadiennes éprouvent des problèmes de santé mentale chaque année (CSMC, 2017). La maladie mentale peut toucher n’importe qui, peu importe l’âge, les antécédents, le niveau de scolarité, le revenu ou la culture (CSMC, 2017). Environ 50 % des personnes vivant au Canada souffriront ou auront souffert d’une forme quelconque de maladie mentale avant d’atteindre l’âge de 40 ans (CSMC, 2017). En outre, bien que le fardeau des problèmes de santé mentale soit élevé, de nombreux Canadiens et Canadiennes n’ont pas accès à des services de santé mentale, ce qui nuit à la possibilité de s’adapter en vue de réduire les risques (Cunsolo Willox et coll., 2013b; Petrasek MacDonald et coll., 2015; Moroz et coll., 2020). Par exemple, dans les régions nordiques, rurales et éloignées du Canada, de nombreuses collectivités n’ont pas accès à des fournisseurs de soins de santé mentale réguliers ou à des ressources connexes (y compris un médecin de famille), et le transport à l’intérieur et à l’extérieur des collectivités éloignées peut être entravé par les changements des régimes météorologiques et les perturbations des routes terrestres, maritimes, de glace et aériennes (ACSM, 2009; Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 2017; CSMC, 2020). Les obstacles à l’accès aux soins de santé mentale dans l’ensemble du Canada sont nombreux et peuvent comprendre des contraintes financières ou physiques, la stigmatisation liée à la santé mentale, un manque de connaissances en santé mentale et peu de ressources en santé mentale adaptées à la culture (Rodriguez et Kohn, 2008; Osofsky et coll., 2010; CSMC, 2016; Hayes et coll., 2019).

Le fardeau total de la maladie mentale attribuable aux changements climatiques au Canada est actuellement inconnu; cependant, un certain nombre d’études empiriques ont documenté les effets du réchauffement climatique sur la santé mentale, principalement dans les collectivités autochtones3 et du Nord (Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Donaldson et coll., 2013; Durkalec et coll., 2015; Dodd et coll., 2018; Hayes et coll., 2020; Middleton et. coll., 2020a). Beaucoup moins d’études portent sur les impacts des changements climatiques sur la santé mentale que sur la santé physique. Cette différence s’explique notamment par les défis associés à :

  • l’établissement du lien entre les aléas environnementaux et les changements climatiques, de même que l’établissement du lien entre les problèmes de santé mentale et ces aléas;
  • la distinction entre les problèmes de santé mentale liés aux changements climatiques et les autres facteurs stressants de la vie qui aggravent la situation;
  • l’évaluation de certains types d’impacts sur la santé mentale et de facteurs de stress aggravants (p. ex., la difficulté de mesurer les facteurs de stress aggravants chez les personnes qui sont victimes de colonialisme et de traumatisme intergénérationnel, et celles qui ont des liens avec la nature, comme c’est le cas pour nombreux peuples autochtones);
  • l’étude des indicateurs de la santé mentale, et la production de rapports connexes, lorsque la santé mentale peut être comprise différemment parmi diverses populations;
  • la sous-déclaration ou la surdéclaration des résultats en matière de santé mentale liés aux changements climatiques. La sous-déclaration peut être attribuable à la stigmatisation entourant la maladie mentale, alors que la surdéclaration peut être imputable à une recherche effectuée trop tôt après un aléa climatique, ce qui peut entraîner une mauvaise pathologisation des réactions normales à des événements anormaux (Hayes et coll., 2018a).
4.2

Termes clés

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la santé mentale comme suit : « Un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté » (OMS, 2018, s.p.). La gamme de pensées, de sentiments et de comportements que les gens ont au cours de leur vie témoigne de leur santé mentale. Cette conceptualisation de la santé mentale va au-delà du diagnostic pour englober des définitions plus larges de la santé mentale selon les cultures et les contextes. La santé mentale, tout comme la santé physique, correspond à un spectre qui inclut le bien-être mental, les problèmes mentaux et la maladie mentale, des éléments qui peuvent tous influer sur le fonctionnement dans toute une gamme de domaines de la vie (CSMC, 2018). Tout au long du présent chapitre, le terme santé mentale s’entend de résultats précis dans ce domaine, comme le TSPT, l’anxiété, la dépression et la croissance post-traumatique (PTG).

Le bien-être mental fait référence aux résultats positifs en matière de santé mentale, comme la résilience psychosociale, qui est la capacité de s’adapter, de s’épanouir, de se développer et de se transformer malgré les facteurs de stress (Kumar, 2016).

Les problèmes mentaux comprennent des problèmes liés aux pensées, aux sentiments ou aux comportements, tels que des émotions accablantes comme la peur, la panique et l’inquiétude (American Psychiatric Association, s.d.).

La maladie mentale comprend les troubles mentaux modérés à graves pouvant faire l’objet d’un diagnostic de troubles dépressifs majeurs, de psychose et de TSPT (Coppock et Dunn, 2009; American Psychiatric Association, 2013).

La détresse émotionnelle fait référence à la présence de symptômes liés à des résultats médiocres en matière de santé mentale (p. ex., anxiété, dépression, démotivation). Le terme mauvaise santé mentale englobe les définitions des termes problèmes mentaux, maladies mentales officiellement diagnostiquables et détresse émotionnelle.

La santé mentale est l’un des aspects de la définition élargie de la santé psychosociale. La santé psychosociale s’entend de l’interaction entre le bien-être social, qui découle des relations avec les autres et du contexte et de la culture d’une personne, et le bien-être psychologique qui comprend les pensées, les sentiments et les comportements (Berry et coll., 2014). La santé psychosociale dépend de facteurs sociaux associés à la santé mentale qui ont marqué la vie d’un individu (maison, travail, école et communauté) et qui lui permettent de vivre dans des conditions sociales optimales. Les impacts psychosociales s’entendent des résultats qui ont une incidence sur les relations sociales et le contexte, comme la perte du sentiment d’appartenance par suite d’un danger climatique.

Pour pouvoir saisir le concept global de la santé mentale, il faut comprendre les déterminants sociaux, culturels et environnementaux importants, qui peut inclure le bien-être spirituel, le lien avec la nature et l’environnement et le sentiment d’appartenance (CSMC, 2016; Hayes et coll., 2018a). Il existe de nombreuses approches pour comprendre, soutenir et traiter la santé mentale selon de multiples perspectives culturelles, qui sont importantes pour la population canadienne et partagées par celle-ci. Par exemple, les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont souvent leurs propres définitions du mieux-être mental, qui englobent les liens avec la nature; l’interaction entre le bien-être physique, mental, émotionnel et spirituel; et l’importance de la communauté et de la culture (Kirmayer et coll., 2003; Santé Canada, 2015; ITK, 2016; Sawatzky et coll., 2019).

Les caractéristiques particulières des traumatismes liés à l’environnement peuvent entraîner des réactions émotionnelles et comportementales complexes. Par exemple, Glenn Albrecht a souligné l’augmentation de la détresse environnementale à la suite d’aléas climatiques tels que la sécheresse et les feux de forêt dans le nord de l’Australie, l’ouragan Katrina et l’évolution des conditions de glace dans le nord du Canada (Albrecht, 2011; Albrecht, 2012; Albrecht, 2017). Ses collègues et lui ont appelé ces réactions de détresse environnementale « syndromes psychoterratiques »; ces derniers comprennent entre autres l’écoanxiété, l’écoparalysie et la solastalgie (Albrecht, 2011). Ces termes décrivent les réactions émotionnelles et comportementales complexes, et pas nécessairement pathologiques, de quelqu’un qui vit des changements climatiques. Ces réactions pourraient en fait être tout à fait justifiées en réponse aux impacts des changements climatiques et pourraient servir d’expressions normales de deuil et de perte en réponse à la dégradation de l’environnement causée par les changements climatiques (Albrecht, 2011; Albrecht, 2019). Le tableau 4.1 comprend des définitions de certaines situations courantes de détresse liées à l’environnement.

Tableau 4.1

Définitions de la détresse liée à l’environnement

Terme Définition
Écoanxiété L’écoanxiété (ou anxiété climatique) désigne l’anxiété ressentie par les gens qui sont sensibilisés aux menaces écologiques auxquelles la planète est confrontée en raison des changements climatiques (Albrecht, 2011; Albrecht, 2012).
Écoparalysie L’écoparalysie fait référence au sentiment complexe de ne pas pouvoir faire quoi que ce soit d’assez significatif pour atténuer ou freiner les changements climatiques (Koger et coll., 2011).
Solastalgie La solastalgie fait référence à la détresse éprouvée par le fait d’être témoin de changements écologiques dans son milieu de vie en raison des changements climatiques; sentiment de nostalgie ressenti par une personne alors qu’elle n’a pas changé de milieu de vie (Albrecht, 2011; Albrecht, 2012).
Deuil écologique Le deuil écologique (ou écodeuil) fait référence à la détresse qu’engendrent la perte écologique ou les pertes anticipées liées aux changements climatiques. Ces pertes peuvent avoir trait à la nature, aux espèces, à la culture, au sentiment d’appartenance, à l’identité culturelle et au savoir. L’écodeuil peut inclure des pertes et des traumatismes associés à des aléas particuliers, comme les inondations ou les feux de forêt liés au climat, ou aux impacts à évolution lente des changements climatiques, comme la hausse des températures mondiales, la sécheresse, la fonte du pergélisol et l’élévation du niveau de la mer (Cunsolo et Ellis, 2018).
4.3

Méthodes et approche

Étant donné que la documentation sur les changements climatiques et la santé mentale au Canada est limitée, le présent chapitre s’appuie également sur la documentation mondiale et applique les leçons apprises au contexte canadien, le cas échéant, pour étayer les études existantes et combler les lacunes en matière de connaissances. La littérature grise et la documentation évaluée par les pairs sur les changements climatiques et la santé mentale (en anglais et en français) ont également fait l’objet d’un examen exploratoire de la documentation. La documentation évaluée par les pairs a été repérée grâce à des recherches dans les bases de données PubMed, Scopus, PsycINFO (Proquest), Cochrane Review et Google Scholar, à l’aide des termes de recherche suivants : « changements climatiques » ou « climat en changement » et « santé mentale » ou « psychosociale » ou « bien-être/mieux-être », de même que des synonymes et des mots connexes, tels que « mauvaise santé mentale » et « bien-être mental ». Dans le but de recueillir de la documentation sur l’adaptation psychosociale, les termes « résilience », « intervention » et « adaptation » ont été utilisés en combinaison avec les termes de recherche primaires. Les sources de la littérature grise comprenaient des rapports gouvernementaux, des rapports d’ateliers, des rapports de projet non publiés, des présentations données lors de conférences et des communications avec des praticiens et des spécialistes du domaine.

L’examen initial de la portée a eu lieu en juillet 2017 et des documents en anglais sur les changements climatiques et la santé mentale à partir de l’an 2000 ont été inclus. Un examen actualisé a eu lieu en mai 2019 et, à ce moment, des documents en français de 2000 à 2019 ont été ajoutés. Après avoir supprimé les doublons et les articles non pertinents, un total de 207 articles ont été examinés de façon exhaustive pour en vérifier la pertinence et les intégrer à cette compilation documentaire.

Les études sur les changements climatiques et la santé psychosociale ont tendance à appliquer des méthodes d’enquête ou d’entrevue pour connaître les expériences vécues de détresse psychosociale qui sont associées aux changements climatiques (p. ex., Cunsolo Willox et coll., 2012; Alderman et coll., 2013; Ampuero et coll., 2015; Durkalec et coll., 2015; Eisenman coll., 2015; Harper coll., 2015; Albrecht, 2017; Dodd et coll., 2018; Hayes et coll., 2020; et Middleton et coll., 2020a). La plupart des enquêtes et des entrevues présentent des témoignages d’autodéclaration de personnes qui ont connu des températures ou des événements météorologiques extrêmes. Bon nombre des constatations mentionnées dans le présent chapitre proviennent d’enquêtes et d’entrevues d’autodéclaration qui, pour la plupart, ont utilisé divers outils et échelles d’enquête validés pour évaluer l’incidence des températures extrêmes ou des événements extrêmes sur la santé psychosociale des gens.

4.4

Impacts des changements climatiques sur la santé mentale

4.4.1

Liens de causalité

Les liens de causalité entre les dangers posés par les changements climatiques pour la santé mentale sont multidimensionnels. La figure 4.1 décrit les effets néfastes des changements climatiques sur la santé mentale, physique et communautaire. Au centre de cette figure se trouvent les effets géophysiques des changements climatiques, qui amplifient les iniquités préexistantes sur les plans social, individuel et physique. Les interactions entre les aléas climatiques et les iniquités en santé préexistantes peuvent mener à une myriade de problèmes sur le plan de la santé mentale, physique et communautaire.

Figure 4.1

Liens entre les changements climatiques et la santé physique, mentale et communautaire.

Diagramme de Venn qui décrit comment les changements climatiques frappent la santé mentale, la santé physique et la santé communautaire. Les interactions entre les dangers climatiques et les iniquités en santé préexistantes peuvent mener à une myriade de problèmes sur le plan de la santé mentale, physique et communautaire.
Source

Clayton et coll., 2017.

L’exposition aux aléas climatiques peut déclencher des impacts directs en matière de santé mentale, comme la dépression, le deuil ou le TSPT (Clayton et coll., 2014; Dodge et coll., 2016; Clayton et coll., 2017; Hayes et Poland, 2018; Middleton et coll., 2020b). Les réactions psychologiques peuvent également découler d’impacts sur la santé physique, comme le stress thermique, les maladies à transmission vectorielle ou les blessures (Berry et coll., 2010a; Clayton et coll., 2017) ou d’impacts sur le bien-être de la collectivité, comme les perturbations économiques, le déplacement de populations et la perte de cohésion sociale (Berry et coll., 2010a; Agnew, 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Sahni et coll., 2016; Clayton et coll., 2017; Miles-Novelo et Anderson, 2019). La perturbation de la cohésion sociale et la rareté des ressources peuvent avoir des répercussions importantes sur la santé et les services connexes pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale préexistants et celles atteintes de la toxicomanie (Dodgen et coll., 2016; Clayton et coll., 2017). Après avoir été assujetties à des facteurs de stress climatiques, certaines personnes peuvent éprouver une combinaison de résultats positifs en matière de santé mentale et de problèmes mentaux ou de maladie mentale (Weissbecker, 2011; Hayes et Poland, 2018; Hayes et coll., 2020). Les résultats positifs peuvent comprendre de l’optimisme à l’égard de l’avenir, de la compassion et de l’altruisme pour d’autres personnes qui ont été touchées par les dangers climatiques ainsi qu’un sens ou un but dans la vie. La croissance post-traumatique (CPT) peut résulter d’une augmentation de la cohésion sociale après une catastrophe climatique (Edwards et Wiseman, 2011; Ramsay et Manderson, 2011).

4.4.2

Moment de l’apparition des répercussions

Selon la documentation, l’apparition de réactions psychosociales par suite de dangers graves peut se réaliser à trois moments différents. Il peut s’agir d’effets immédiats (heures, jours, semaines), d’effets à moyen terme (de six mois à un an) et d’effets à long terme (deux ans et demi et plus) (Tunstall et coll., 2006; Fritze et coll., 2008; Anderson et coll., 2017; Clayton et coll., 2017). Les effets immédiats des événements météorologiques extrêmes et graves peuvent inclure un traumatisme aigu, qui est une réaction normale à une catastrophe (p. ex., des « réactions normales à des situations anormales ») ayant tendance à s’atténuer une fois que la sécurité et la sûreté sont rétablies (Fritze et coll., 2008). Toutefois, ce n’est pas toujours le cas, car des taux supérieurs de problèmes de santé mentale plus graves, comme le suicide, ont été signalés relativement à des dangers climatiques graves, comme les événements de chaleur accablante (Carleton, 2017b; Burke et coll., 2018). Certains impacts sur la santé mentale peuvent également être ressentis à moyen et à long termes; ceux qui sont le plus souvent mentionnés dans la documentation comprennent l’anxiété, la dépression, le TSPT et l’abus de drogues et d’alcool. Ces problèmes peuvent se produire en tout temps dans le cadre de facteurs de stress persistants liés au climat, ou encore une fois qu’un événement climatique extrême a pris fin. Elles peuvent également être liées à la sensibilisation aux dangers que pose un climat en évolution (Fritze et coll., 2008; Dodgen et coll., 2016; Clayton et coll., 2017). Il est à noter que la documentation ne précise pas le moment clé de l’apparition des réactions aux aléas à évolution lente. Les personnes exposées à ces aléas peuvent perdre leur sentiment d’appartenance et ressentir de la détresse par suite d’un déplacement, ou encore de l’insécurité économique, alimentaire et hydrique.

4.4.3

Impacts des dangers graves sur la santé mentale

La majorité des études incluses dans la documentation sur les changements climatiques et la santé mentale se rapportent aux effets sur la santé mentale des dangers graves tels que les inondations, les événements de chaleur extrême, les feux de forêt et les ouragans. L’exposition à des catastrophes graves peut entraîner une multitude de problèmes de santé mentale, y compris le TSPT, le trouble dépressif majeur, l’anxiété, le deuil compliqué, la culpabilité du survivant, la fatigue associée au rétablissement et les idéations ou tentatives suicidaires (Berry et coll., 2010a; Berry et coll., 2011; Doherty et Clayton, 2011; Reser et Swim, 2011; Weissbecker, 2011; Cunsolo Willox et coll., 2012; Stanke et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Bourque et Cunsolo Willox et coll., 2014; O’Brien et coll., 2014; Harper et coll., 2015; Durkalec et coll., 2016; Gifford et Gifford, 2016; Clayton et coll., 2017; Mantoura et coll., 2017; Dodd et coll., 2018; Hayes et coll., 2018a; Clayton, 2020; Clayton et Karazsia, 2020; Middleton et coll., 2020a; Middleton et coll., 2020b). Dans de nombreux cas, les personnes exposées à des catastrophes graves éprouvent relativement peu de détresse ou seulement de brefs problèmes de santé mentale, et font plutôt preuve d’une grande résilience (Bonanno, 2004). Il est également prouvé que certaines personnes qui ne sont pas exposées à des aléas graves peuvent éprouver des problèmes de santé mentale, comme un traumatisme par personne interposée, un stress secondaire ou de l’usure de compassion pour les personnes dont la vie a été perturbée par des événements extrêmes (Lambert et Lawson, 2013; Naturale, 2015). Ces formes de détresse indirecte sont souvent imputables à des liens étroits avec des personnes exposées à des événements extrêmes, à la couverture médiatique d’expériences vécues par des survivants ou à la prise en charge professionnelle de survivants (Naturale, 2015). Les sections suivantes fournissent de l’information sur des aléas particuliers et les problèmes de santé mentale qui en découlent, en mettant l’accent sur la documentation propre au Canada et pertinente au contexte canadien.

 

4.4.3.1 Inondations

Les inondations sont devenues la forme de catastrophe la plus fréquente à l’échelle mondiale, et les risques d’inondation devraient augmenter en raison des effets des changements climatiques au Canada (Alderman et coll., 2012; Stanke et coll., 2012; GIEC, 2014; Fernandez et coll., 2015; UNISDR, 2015; Zhang et coll., 2019). Les données probantes indiquent que les inondations peuvent avoir une incidence considérable sur la santé mentale et que leurs répercussions peuvent intensifier le TSPT, la détresse générale, la dépression et l’anxiété chez les survivants des inondations (Alderman et coll., 2012; Berry et coll., 2014; Fernandez et coll., 2015; Sahni et coll., 2016; Waite et coll., 2017). Les personnes exposées aux inondations peuvent également éprouver un plus grand sentiment d’appartenance à la collectivité, de compassion et d’altruisme lorsque les membres de la collectivité se rassemblent pour s’entraider à la suite d’une catastrophe (Weissbecker, 2011; Hetherington et coll., 2018; Hayes et coll., 2020). Ces résultats positifs en matière de santé mentale peuvent coexister avec des problèmes de santé mentale, comme l’anxiété ou la détresse générale (Weissbecker, 2011, Hayes et coll., 2020). Les gens n’ont pas besoin d’être directement exposés à une inondation pour éprouver des problèmes de santé mentale. Par exemple, une étude menée en Angleterre par Waite et coll. (2017) a sondé 2 126 personnes pour comprendre les effets des inondations sur la santé mentale. Les répondants comprenaient des personnes dont les habitations avaient été inondées ainsi que des personnes qui avaient été perturbées par les inondations (p. ex., qui ne pouvaient pas se rendre au travail) sans toutefois avoir été directement touchées par celles-ci (Waite et coll., 2017). La morbidité psychologique était la plus élevée chez les répondants directement touchés par les inondations (622), le TSPT étant l’impact le plus souvent signalé (36,2 %), suivi de l’anxiété (28,3 %) et de la dépression (20,1 %) (Waite et coll., 2017). Il est intéressant de noter que les personnes qui ont été perturbées par les inondations sans toutefois avoir été directement touchées par celles-ci (1 099) ont également souffert de TSPT (15,2 %), d’anxiété (10,7 %) et de dépression (9,6 %) en réaction aux inondations (Waite et coll., 2017).

Les inondations peuvent exacerber les problèmes de santé mentale préexistants et contribuer à en créer de nouveaux (Stanke et coll., 2012). Les répercussions des inondations peuvent comprendre une augmentation du mauvais usage de substances, une intensification de la violence familiale après une inondation et des effets sur le sommeil, ce qui peut entraîner de piètres résultats en matière de santé mentale (Burton et coll., 2016; Sahni et coll., 2016). Les résultats généraux en santé psychosociale ont souvent trait à l’insécurité d’emploi et à l’insécurité économique découlant des dommages causés aux habitations et aux entreprises, lesquels mettent à rude épreuve le sentiment d’appartenance et les moyens de subsistance des individus et des familles.

Certaines données probantes indiquent que les inondations ont des effets psychosociaux et de santé mentale à long terme chez les victimes d’une inondation, comme l’anxiété lorsqu’il pleut, et ce, bien des années après une telle catastrophe; un sentiment de sécurité moindre, notamment la crainte et l’anxiété liées à la possibilité de vivre un autre phénomène extrême; le stress de vivre sur des plaines inondables; le stress financier et l’éclatement des familles en raison de l’insécurité du logement et l’insécurité économique découlant de la reconstruction; et la perte du sentiment d’appartenance imputable au déplacement imposé par les inondations (Burton et coll., 2016; Decent et Feltmate, 2018; Hayes et coll., 2020).

4.4.3.2 Événements de chaleur extrême

Un nombre croissant d’études portent sur les impacts de l’exposition à des événements de chaleur extrême sur la santé mentale. Ces impacts comprennent une détresse accrue sur le plan de l’humeur et du comportement, une maladie mentale exacerbée et un risque accru d’agression, de violence et de suicide (Anderson et Jané-Llopis, 2011; Agnew, 2012; Vida et coll., 2012; Bélanger et coll., 2014; Dixon et coll., 2014; Wang et coll., 2014; Ding et coll., 2016; Dodgen et coll., 2016; Obradovich et coll., 2018; Thompson et coll., 2018; Kaiser et coll., 2019; Miles-Novelo et Anderson, 2019). Les gens qui ont tendance à être plus à risque de souffrir de problèmes de santé mentale à la suite d’une exposition à un événement de chaleur extrême comprennent les personnes âgées; les personnes aux prises avec des problèmes physiologiques chroniques; et les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale préexistants, y compris celles qui prennent des psychotropes qui ont une incidence sur la thermorégulation (Price et coll., 2013; Bélanger et coll., 2014; Wang et coll., 2014; Trang et coll., 2016; Anderson et coll., 2017). Certaines maladies mentales peuvent provoquer des réactions physiologiques inefficaces contre la chaleur extrême, ce qui rend plus difficile le refroidissement du corps (Trang et coll., 2016). De plus, certains médicaments peuvent prédisposer les gens à des maladies liées à la chaleur (Santé Canada, 2011), car ils peuvent inhiber d’importantes réactions physiologiques et causer une déficience cognitive pouvant avoir une incidence sur le jugement et limiter l’adoption de mesures de protection. En outre, les personnes atteintes de maladies mentales peuvent avoir plus de difficulté à s’adapter en raison d’un déficit cognitif (p. ex., ne pas chercher l’ombre) et d’obstacles socioéconomiques, qui touchent de façon disproportionnée les personnes atteintes de maladies mentales (Cusack et coll., 2011; Page et coll., 2012; Price et coll., 2013; Bélanger et coll., 2014; Wang et coll., 2014; Dodgen et coll., 2016; Trang et coll., 2016; Anderson et coll., 2017).

Les températures plus élevées peuvent également avoir un effet sur la violence (y compris le suicide) et l’agression (Stephen et coll., 1999; Anderson et Jané-Llopis, 2011; Agnew, 2012; Dixon et coll., 2014; Dodgen et coll., 2016; Thompson et coll., 2018; Kim et coll., 2019; Miles-Novelo et Anderson, 2019). Une étude de 2019 a analysé le lien entre la température moyenne quotidienne et l’incidence du suicide dans 341 lieux dans 12 pays et a révélé que le risque relatif supplémentaire des valeurs mises en commun (1,46, IC à 95 % : 1,25, 1,70) pour le suicide dans 26 lieux au Canada (de 1986 à 1999) était le plus élevé à une température moyenne quotidienne de 24,2 °C (Kim et coll., 2019). Il convient de noter que cette température se situe au 99e centile; cependant, à mesure que les changements climatiques progressent, il est probable qu’elle atteigne plus souvent ce seuil. Cette situation pourrait entraîner une hausse du nombre de suicides, selon les niveaux d’acclimatation et d’adaptation. Certains lieux au Canada connaissent une augmentation plus élevée du risque relatif que la valeur mise en commun à différentes températures, y compris Oshawa, où le risque relatif est de 3,80 (IC à 95 % : 1,06, 13,59) à 24,9 °C; Ottawa, avec 2,44 (IC à 95 % : 1,18, 5,02) à 25,9 °C; et Toronto, avec un risque de 1,75 (IC à 95 % : 1,18, 2,59) à 26,5 °C (Kim et coll., 2019).

La chaleur extrême exerce également une pression sur les systèmes qui soutiennent la santé mentale et le bien-être. On a observé pendant les périodes de chaleur extrême une augmentation du nombre de demandes d’ambulance, de visites à l’urgence, d’appels aux services de télésanté et à d’autres lignes d’aide, et une augmentation du nombre de personnes qui sollicitent des soins externes pour des raisons de santé mentale (Basu et coll., 2018). De plus, l’entreposage des médicaments à des températures extrêmes peut avoir une incidence sur l’efficacité des médicaments (De Winter et coll., 2013; Armenian et coll., 2017).

4.4.3.3 Feux de forêt

La recherche sur les impacts des feux de forêt sur la santé mentale a augmenté ces dernières années, probablement en raison de l’accroissement du nombre de catastrophes liées aux feux de forêt (notamment dans les collectivités de l’Ouest canadien). À l’instar de la recherche sur les inondations, les principaux impacts sur la santé mentale de l’exposition aux feux de forêt englobent un risque accru de TSPT, d’anxiété (y compris le trouble d’anxiété généralisée), d’inquiétude et de dépression (Hutton, 2005; Eisenman et coll., 2015; Yusa et coll., 2015; Klinkenberg, 2017; Agyapong et coll., 2018; Dodd et coll., 2018). Les feux de forêt peuvent également entraîner des déplacements de population, des dommages aux infrastructures, la perte de biens, des menaces à la sécurité alimentaire et des troubles respiratoires et, par le fait même, susciter de la détresse psychologique ou l’aggraver (y compris l’anxiété, le stress et le TSPT) (Hutton, 2005; Yusa et coll., 2015; Dodd et coll., 2018). Les récentes constatations d’une étude sur les feux de forêt de 2016 à Fort McMurray, en Alberta, ont révélé une hausse importante du TSPT. Elles ont démontré que 60 % des répondants avaient autodéclaré des symptômes de TSPT, tandis que 29 % avaient reçu un diagnostic officiel de TSPT (Klinkenberg, 2017). Une autre tranche de 26 % des répondants ont parlé de dépression et 36 %, d’insomnie (Klinkenberg, 2017). Les chercheurs qui ont comparé les jeunes exposés aux feux de forêt de Fort McMurray à un groupe témoin de Red Deer, en Alberta, ont constaté que le nombre de dépressions et de pensées suicidaires, de même que la consommation accrue de tabagisme, étaient beaucoup plus élevés chez les jeunes de Fort McMurray (Brown et coll., 2019).

Une étude publiée en 2018 sur les répercussions des feux de forêt sur la santé dans les Territoires du Nord-Ouest entre juin et août 2014 a révélé que le déplacement et l’évacuation des résidents en raison des feux de forêt ont entraîné une intensification du stress, de la peur et des traumatismes mentaux et émotionnels à long terme (Dodd et coll., 2018). La santé mentale et le bien-être des peuples autochtones étaient particulièrement à risque parce que les incendies ont perturbé les activités axées sur la nature et les pratiques culturelles essentielles aux moyens de subsistance dans bon nombre de ces collectivités (Dodd et coll., 2018).

4.4.3.4 Ouragans

Il y a peu de documentation sur les effets des ouragans sur la santé mentale au Canada, car l’exposition aux ouragans est relativement faible par rapport aux États-Unis, par exemple. Les principaux impacts des ouragans sur la santé mentale qui ont fait l’objet d’études menées à l’extérieur du Canada comprennent un risque accru de TSPT, d’anxiété et de troubles de l’humeur (Galea et coll., 2007; Kessler et coll., 2008; Whaley, 2009; Zwiebach et coll., 2010; Ferré et coll., 2019; Orengo-Aguayo et coll., 2019). La documentation met également en évidence les effets à long terme, y compris sur le plan positif (p. ex., sentiment de résilience). Les effets sur le plan négatif incluent, par exemple, la dépression persistante et le TSPT (Rhodes et Chan, 2010; Pitts, 2015; Ferré et coll., 2019).

Une grande partie de la documentation concernant les effets des ouragans sur la santé mentale examine les expériences des survivants des ouragans Katrina et Maria. L’ouragan Katrina était un ouragan de catégorie 5 qui a frappé la côte américaine du golfe du Mexique en 2005, dévastant la ville de La Nouvelle-Orléans (Whaley, 2009). On estime que de 20 % à 35 % des survivants ont subi une forme quelconque d’impact sur la santé mentale à la suite de cet ouragan (Whaley, 2009). Près de la moitié (47,7 %) des membres marginalisés de la collectivité de La Nouvelle-Orléans (principalement des femmes afro-américaines à faible revenu) présentait des signes probables de TSPT (Rhodes et Chan, 2010). Ce taux est considérablement plus élevé que l’échantillon représentatif obtenu par Kessler et coll. (2008) selon lequel la prévalence du TSPT chez la population en général touchée par l’ouragan se situait entre 14 % et 20 % (Kessler et coll., 2008). De plus, les survivants de l’ouragan Katrina ont démontré une prévalence de 31,2 % d’anxiété et de troubles de l’humeur (Kessler et coll., 2008).

Tout comme les conclusions concernant les effets de l’ouragan Katrina sur la santé mentale, les chercheurs qui ont étudié les répercussions de l’ouragan Maria ayant frappé Porto Rico en 2017 ont constaté des augmentations cliniquement significatives de la dépression, de l’anxiété et du TSPT chez les deux tiers des 74 ménages sondés six mois après la catastrophe (Ferré et coll., 2019). Lorsqu’ils se sont penchés sur les impacts sur la santé mentale des survivants de l’ouragan Maria s’étant réinstallés en Floride, les chercheurs ont constaté que l’adaptation à un nouveau milieu ajoutait un fardeau psychologique supplémentaire (Scaramutti et coll., 2019). Par conséquent, les efforts d’adaptation qui mènent au déplacement ne sont pas toujours corrélés avec des résultats positifs en matière de santé mentale (voir la section 4.4.5.1 Migration et déplacement).

Au Canada, l’ouragan Igor, qui était de catégorie 4 et qui a frappé la côte est de Terre-Neuve en 2010, a été l’un des ouragans les plus dévastateurs de l’histoire canadienne (Gosse, 2010; Bureau d’assurance du Canada, 2010; Pitts, 2015). Bien qu’il n’y ait pas d’études empiriques connues sur les impacts de cet ouragan sur la santé mentale, il y a eu des rapports documentant les conséquences psychosociales des pertes et de la destruction (Gosse, 2010; Bureau d’assurance du Canada, 2010). Il y a également eu un reportage, cinq ans après l’ouragan, sur les résultats psychosociaux chez les membres de la collectivité de Clarenville et de la péninsule de Bonavista, à Terre-Neuve-et-Labrador. Ces résultats dénotaient un sentiment accru d’appartenance et de résilience à la suite de l’ouragan et au cours des mois et années qui ont suivi les efforts de reconstruction (Pitts, 2015).

4.4.4

Effets des dangers à évolution lente sur la santé mentale

Les dangers à évolution lente, comme la sécheresse, la fonte des glaces de mer et l’élévation du niveau de la mer, peuvent aussi avoir des impacts sur la santé mentale.

4.4.4.1 Sécheresse

Les changements climatiques devraient continuer d’accroître le risque de sécheresse au Canada (Bush et Lemmen, 2019). La sécheresse peut avoir une incidence sur les moyens de subsistance, le statut socioéconomique, les ressources en eau potable, la disponibilité des aliments et la fonction respiratoire (Vins et coll., 2015; Watts et. coll., 2017). En raison de ces effets, la sécheresse peut également avoir une incidence sur la santé mentale (Yusa et coll., 2015; Bard, 2017). La documentation sur les impacts de la sécheresse sur la santé mentale met en évidence les répercussions secondaires de l’insécurité économique, alimentaire et hydrique. Ces impacts sur la santé mentale comprennent un risque accru de suicide, la perte du sentiment d’appartenance et le désespoir général (Nicholls et coll., 2006; Polin et coll., 2011; Rigby et coll., 2011; Hanigan et coll., 2012; Bryant et Granham, 2015).

Les personnes les plus à risque de souffrir de problèmes de santé mentale causés par la sécheresse sont ceux qui travaillent à l’extérieur (la littérature courante indique que ces travailleurs ont tendance à être des hommes et des agriculteurs), les habitants des régions rurales et les peuples autochtones (Rigby et coll., 2011; O’Brien et coll., 2014; Bryant et Granham, 2015; Powers et coll., 2015; Flecther et Knuttila, 2016; Ellis et Albrecht, 2017). Les travailleurs dans le secteur agricole sont parmi les plus touchés par les effets de la sécheresse sur la santé mentale parce que leurs moyens de subsistance dépendent des conditions environnementales (Vins et coll., 2015; Ellis et Albrecht, 2017). Par exemple, Ellis et Albrecht (2017) ont constaté que les changements climatiques contribuaient à intensifier l’inquiétude et la détresse en matière d’appartenance, ainsi qu’à accroître le risque perçu de dépression et de suicide chez les agriculteurs en Australie. Ces résultats sont imputables à une perte d’identité, aux liens affectifs profonds avec les fermes familiales, à un sentiment d’échec dû à l’incapacité de protéger la terre et à la compréhension de la destruction écologique qui se produit dans leur collectivité (Ellis et Albrecht, 2017).

Les réactions émotionnelles à la sécheresse peuvent être complexes et entraîner des effets négatifs et positifs. Par exemple, dans le cadre d’une étude sur les effets de la sécheresse chez les premiers peuples d’Australie en Nouvelle-Galles du Sud, Rigby et coll. (2011) ont observé des impacts sur la culture et l’appartenance, notamment l’incapacité d’exercer leurs pratiques culturelles et le fait d’avoir dû quitter leurs terres traditionnelles, qui ont suscité un sentiment de désespoir (Rigby et coll., 2011). En plus de faire ressortir la complexité des réactions psychosociales à la sécheresse, les auteurs ont signalé que la sécheresse suscitait un amour et une préoccupation accrus pour la nature, ainsi qu’un enthousiasme renouvelé pour exprimer sous toutes les formes de l’art les liens avec la nature (Rigby et coll., 2011, page 249).

Les sécheresses imposent un fardeau psychosocial important, comme elles ont tendance à durer plus longtemps que d’autres événements météorologiques extrêmes et sont généralement plus étendues géographiquement; par conséquent, elles tendent à avoir de vastes impacts sur le plan économique. De plus, le rétablissement écologique a tendance à être lent (Yusa et coll., 2015; Fletcher et Knuttila, 2016).

4.4.4.2 Fonte de la glace de mer et élévation du niveau de la mer

Les impacts sur la santé mentale de la fonte de la glace de mer et de l’élévation du niveau de la mer constituent un domaine d’étude en pleine croissance, et une grande partie de la documentation canadienne est axée sur le déclin de la glace de mer dans les collectivités du Nord. Il s’agit de la région du Canada où le réchauffement est le plus rapide, particulièrement dans les collectivités éloignées, inuites et des Premières Nations (Bush et Lemmen, 2019). Les impacts sur la santé mentale de la fonte de la glace de mer et de l’élévation du niveau de la mer englobent la détresse psychosociale liée à l’insécurité alimentaire, la perte d’un sentiment d’appartenance et d’identité, l’accroissement du stress et de l’anxiété associés aux conditions de déplacement dangereuses, et l’augmentation de la consommation de substances (Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Asugeni et coll., 2015; Durkalec et coll., 2015; Harper et coll., 2015). Par exemple, il a été démontré que le réchauffement des températures et la fonte de la glace de mer ont suscité diverses réactions émotionnelles fortes, notamment la peur, l’anxiété, la tristesse, la colère, la frustration, le stress et la détresse chez les Inuits du Nunatsiavut (Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Durkalec et coll., 2015; Harper et coll., 2015). L’évolution des conditions météorologiques ainsi que de l’épaisseur et de l’étendue de la glace de mer ont nui à la capacité des membres de la collectivité à se déplacer et à participer aux méthodes traditionnelles de collecte des aliments, ce qui a eu une incidence sur la sécurité alimentaire. Ces impacts ont miné le sentiment d’appartenance et d’identité, car les pratiques culturelles ont été perturbées par le manque d’accès à des glaces stables et sécuritaires (Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Harper et coll., 2015). Les problèmes de santé mentale, les idéations suicidaires, le stress familial et la consommation accrue de drogues et d’alcool ont souvent été associés à cette perturbation du sentiment d’appartenance et d’identité (Cunsolo Willox et coll., 2012).

4.4.5

Questions générales liées à la santé mentale et aux changements climatiques

4.4.5.1 Migration et déplacement

Les personnes exposées à des aléas climatiques peuvent subir des pertes d’emploi (en particulier celles qui travaillent à l’extérieur), une insécurité alimentaire et hydrique, ainsi qu’une migration forcée; toutes ces conséquences peuvent avoir un impact sur la santé psychosociale (Fritze et coll., 2008; Agnew, 2012; Vins et coll., 2015). Les déplacements mondiaux de populations attribuables aux changements climatiques devraient toucher de vingt-cinq millions à un milliard de personnes d’ici 2050, mais l’estimation la plus fréquemment citée est de deux cents millions (IEHS, 2015). En plus de subir les conséquences du déplacement, les migrants sont souvent confrontés à des impacts psychosociaux liés au racisme et à la discrimination dans leur nouveau pays d’accueil ou dans d’autres régions du pays où ils ont dû se réfugier (Gleick, 2014).

Les aléas graves et à évolution lente causés par les changements climatiques interagissent avec les conditions socioéconomiques et politiques existantes et entraînent une augmentation de la migration volontaire et forcée (Schwerdtle et coll., 2017). Par suite d’aléas associés aux changements climatiques, ce ne sont pas toutes les populations qui migrent volontairement, et certaines ne sont pas en mesure de le faire du tout (Black et coll., 2011). Certaines populations qui subissent des impacts climatiques peuvent choisir de ne pas migrer, mais plutôt d’adopter d’autres stratégies d’adaptation (Black et coll., 2011). D’autres peuvent opter pour une migration temporaire avec un retour planifié ou une mobilité circulaire entre leur domicile et leur nouveau lieu d’accueil. Les « populations piégées » représentent les personnes qui ne sont aucunement ou moins en mesure de migrer en raison de conditions sociales, politiques ou économiques, et ce, malgré leur grande vulnérabilité aux dangers climatiques (Bogic et coll., 2015). Ces populations vivent souvent dans des milieux où les ressources sont limitées (au Canada ou à l’étranger) et connaissent déjà diverses iniquités en santé. Les populations exposées aux dangers climatiques qui sont incapables de se réinstaller continuent d’être plus à risque de subir des impacts sur la santé mentale imputables aux changements climatiques (Foresight: Migration and Global Environmental Change, 2011). Bien que la migration attribuable au climat puisse avoir des conséquences néfastes pour la santé, elle peut aussi avoir une incidence positive sur la santé et le bien-être. Par exemple, un examen de Schwerdtle et coll. (2017) sur les changements climatiques et la migration, qui comprend des études de cas dans divers pays, décrit comment une réinstallation volontaire et planifiée peut être une adaptation réussie si elle est fondée sur le consentement des communautés migratrices, si elle contribue à l’amélioration du niveau de vie, et si elle constitue une option de dernier recours.

Au Canada, le déplacement imputable aux changements climatiques est un enjeu important, en particulier pour les collectivités autochtones. Par exemple, l’inondation de 2011 au Manitoba a engendré le déplacement de résidents de la Première Nation du lac St. Martin au Manitoba pendant plus de six ans (Macyshon, 2017). Environ 7 % des personnes évacuées ne sont jamais retournées chez elles, en partie pour des raisons de suicide et d’itinérance (Macyshon, 2017). Le mauvais usage de substances peut également être associé au déplacement. Le directeur de la santé de la Nation crie de Montreal Lake, en Saskatchewan, a laissé entendre que l’augmentation de la consommation de méthamphétamine en cristaux chez 600 membres de la collectivité est liée à l’évacuation causée par les feux de forêt de 2015 qui ont nécessité le déplacement de l’ensemble de la collectivité de 1 200 personnes (Zakreski, 2019). Les déplacements imputables aux changements climatiques peuvent donc avoir des effets psychosociaux comme la hausse des taux de suicide, d’itinérance et de toxicomanie ou d’alcoolisme au sein des collectivités autochtones touchées par les évacuations causées par des événements météorologiques extrêmes au Canada (encadré 4.1). Toutefois, il faudra effectuer d’autres recherches pour mieux comprendre ces répercussions.

4.4.5.2 Impacts sur les systèmes et établissements de santé

Les changements climatiques ont également des répercussions sur les services de santé mentale, le traitement des patients et les installations. Par exemple, les établissements de soins de santé mentale peuvent être inaccessibles en raison de dommages causés à l’infrastructure des bâtiments ou des routes par des catastrophes climatiques graves (Hasket et coll., 2008; Osofsky et coll., 2010; Clayton et coll., 2017). De plus, les professionnels de la santé mentale peuvent ne pas pouvoir se rendre dans des établissements de soins de santé pour fournir des services en raison de dommages à leurs propres biens, de blessures corporelles ou de dommages à l’infrastructure entre leur logement et les établissements de santé. Pour les mêmes raisons, les victimes peuvent être incapables d’avoir accès à des médicaments d’ordonnance pour traiter des troubles mentaux préexistants (Balbus et coll., 2013).

De nombreuses collectivités au Canada peuvent ne pas avoir accès à des établissements de soins de santé mentale ou à des praticiens sur place même avant un danger climatique, particulièrement dans les régions rurales et éloignées (Cunsolo Willox et coll., 2013b; Petrasek MacDonald et coll., 2015; Moroz et coll., 2020). Dans de tels cas, les collectivités se voient souvent offrir des soins de santé mentale de courte durée après l’événement, mais leurs besoins en soins de santé mentale à long terme ne sont cependant pas comblés (Hayes et coll., 2020).

Clayton et coll. (2017) ont constaté que les villes qui établissent des plans en vue d’améliorer ou de construire des infrastructures résilientes aux changements climatiques et de répondre aux besoins en santé négligent souvent l’infrastructure en santé mentale (y compris les établissements de soins de santé mentale et les services de mieux-être). L’amélioration de l’accès aux services de santé mentale et l’expansion de ceux-ci peuvent soutenir la résilience psychosociale aux changements climatiques (encadré 4.2).

4.4.5.3 Pertes et dommages

La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) souligne les effets néfastes des pertes et des dommages liés aux changements climatiques à l’échelle de la collectivité (Tschakert et coll., 2017; CCNUCC, 2020). Les pertes et les dommages désignent les pertes physiques et les dommages causés aux ressources environnementales, à la biodiversité, aux propriétés, aux entreprises et aux infrastructures par les aléas climatiques graves et à évolution lente. De plus en plus de documents mettent en évidence l’effet des pertes et des dommages liés au climat sur le bien-être psychosocial (Barnett et coll., 2016; Tschakert et coll., 2017; Cunsolo et Ellis, 2018; Tschakert et coll., 2019). Tel qu’il a été susmentionné, la perte du sentiment d’appartenance, particulièrement chez les peuples autochtones au Canada et dans le monde, représente la perte de culture, d’identité, du lien avec la nature et d’activités axées sur la terre, de sorte que les effets psychosociaux de la perte sont innombrables et complexes (Rigby et coll., 2011; Cunsolo Willox et coll., 2012; Tam et coll., 2013; Cunsolo et Ellis, 2018; Middleton et coll., 2020a; Middleton et coll., 2020b). Par exemple, Tam et coll. (2013) ont évalué l’incidence des changements climatiques sur le bien-être d’une collectivité des Premières Nations dans la région de l’ouest de la baie James et ont constaté que les aléas à évolution lente (p. ex., réchauffement des températures, variation des durées des saisons) tout comme les aléas graves (p. ex., inondations) ont causé la perte des pratiques traditionnelles de récolte et des dommages à la route d’hiver, en plus de perturber le comportement des animaux. De même, au Nunatsiavut (Labrador), les perturbations causées par la hausse des températures, la fonte de la glace de mer, les changements dans les habitudes de vie de la flore et de la faune et les impacts subséquents sur la sécurité alimentaire et culturelle ont entraîné une diminution du sentiment d’appartenance, un affaiblissement de la continuité culturelle et l’apparition de préoccupations au sujet de la perte des liens futurs avec un lieu donné (Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Middleton et coll., 2020a). Ce sentiment de perte, les dommages et les perturbations ont par la suite entraîné des défis socioéconomiques et une insécurité alimentaire qui ont nui au bien-être psychosocial des collectivités (Tam et coll., 2013).

Dans une analyse systématique intitulée « One thousand ways to experience loss », Tschakert et coll. (2019) ont documenté les nombreux types de pertes et de dommages que subissent les collectivités en raison du climat, grâce à un examen comparatif de plus de 100 études de cas. Ils ont constaté un éventail de problèmes émotionnels, y compris la tristesse, l’inquiétude, les traumatismes, la dépression, les idéations suicidaires, la perte du sentiment d’appartenance, la perte du sentiment de sécurité, le sentiment de nostalgie dans le milieu familial (solastalgie), le deuil et la perte d’identité (Tschakert et coll., 2019). De plus, un examen systématique de la documentationsur les effets des changements climatiques sur la santé mentale des peuples autochtones a révélé que le changement des régimes d’appartenance et d’alimentation peut mener à des résultats émotionnels et psychologiques diversifiés, interreliés et qui se chevauchent (Middleton et coll., 2020b). Les auteurs de cette étude soulignent qu’il n’y a pas de relation unique ou simple entre les facteurs de stress climatiques et les pertes et dommages intangibles, et que les dommages liés au climat sont amplifiés par des circonstances personnelles, la culture et le contexte socioéconomique (Tschakert et coll., 2019, page 69). La section suivante donne un aperçu de la façon dont les iniquités en santé – fondées sur les déterminants biologiques, culturels, sociaux et environnementaux de la santé – influent sur les expositions, les risques et les impacts liés au climat.

4.5

Populations à risque plus élevé

Bien que tous soient vulnérables aux impacts des changements climatiques sur la santé, certaines populations et collectivités sont touchées de façon disproportionnée. La présente section porte particulièrement sur les populations du Canada qui sont plus à risque de subir les impacts des changements climatiques sur la santé mentale, notamment les Autochtones, les enfants, les jeunes et les adultes âgés, les groupes socioéconomiques défavorisés et les personnes en situation d’itinérance, les personnes qui ont des problèmes de santé préexistants et certains groupes professionnels. Elle met l’accent sur les besoins en matière d’attention, de promotion, de prévention et de soins appropriés pour des sous-ensembles précis de la population.

Dans de nombreux cas, les personnes qui sont aux prises avec des iniquités en santé sont plus à risque d’avoir des problèmes de santé mentale liés aux changements climatiques. Les iniquités en santé désignent les différences évitables d’état de santé qui découlent de systèmes, de politiques et de facteurs injustes ou inéquitables ayant une incidence sur l’état de santé (gouvernement du Canada, 2018; voir également le chapitre 9 : Changements climatiques et équité en santé). Afin de remédier à ces iniquités systémiques en santé, il est important de mieux comprendre qui est le plus à risque et quels sont les facteurs systémiques qui accroissent le risque.

Certaines personnes peuvent faire partie de plusieurs de ces groupes de population et faire face à de multiples iniquités en santé, ce qui peut aggraver les risques climatiques pour la santé mentale. La façon dont les facteurs de risque multiples et les iniquités en santé peuvent aggraver le risque n’est pas bien comprise. Par exemple, de nombreuses populations peuvent être exposées à un risque accru des effets des changements climatiques sur la santé mentale et qui sont également victimes de discrimination. Cela peut inclure les groupes racialisés et les personnes victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle ou de leurs problèmes de santé mentale. Il y a peu de données sur la façon dont la discrimination peut exacerber les impacts des changements climatiques sur la santé mentale de populations particulières.

Il est important de noter que de nombreuses populations qui sont à risque accru de problèmes de santé mentale liés aux changements climatiques ont démontrée et continuent de démontrer des comportements adaptatifs et résilients malgré les défis et les iniquités auxquels elles sont confrontées. Alors qu’il commence à y avoir des études sur les forces et les mesures d’adaptation des populations risquant d’avoir plus de problèmes de santé mentale en raison des changements climatiques (Ford et coll., 2016; Hayes et coll., 2019), de tels renseignements peuvent permettre de tirer des leçons importantes concernant les impacts des changements climatiques les plus graves et de les utiliser pour mieux comprendre l’adaptation et la résilience (Hayes, 2019).

4.5.1

Peuples autochtones

Il y a un grand nombre de documents qui se rapportent aux impacts des changements climatiques sur la santé mentale des peuples autochtones au Canada et dans le monde, surtout les peuples autochtones dans les régions éloignées de l’Australie (Shipley et Berry, 2010; Bardsley et Wiseman, 2012; Green et Minchin, 2014; O’Brien et coll., 2014; Bowles, 2015) et l’Inuit Nunangat au Canada (Cameron, 2012; Cunsolo Willox et coll., 2012; Ford, 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Durkalec et coll., 2015; Harper et coll., 2015; Ford et coll., 2016). Les peuples autochtones de ces régions géographiques distinctes sont aux premières loges des changements climatiques et sont témoin de la perte ou de la dégradation des terres, ce qui peut avoir des répercussions sur le bien-être individuel et collectif (Cunsolo Willox et coll., 2012; Tam et coll., 2013; Cunsolo Willox et coll., 2014; Middleton et coll., 2020b).

S’ajoutent aux impacts d’un climat en évolution rapide les séquelles et les traumatismes découlant de la colonisation, de la dépossession des terres, des pensionnats, de la réinstallation forcée, du racisme, de l’exclusion sociale et de la marginalisation continue des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada (Kirmayer et coll., 2009; Cameron, 2012; Ford, 2012). Il y a également une pénurie de services de santé adaptés à la culture des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada, ce qui crée des obstacles systématiques et culturels à l’accès aux services et à leur utilisation (voir le chapitre 2 : Changements climatiques et santé des Autochtones du Canada). Par ailleurs, il ne fait aucun doute que le fardeau de maladie physique chronique des peuples autochtones est plus grand en raison des iniquités systémiques en santé qui peuvent exacerber la mauvaise santé mentale liée au climat (Earle, 2013; ITK, 2016).

4.5.2

Sexe et genre

Les données probantes indiquent que les personnes qui s’identifient comme des femmes3 ont tendance à être plus sujettes à l’anxiété, à l’inquiétude et au TSPT liés aux changements climatiques (Tunstall et coll., 2006; Lowe et coll., 2013; Dodgen et coll., 2016; Clayton et coll., 2017). La documentation indique également que les personnes qui s’identifient comme des femmes ont tendance à être plus à risque face aux changements climatiques en raison de la marginalisation fondée sur le sexe (Fletcher et Knuttila, 2016; Williams et coll., 2018). En particulier, les femmes ont tendance à assumer des rôles de dispensatrices de soins, lesquels sont habituellement sous-évalués et sous-rémunérés. De plus, en raison de ces rôles, elles sont plus à risque d’éprouver de l’usure de compassion, notamment pendant les périodes d’exposition (ou d’exposition interposée) aux dangers climatiques (Hayes, 2019). Pacheco (2020) souligne également que les personnes enceintes sont plus à risque de souffrir de maladies liées à la chaleur et de carences nutritionnelles, lesquelles sont exacerbées par les événements de chaleur et l’insécurité alimentaire liés au climat.

Des études indiquent que les hommes subissent également les impacts des changements climatiques sur la santé mentale. Par exemple, les travaux de Cunsolo Willox et coll. (2012) dans les collectivités inuites du Nord au Nunatsiavut ont révélé que les hommes d’âge moyen étaient souvent les plus touchés par les conditions environnementales changeantes parce qu’ils étaient incapables de fournir de la nourriture à leur famille et à leur collectivité, ce qui minait leur sentiment d’appartenance et d’identité (Durkalec et coll., 2015). De plus, tel qu’il a été mentionné précédemment, il y a un risque accru de suicide chez les agriculteurs masculins en période de sécheresse (Hanigan et coll., 2012). Il importe de tenir compte du rôle de la socialisation fondée sur le genre dans la recherche de soins en santé mentale (Tunstall et coll., 2006). D’après la documentation, le problème serait moins de savoir qui est touché, mais plutôt qui a appris à demander de l’aide et qui a accès à des services de santé mentale (Tunstall et coll., 2006; Alston et Kent, 2008; Berry et coll., 2011; Polain et coll., 2011; Granham, 2015).

4.5.3

Enfants, jeunes et adultes âgés

Les enfants, les jeunes et les adultes âgés ont tendance à être plus à risque de subir les impacts psychosociaux des changements climatiques parce qu’ils dépendent davantage des autres pour maintenir leur santé et leur bien-être (Lowe et coll., 2013; Clayton et coll., 2014). Quelques données probantes indiquent que les personnes enceintes exposées à des facteurs de stress liés aux changements climatiques peuvent avoir des enfants présentant des risques accrus de retard de croissance intra-utérin, de faible poids à la naissance et de prématurité (Pacheco, 2020). Entre autres types d’effets indésirables à long terme, les changements climatiques peuvent avoir des impacts psychosociaux comme le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention, le trouble du spectre de l’autisme et d’autres troubles neurodéveloppementaux, les déficits cognitifs, les troubles de l’humeur et la schizophrénie (Pacheco, 2020).

Les enfants peuvent également vivre des épisodes d’anxiété et avoir des sentiments de catastrophe imminente liée aux changements climatiques (Tucci et coll., 2007; Fritze et coll., 2008; Ojala, 2012). Une enquête menée auprès d’enfants australiens par Tucci et coll. (2007) a révélé qu’un enfant sur quatre était si préoccupé par la menace mondiale des changements climatiques qu’il croyait que le monde prendrait fin avant qu’il n’atteigne l’âge adulte. Les enfants peuvent également être exposés à un risque accru de traumatisme et d’anxiété à long terme par suite d’événements météorologiques extrêmes (Simpson et coll., 2011; Brown et coll., 2019; Roberts et coll., 2019). Les préoccupations des enfants et des jeunes au sujet des changements climatiques sont peut-être plus répandues parce qu’ils réfléchissent davantage à leur avenir, qu’ils ont moins d’autonomie et de contrôle sur leur vie et leur comportement, et qu’ils ont plus de temps pour penser à cette question (Ojala, 2012; Clayton, 2020).

4.5.4

Populations de faible niveau socioéconomique et en situation d'itinérance

Les personnes dont le niveau socioéconomique est faible sont plus à risque de subir les effets des changements climatiques sur la santé (voir le chapitre 9 : Changements climatiques et équité en santé), y compris ceux sur la santé mentale. Par exemple, les personnes en situation d’itinérance ont tendance à vivre dans des zones urbaines et suburbaines où ils sont plus exposés aux températures extrêmes, ce qui peut avoir un effet disproportionné sur les personnes qui ont des problèmes de santé mentale préexistants ainsi que des problèmes de thermorégulation (Dodgen et coll., 2016). Les personnes en situation d’itinérance sont plus à risque de contracter des maladies à transmission vectorielle parce qu’ils passent beaucoup de temps à l’extérieur dans des conditions météorologiques précaires et dans des régions où les vecteurs hôtes peuvent être plus fréquents (Dodgen et coll., 2016). Les maladies à transmission vectorielle, comme le virus du Nil occidental et la maladie de Lyme, peuvent aggraver les problèmes de santé mentale préexistants en contribuant à des problèmes cognitifs, neurologiques et de santé mentale (Dodgen et coll., 2016). Bien que la base de recherche actuelle sur les effets des changements climatiques sur la santé mentale chez les personnes en situation d’itinérance et les personnes du Canada dont le niveau socioéconomique est faible soit limitée, la situation socioéconomique est reconnue comme un prédicteur des mauvais résultats en santé mentale (Hudson, 2005).

4.5.5

Personnes ayant des problèmes de santé préexistants

Les personnes qui ont des problèmes de santé préexistants, y compris des problèmes de santé mentale, sont plus à risque de subir les effets des changements climatiques sur la santé mentale (Cusack et coll., 2011; Dodgen et coll., 2016). Par exemple, aux États-Unis, les vétérans atteints d’une maladie mentale étaient 6,8 fois plus susceptibles de souffrir d’une maladie mentale exacerbée après l’ouragan Katrina que les vétérans qui n’avaient pas de problèmes de santé mentale préexistants (Dodgen et coll., 2016). De plus, les personnes atteintes d’une maladie mentale grave sont extrêmement vulnérables aux catastrophes climatiques et leurs besoins peuvent souvent être négligés dans les situations d’urgence (Jones et coll., 2009). Les personnes ayant des problèmes de santé mentale préexistants courent un risque accru d’autres morbidités et de mortalité. Des soins en santé mentale et des ressources sociales pour soutenir le bien-être (p. ex., groupes de soutien) sont nécessaires pendant et après l’exposition aux dangers climatiques au sein de cette population cible.

4.5.6

Groupes professionnels

Les personnes qui travaillent principalement à l’extérieur ou dont les moyens de subsistance dépendent de la santé de la terre et de l’environnement sont plus à risque de subir les effets psychosociaux des changements climatiques (Fritze et coll., 2008; Costello et coll., 2009; Berry et coll., 2010a; Clayton et coll., 2014; GIEC, 2014). Les personnes travaillant à l’extérieur qui ont tendance à être les plus à risque sont les pêcheurs, les éleveurs, les chasseurs et les trappeurs ainsi que les gens de l’industrie du tourisme (Fritze et coll., 2008; Costello et coll., 2009; Berry et coll., 2010a; Clayton et coll., 2014; GIEC, 2014).

Les changements climatiques touchent non seulement les industries traditionnelles fondées sur les ressources, mais les travailleurs qui dépendent de ces industries pour gagner leur vie, et ceux-ci peuvent éprouver une détresse mentale liée à l’insécurité d’emploi. Certaines données anecdotiques donnent à penser que les gens qui travaillent dans les industries primaires en Alberta, par exemple, vivent une grave détresse émotionnelle alors qu’ils anticipent l’effondrement des secteurs traditionnels dans lesquels ils travaillent (Mouallen, 2015). Selon certaines données probantes, l’écoanxiété peut également toucher les personnes qui travaillent dans les domaines de la climatologie, des sciences de l’environnement et de la santé publique (Clayton, 2018; Pihkala, 2020).

Un autre groupe professionnel qui a tendance à subir de façon disproportionnée les effets psychosociaux des changements climatiques est celui des premiers intervenants qui participent aux interventions en santé après des événements extrêmes (p. ex., ouragans, inondations, feux de forêt) (Carleton et coll., 2017). Dodgen et coll. (2016) ont observé que les taux de TSPT chez les premiers intervenants varient de 13 % à 18 %, quatre ans après leur intervention lors d’un événement météorologique extrême.

4.6

Risques liés à la santé mentale et coût économique prévus

4.6.1

Risques prévus pour la santé mentale découlant des changements climatiques

Aucune étude connue au Canada ne prévoit les effets des changements climatiques sur la santé mentale. Toutefois, une étude a utilisé divers scénarios climatiques pour projeter les résultats des changements climatiques sur la santé mentale, en mettant l’accent sur les taux de suicide imputables au réchauffement des températures aux États-Unis et au Mexique. Burke et coll. (2018) ont estimé que le réchauffement d’ici 2050 (dans le scénario RCP 8,5) pourrait être la cause de 9 000 à 40 000 suicides supplémentaires aux États-Unis et au Mexique. Alors que les températures moyennes mensuelles se sont réchauffées de 1 °C, les décès par suicide ont augmenté de 21 % au Mexique et de 0,7 % aux États-Unis (Burke et coll., 2018).

En l’absence d’efforts d’adaptation accrus, le fardeau actuel de la mauvaise santé mentale au Canada est susceptible de croître étant donné que la gravité et la fréquence de nombreuses catastrophes climatiques ayant une incidence sur la santé mentale devraient s’intensifier (Bush & Lemmen, 2019; Hayes et al., 2019). Tel qu’il est mentionné précédemment, la Commission canadienne de la santé mentale signale que 7,5 millions de personnes au Canada éprouvent des problèmes de santé mentale chaque année (CSMC, 2017). Étant donné le très grand nombre de Canadiens et de Canadiennes qui ont des problèmes de santé mentale, l’augmentation potentielle des maladies découlant des futurs changements climatiques est importante.

4.6.2

Coût économique prévu des répercussions sur la santé

Aucune étude connue ne documente le coût économique prévu des impacts des changements climatiques sur la santé mentale au Canada. On estime que 500 000 Canadiens et Canadiennes s’absentent du travail chaque semaine en raison de problèmes de santé mentale, ce qui représente pour l’économie canadienne des coûts annuels d’environ 51 milliards de dollars. Les troubles psychiatriques arrivent au second rang des dépenses en soins de santé les plus coûteuses au Canada, après les dépenses pour les maladies cardiovasculaires (CAMH, 2012; ASPC, 2014). Compte tenu du coût élevé des troubles psychiatriques pour le système de santé et la société et de l’ampleur des effets sur la santé mentale qui peuvent être associées aux changements climatiques, le coût futur pour les Canadiens et les Canadiennes devrait être considérable au fur et à mesure que le climat continue de se réchauffer.

4.7

Mesures d’adaptation pour réduire les risques

Les mesures d’adaptation peuvent être efficaces pour réduire les impacts des changements climatiques sur la santé mentale (Dodgen et coll., 2016). La présente section donne un aperçu des rôles et des responsabilités qu’assument les intervenants dans le secteur de la santé et à l’extérieur de celui-ci en vue d’améliorer la santé mentale dans un climat en évolution. Elle traite des politiques et des programmes actuels visant à réduire les risques pour la santé mentale, y compris des approches émergentes et novatrices pour assurer le suivi et la surveillance des effets des changements climatiques sur la santé mentale, des efforts visant à soutenir les jeunes et des interventions qui favorisent les interactions avec la nature. Elle décrit également les éventuelles mesures d’adaptation et les obstacles en la matière, de même que les avantages accessoires de la lutte contre les effets des changements climatiques qui pourraient bénéficier la santé mentale.

4.7.1

Rôles et responsabilités en matière d’adaptation dans le but de réduire les risques

L’adaptation afin d’atténuer les effets des changements climatiques sur la santé mentale exige des mesures intersectorielles et transdisciplinaires fondées sur un soutien et des soins intégrés et coordonnés (Stanke et coll., 2012; Hayes et coll., 2019). Les disciplines qui devraient participer à cet effort comprennent divers professionnels de la santé, dont les suivants :

  • Médecins, infirmières, spécialistes en santé mentale (p. ex., psychiatres, psychologues et psychothérapeutes)
  • Professionnels paramédicaux (p. ex., travailleurs en santé publique, pharmaciens, travailleurs sociaux et travailleurs en santé mentale communautaire)
  • Professionnels de la protection civile (p. ex., premiers intervenants)

Le meilleur soutien en santé mentale est probablement celui offert par des professionnels de la santé mentale dans le cadre de services structurés, comme les thérapies, le counseling et les médicaments psychotropes (Hayes et coll., 2018a). Pour bon nombre de gens, la maladie mentale et la détresse émotionnelle sont toujours fortement stigmatisées; ils préfèrent assurer leur bien-être grâce à des soutiens et à des réseaux familiaux et communautaires non structurés qui n’ont aucun lien avec les soins de santé mentale structurés (Rodriguez et coll., 2008). Par conséquent, les gens peuvent avoir recours à des services et à un soutien non structurés, comme des exercices, des activités artistiques ou des groupes qui renforcent le sentiment d’appartenance à la communauté (Hayes et coll., 2018a). Il y a également une variété d’approches culturelles en matière de soins de santé mentale sur lesquelles les gens peuvent compter – par exemple, la guérison axée sur la nature pratiquée par de nombreux peuples autochtones, qui permet aux participants de profiter de la nature pour créer, fabriquer, cuisiner, relater des histoires et établir des liens avec la nature et avec la culture (Radu, 2018).

4.7.2

Politiques et programmes qui réduisent les risques

Il existe toute une gamme d’interventions pour contrer les répercussions psychosociales des changements climatiques, y compris des politiques, des programmes et pratiques, des approches communautaires et d’autres stratégies pour fournir des services et de l’aide en santé mentale (tableau 4.2). La santé psychosociale désigne de façon plus générale les composantes sociales et psychologiques qui façonnent le bien-être, et la santé mentale est un aspect de la définition plus large de la santé psychosociale. Les sections suivantes mettent en évidence la vaste gamme d’interventions d’adaptation qui contribuent à la santé psychosociale (Clayton et coll., 2017; Hayes et Poland, 2018; Hayes et coll., 2018a).

Tableau 4.2

Exemples de politiques et de programmes, ainsi que d’interventions et de pratiques médicales visant à atténuer les répercussions psychosociales des changements climatiques

Politiques et programmes

  • Accès accru aux services de santé mentale et financement supplémentaire
  • Aide économique pour réduire la pression financière qui constitue un facteur de stress clé pour les victimes d’une catastrophe climatique
  • Plans de résilience aux changements climatiques, qui traitent du bien-être psychosocial
  • Évaluations de la vulnérabilité et de l’adaptation de la santé aux changements climatiques, qui englobent l’examen des vulnérabilités en matière de santé mentale et des options d’adaptation

Interventions et pratiques médicales

  • Thérapies ou médicaments particuliers fournis par des professionnels de la santé mentale
  • Interventions comportementales particulières telles que les thérapies cognitivocomportementales, les pratiques fondées sur la pleine conscience ou les programmes d’écodeuil
  • Formation spécialisée en secourisme psychologique ou en premiers soins en santé mentale pour les membres de la collectivité
  • Services itinérants de soins de santé mentale
  • Services de santé mentale sans rendez-vous
  • Guides de ressources à l’intention des professionnels et du public sur les effets des changements climatiques sur la santé mentale

4.7.2.1 Observation et surveillance des effets sur la santé mentale

La Boîte à outils pour la surveillance post-sinistre des impacts sur la santé mentale, élaborée par l’Institut national de la santé publique du Québec, fournit des conseils aux responsables de la santé publique sur la surveillance des impacts des catastrophes majeures sur la santé mentale pendant la phase de rétablissement, qui peut durer des mois ou des années après un événement extrême (Canuel et coll., 2019). Cette boîte à outils comprend des instruments de collecte de données conçus pour évaluer les effets sur la santé mentale de l’exposition aux catastrophes climatiques. En outre, de nouvelles approches ont été élaborées et sont en cours d’élaboration dans les collectivités autochtones afin de mieux comprendre les effets psychosociaux des changements climatiques (encadré 4.3).

4.7.2.2 Soutien aux jeunes

Les jeunes peuvent être particulièrement affligés par de l’anxiété, du deuil et du stress imputables aux changements climatiques, y compris l’écoanxiété et l’écodeuil. Ray (2020) qualifie les jeunes nés entre les années 1990 et 2000 de « génération climatique », en raison de leur exposition à la crise climatique au cours de leur vie. Le livre Field Guide to Climate Anxiety: How to Keep Your Cool on a Warming Planet (Ray, 2020) s’adresse aux jeunes et fournit un certain nombre de ressources pour composer avec les changements climatiques, notamment :

  • des outils pour lutter contre l’épuisement professionnel lié à l’activisme climatique et à la crise climatique;
  • des techniques pour donner un sens à la crise climatique et trouver un but et une signification en vue d’y réagir;
  • des stratégies pour accroître la résilience collective et individuelle;
  • des outils pour contrer les effets potentiellement négatifs de la couverture médiatique des changements climatiques;
  • des conseils sur la façon d’insuffler de la joie, de l’humour et de l’optimisme dans le travail lié à la justice climatique.

Le guide pratique place le bien-être individuel et collectif, de même que la justice sociale et environnementale, au centre de ces mesures. Certaines collectivités et organisations autochtones se concentrent sur le soutien du bien-être des enfants et des jeunes qui cherchent à composer avec les effets des changements climatiques. L’encadré 4.4 souligne comment deux organisations de trois Premières Nations d’Island Lake exposées à un feu de forêt ont conjugué leurs efforts pour soutenir le bien-être des enfants.

4.7.2.3 Interactions avec le milieu naturel

Une grande partie de la documentation actuelle qui explore des approches nouvelles et novatrices pour lutter contre les répercussions psychosociales des changements climatiques souligne l’importance des interactions avec le milieu naturel. Les pratiques de préservation du milieu naturel inculquent un sentiment d’intendance et d’investissement personnel qui peut aider les gens à surmonter leur désespoir, leur anxiété et leur écoparalysie. Une clinique environnementale a traité des « impatients » qui étaient émotionnellement et physiquement lassés d’attendre des interventions législatives sur les changements climatiques en leur « prescrivant » des mesures environnementales (Koger et coll., 2011). La clinique a enseigné aux élèves des stratégies d’adaptation axées sur les problèmes qui améliorent le bien-être grâce à l’activisme environnemental (Koger et coll., 2011).

Le fait de passer du temps dans la nature améliore aussi la santé physique et psychosociale (Ulrich, 1979). Une pratique japonaise courante qui permet de réduire le stress et l’anxiété est le shinrin-yoku (« bain de forêt ») — une façon d’établir des liens profonds avec la nature. Une étude réalisée par Lee et coll. (2011) a révélé que les bains de forêt abaissaient les taux de cortisol et la fréquence du pouls, tout en accroissant considérablement les sentiments positifs.

Depuis toujours, les collectivités autochtones utilisent des pratiques de guérison axées sur la nature pour améliorer la santé psychosociale (Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Petrasek MacDonald et coll., 2015; Cunsolo et Ellis, 2018; Middleton et coll., 2020a). La guérison par la nature offre aux membres de la collectivité l’occasion de se rassembler, d’apprendre et d’échanger des connaissances sur la culture et le savoir fondé sur la nature, et de renforcer le sentiment d’appartenance à la collectivité, ce qui améliore le bien-être psychosocial (Kirmayer et Valaskakis, 2009; Radu et coll., 2014).

Parmi les autres approches proposées pour améliorer le bien-être psychosocial par la création d’un lien entre l’humain et la nature, mentionnons l’écopsychologie, un volet de l’environnementalisme qui favorise le bien-être psychosocial et la santé planétaire par l’intégration de la psychologie, et des pratiques écologiques concrètes qui donnent aux participants l’occasion de méditer dans la nature pour calmer l’esprit et le corps tout en forgeant une relation avec la nature (Bragg et Reser, 2012). Il reste encore de nombreuses nouvelles thérapies à évaluer en vue de déterminer la mesure dans laquelle elles contribuent à atténuer les effets psychosociaux des changements climatiques.

4.7.3

Avantages accessoires de la lutte contre les effets des changements climatiques qui pourraient bénéficier la santé mentale

Les mesures d’atténuation des gaz à effet de serre et d’adaptation pour lutter contre les changements climatiques peuvent générer d’importants avantages accessoires pour la santé (voir le chapitre 10 : Adaptation et résilience des systèmes de santé), y compris ceux pour la santé mentale (Ville de Toronto, 2019). Par exemple, les collectivités qui offrent un plus grand nombre d’occasions de pratiquer le transport actif (p. ex., marche, jogging ou vélo) constatent une réduction de la dépression et une amélioration de l’humeur (Koger et coll., 2011; Whitfield et coll., 2017). De plus, les projets communautaires d’intendance environnementale qui favorisent l’adaptation et contribuent aux efforts d’atténuation des gaz à effet de serre peuvent accroître le sentiment de cohésion sociale et ainsi que le bien-être psychosocial (Koger et coll., 2011). L’augmentation de l’infrastructure verte est également une importante stratégie d’atténuation des gaz à effet de serre et d’adaptation aux changements climatiques qui a démontré qu’elle pouvait réduire les îlots de chaleurs urbains, améliorer la santé physique et soutenir le bien-être mental (Zupancic et coll., 2013; Huang et coll., 2017; Santé Canada, 2020).

4.7.4

Mesures d’adaptation possibles et obstacles

L’adaptation psychosociale aux effets des changements climatiques dépend d’un certain nombre de facteurs qui, lorsque présents, peuvent protéger la santé psychosociale et, si absents, peuvent lui nuire. Ces facteurs comprennent notamment (Hayes et coll., 2019) :

  • le capital social;
  • le sentiment d’appartenance à la collectivité;
  • la communication et la sensibilisation;
  • la collaboration intersectorielle et transdisciplinaire;
  • la préparation de la collectivité;
  • les interventions gouvernementales;
  • l’accès aux ressources (financières et matérielles);
  • la littératie en santé mentale;
  • les ressources et interventions adaptées à la culture;
  • la formation en soins de santé;
  • les évaluations de la vulnérabilité et de l’adaptation.

La figure 4.2 présente les facteurs qui influent sur les impacts à l’égard de la santé psychosociale des changements climatiques et illustre l’effet sur ces impacts des déterminants sociaux et écologiques de la santé, des interventions et des facteurs susmentionnés en matière d’adaptation psychosociale. Bien que ces données n’englobent pas les déterminants propres à la santé des Autochtones, comme l’insécurité alimentaire, le colonialisme, le racisme et l’exclusion sociale, l’autodétermination et l’intendance environnementale, il est reconnu qu’ils sont essentiels pour comprendre les facteurs touchant la santé psychosociale des peuples autochtones qui subissent les effets des changements climatiques.

Figure 4.2

Facteurs qui influent sur les répercussions psychosociales des changements climatiques sur la santé.

Schéma des facteurs qui influent sur les effets psychosociaux des changements climatiques sur la santé.
Source

Hayes et coll., 2019.

4.7.4.1 Capital social

Le capital social s’entend des « réseaux et ressources auxquels les gens ont accès tout au long de leurs relations avec les autres » [traduction] (Aldrich, 2012, page 172). Le capital social compte deux volets importants : la dimension structurelle, qui définit la participation à des activités et l’interaction des gens, et la dimension cognitive, qui englobe les perceptions au sujet de la confiance, de la cohésion sociale et de la réciprocité (p. ex., sentiment d’appartenance à une collectivité) (Berry et coll., 2010b; Aldrich, 2012). Essentiellement, le capital social correspond aux réseaux et aux relations que les gens forment pour se soutenir mutuellement ainsi qu’aux perceptions au sujet de ces réseaux et de ces relations. Le capital social joue un rôle essentiel dans le rétablissement après une catastrophe, même lorsqu’on le compare à l’aide économique ou à d’autres types de soutien (Aldrich, 2012).

Il peut représenter un facteur de protection pour les agriculteurs touchés par les feux de forêt et la sécheresse. Le mouvement « Hay West », par exemple, a démontré que le capital social ne se limitait pas à une région, mais qu’il pouvait profiter aux travailleurs agricoles partout au pays. En 2002, des agriculteurs des Prairies touchés par la sécheresse ont reçu 64 000 balles de foin d’agriculteurs de l’Est du Canada, qui comprenaient la situation difficile de ceux touchés par la sécheresse et désiraient leur venir en aide (Yusa et coll., 2015). Il a également été déterminé que le capital social est un facteur de protection important en ce qui concerne l’atténuation du risque de suicide chez les agricultrices adultes pendant les périodes de sécheresse prolongées ou croissantes en Australie (Hanigan et coll., 2012).

4.7.4.2 Sentiment d’appartenance à la collectivité

Le sentiment d’appartenance à une collectivité décrit ce que l’on ressent lorsque l’on fait partie d’un groupe, et est souvent considéré comme l’opposé du sentiment d’isolement (Bajayo, 2012). Ce sentiment est d’autant important lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux impacts des changements climatiques sur la santé mentale, car il peut encourager les gens à explorer et à analyser leurs émotions difficiles, comme l’écodeuil et l’écoparalysie. Des ressources visant à renforcer le sentiment d’appartenance à la collectivité ont été élaborées pour soutenir les personnes qui ressentent des émotions comme l’écoanxiété. Par exemple, le site Web Ecoanxious a été créé dans le but de rompre le sentiment d’isolement ressenti par les gens qui craignent la crise climatique (Malena Chan et Gatley, 2020) en leur donnant une tribune où ils peuvent échanger leurs histoires d’écoanxiété, apprendre des expériences des autres et pratiquer la méditation dirigée (Malena-Chan et Gatley, 2020). Le site Web « Is This How You Feel? » offre une plateforme en ligne où les gens peuvent explorer comment les changements climatiques les touchent (« Is This How You Feel? », 2020). Il y a également le Good Grief Network, un programme de soutien en dix étapes qui aide les membres de la population et les collectivités à parler de l’écodeuil et à maîtriser ce sentiment, en plus d’établir des liens entre eux pour renforcer leur résilience personnelle tout en consolidant les liens communautaires (Schmidt et Lewis-Reau, 2020). Le réseau fournit des outils précis qui peuvent aider à contrer les effets néfastes de l’écodeuil, y compris le déni, le désespoir, l’impuissance, la fatigue de l’activisme et l’épuisement professionnel (Schmidt et Lewis-Reau, 2020). Le dépôt de données de recherches et de ressources en ligne américain Climate & Mind traite de la détresse liée au climat et comprend une liste de professionnels de la santé mentale qui peuvent aider les gens (Bryant, 2020). Ce site Web offre des conseils sur la façon d’organiser des cafés ou des cercles climatiques, c’est-à-dire des rassemblements communautaires informels qui offrent aux participants l’occasion de faire connaître et d’explorer leurs sentiments d’écoanxiété, d’écodeuil et de détresse liés au climat tout en bâtissant une communauté de soutien (Bryant, 2020). Toutes ces ressources soulignent l’importance du sentiment d’appartenance à la collectivité pour le renforcement de la résilience psychosociale.

4.7.4.3 Communication et sensibilisation

Il est important que les messages concernant les effets des changements climatiques sur la santé mentale comprennent des mesures pour soutenir le bien-être psychosocial (Clayton et Manning, 2018; King et coll., 2018). Les messages sur les risques climatiques imminents à eux seuls peuvent susciter davantage de peur et d’anxiété chez les gens, en particulier chez ceux qui ont des problèmes de santé mentale préexistants. Ils peuvent également contribuer aux problèmes de santé mentale (Dodgen et coll., 2016). Les messages suscitant la peur peuvent aussi accroître les comportements d’évitement, c’est-à-dire que les gens se sentent si dépassés qu’ils décrochent et composent avec la situation en évitant les messages sur les changements climatiques (Stern, 2012). Jumeler des messages portant sur les risques associés dus aux aléas climatiques à des messages axés sur les mesures que peuvent prendre les gens pour assurer leur bien-être peut aider ceux-ci à se sentir plus autonomes et en contrôle de leur bien-être (Maibach et coll., 2011). Les sources de confiance pour cette information comprennent les professionnels de la santé, les météorologues, les climatologues et les gouvernements (Zhao et coll., 2014). La figure 4.3 présente un bon exemple de produit de communication. Il souligne l’écodeuil et l’anxiété associés à l’intensification des changements climatiques et indique les interventions pouvant être entreprises par le secteur de la santé pour réduire les souffrances émotionnelles et accroître la résilience.

Figure 4.3

Écodeuil et anxiété : Le début d’une réaction saine aux changements climatiques?

Cette infographie est un bon exemple de produit de communication. Elle met en évidence que l’écoanxiété liée aux changements climatiques prend de l’ampleur et elle cible les interventions du secteur de la santé qui permettent de réduire la souffrance émotionnelle, telles que : 1. Suivre une approche d’équité en santé pour les ressources et les réponses afin de construire des systèmes de santé mentale résilients. 2. Se concentrer sur les familles. 3. Augmenter la prescription sociale d’activités qui améliorent la santé environnementale, physique et mentale. 4. Augmenter la formation des professionnels de la santé mentale sur les changements climatiques et la santé. 5. Améliorer l’évaluation et le soutien cliniques. 6. Exploiter des stratégies de thérapie individuelle et de groupe déjà éprouvées. Elle met également en évidence les mesures qui peuvent contribuer à renforcer la résilience : 1. Espaces accessibles et sûrs pour explorer les réactions émotionnelles. 2. Volonté politique de garantir le financement des stratégies et des mesures de soutien. 3. Recherche constante pour promouvoir la santé et la résilience.
Source

Cunsolo et coll., 2020; crédit d’image : Alex Sawatzky.

4.7.4.4 Collaboration intersectorielle et transdisciplinaire

Une collaboration intersectorielle et transdisciplinaire est essentielle pour favoriser l’adaptation aux impacts psychosociaux des changements climatiques (Morrissey et Reser, 2007; Stanke, 2012; Hayes et coll., 2019). Les professionnels de la santé mentale, ainsi que d’autres professionnels de la santé et paramédicaux, fournissent des soins de santé mentale en première ligne pendant les événements météorologiques extrêmes et les catastrophes. De plus, les groupes communautaires, les institutions religieuses et spirituelles et les organisations non gouvernementales créent un sentiment d’appartenance à la collectivité et offrent du soutien aux personnes qui ont des problèmes psychosociaux. Les spécialistes de la protection civile appuient également les efforts d’adaptation, particulièrement pendant ces événements. La santé mentale et le bien-être de ces professionnels peuvent être gravement touchés, car ceux-ci sont probablement plus exposés à des catastrophes (Carleton et coll., 2017). Une collaboration accrue entre les disciplines et les secteurs peut accroître l’efficacité des mesures d’adaptation qui permettent de réduire les impacts psychosociaaux des changements climatiques (Hayes et coll., 2020).

4.7.4.5 Interventions gouvernementales et accès aux ressources

L’accès à des soins de santé mentale et à des services sociaux qui favorisent la santé psychosociale peut réduire les résultats néfastes en matière de santé mentale (CSMC, 2016; Thompson et coll., 2018). Ces ressources peuvent comprendre des soins de santé mentale prodigués par des professionnels de la santé ou du soutien non officiel de groupes communautaires; toutefois, les aléas climatiques peuvent entraver l’accès à ces ressources (Hayes et coll., 2019).

Les interventions gouvernementales qui améliorent l’accès (financier et physique) aux ressources psychosociales sont essentielles à l’amélioration des soins de santé mentale (Polain et coll., 2011; CSMC, 2016; Hayes et coll., 2019). Le système de santé universel à payeur unique du Canada pourrait ne pas couvrir de nombreux services de santé mentale, et les services de santé mentale varient selon la province, le territoire et la région (Goldner et coll., 2016). De plus, bien que de nombreuses Premières Nations et de nombreux Inuits reçoivent gratuitement une gamme de services de soutien en santé mentale et autres dans le cadre du Programme des services de santé non assurés, bon nombre d’entre eux n’y ont pas accès (gouvernement du Canada, 2020).

Les provinces et les territoires fournissent des services médicaux externes (p. ex., soins primaires et psychiatriques) et des soins de santé mentale aux patients hospitalisés. Les professionnels paramédicaux (p. ex., infirmières, travailleurs sociaux, conseillers, psychothérapeutes) fournissent souvent gratuitement des soins aux patients hospitalisés; toutefois, ces services peuvent comprendre des frais lorsqu’ils sont assurés en consultation externe. Par conséquent, pour y avoir accès, de nombreux Canadiens et Canadiennes pourraient devoir débourser d’eux-mêmes les frais associés aux services de santé mentale ou faire appel à une assurance privée (Goldner et coll., 2016). Certaines personnes pourraient ne pas être en mesure de recevoir des soins de santé mentale en raison de contraintes financières, ou simplement parce qu’il n’y a pas d’établissements de soins de santé mentale à leur disposition (Moroz et coll., 2020). L’inégalité d’accès de certaines populations canadiennes aux services de santé mentale accroît leur vulnérabilité aux impacts des changements climatiques. Un accès accru et équitable aux soins de santé mentale pourrait améliorer les résultats en matière de santé mentale dans un climat en évolution.

4.7.4.6 Documentation et formation en santé mentale

Il existe une forte stigmatisation au Canada relativement à la mauvaise santé mentale et au recours à des services de santé mentale (Tam, 2019). En raison de cet obstacle, un nombre moindre de Canadiens et de Canadiennes pourraient demander de l’aide pour leurs problèmes de santé mentale découlant des impacts des changements climatiques. Améliorer la littératie du grand public au sujet des enjeux de santé mentale peut contribuer à atténuer cette stigmatisation et encourager les personnes aux prises avec les répercussions des changements climatiques sur la santé mentale à demander des soins (Hayes et coll., 2019). La littératie en santé mentale correspond à connaître les résultats en santé mentale, les facteurs qui influent sur les résultats en santé mentale et la prise en charge des soins en santé mentale est les options connexes (Davis, 2013). Le secourisme psychologique et les premiers soins en santé mentale peuvent améliorer la littératie en santé mentale grâce aux conseils et à la formation qu’ils offrent sur la façon de soutenir les personnes en détresse mentale.

Les efforts visant à réduire les impacts des changements climatiques sur la santé mentale englobent la formation des responsables de la santé publique et de la gestion des urgences. La formation devrait se concentrer sur les activités nécessaires à la suite d’une catastrophe préconisées par Neria et Shultz (2012), à savoir :

  • inculquer un sentiment de sécurité;
  • apaiser l’anxiété et diminuer l’excitation physiologique;
  • accroître l’efficacité personnelle et collective;
  • favoriser le soutien social et l’établissement de liens avec les autres;
  • nourrir l’espoir d’avoir un avenir positif.

L’application de ces mesures pourrait améliorer la littératie en santé mentale et réduire les impacts psychosociaux à long terme des changements climatiques, en particulier chez les populations qui subissent des fardeaux disproportionnés sur le plan de la santé (Neira et Schultz, 2012).

4.7.4.7 Ressources et interventions adaptées sur le plan culturel

Les mesures d’adaptation visant à renforcer la santé psychosociale doivent utiliser des ressources adaptées à la culture et à la collectivité locale. Par exemple, au Canada, il faut accroître la disponibilité des soins de santé mentale dans les collectivités agricoles rurales pour aider à réduire les répercussions de la sécheresse. De tels soins devraient également être dispensés par des personnes qui connaissent l’agriculture ou qui ont travaillé dans ce domaine et tenir compte des dimensions axés sur le genre faisant que les agriculteurs et agricultrices vivent des expériences différentes (Fletcher et Knuttila, 2016).

L’atténuation des impacts des changements climatiques sur la santé mentale dans les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis nécessite également des ressources adaptées sur le plan culturel (CSMC, 2016). Par exemple, répondre aux besoins en santé mentale et en sécurité culturelle des populations des Premières Nations évacuées par suite d’une inondation ou d’un feu de forêt requiert l’intégration du continuum du mieux-être mental des Premières Nations5 chez les premiers intervenants qui soutiennent les populations des Premières Nations déplacées. Il faudrait également offrir une formation sur les compétences culturelles au personnel d’intervention d’urgence, aux agents d’application de la loi et aux spécialistes de la gestion des catastrophes aux échelons provincial et fédéral (Santé Canada, 2015). La sensibilisation et le soutien aux méthodes de guérison axées sur la nature que pratiquent les collectivités autochtones s’imposent également (Polain et coll., 2011; Harper et coll., 2015). À cet égard, le rapport du Secrétariat du changement climatique du Yukon sur les mesures d’adaptation a jugé prioritaire de renforcer les ressources en santé mentale et de concevoir ou d’améliorer des programmes qui favorisent le rétablissement des liens entre les peuples autochtones et la nature (gouvernement du Yukon, 2017).

4.7.4.8 Établissement du niveau de préparation des collectivités à l’aide d’évaluations de la vulnérabilité et de l’adaptation

La préparation d’une collectivité au soutien de la santé psychosociale à la suite de dangers liés au climat et surtout à la prévention de l’apparition d’impacts en premier lieu dépend fortement de sa compréhension approfondie des risques et de sa vulnérabilité en matière d’aléas liés au climat, ainsi que d’une évaluation des mesures d’adaptation possibles (Morrissey et Reser, 2007; Hayes et coll., 2019). Pour cette raison, de nombreuses collectivités du Canada ont effectué des évaluations de la vulnérabilité et de l’adaptation en matière de changements climatiques et de santé (voir le chapitre 10 : Adaptation et résilience des systèmes de santé). Ces évaluations, souvent menées par les autorités sanitaires locales, provinciales et territoriales ou les collectivités autochtones, permettent de mieux comprendre les impacts actuels et prévus des changements climatiques sur la santé, les populations les plus à risque et les options d’adaptation.

Les évaluations de la vulnérabilité et de l’adaptation sont des outils utiles pour obtenir l’information nécessaire pour atténuer les effets des changements climatiques sur la santé mentale; toutefois, peu d’entre elles intègrent des indicateurs sur la santé mentale. Hayes et Poland (2018) fournissent un ensemble d’indicateurs et d’outils de mesure pouvant servir à analyser les effets des changements climatiques sur la santé mentale (tableau 4.3).

Tableau 4.3

Surveillance et mesure des effets des changements climatiques sur la santé mentale

Aléa lié au climat Populations à risque accru Résultats possibles en santé mentale Indicateurs et outils de mesure
Chaleurs accablantes
  • Personnes ayant des problèmes de santé mentale préexistants
  • Personnes qui prennent des psychotropes ayant un effet sur la thermorégulation
  • Adultes plus âgés (qui ont une mauvaise thermorégulation)
  • Personnes atteintes de la toxicomanie
  • Personnes vivant dans des îlots de chaleur urbains
  • Pauvres en milieu urbain qui n’ont pas accès à la climatisation
  • Personnes en situation d’itinérance
  • Travailleurs exposés à la chaleur et personnes actives à l’extérieur
  • Troubles de l’humeur ou du comportement exacerbés
  • Violence
  •  Agression
  • Suicide
  • Surveiller les visites aux services d’urgence après les vagues de chaleur pour déterminer s’il y a une augmentation du nombre de patients signalant des troubles de l’humeur ou du comportement
  • Surveiller les statistiques de mortalité à la suite d’événements de chaleur extrême – rechercher les comorbidités liées à la santé mentale et aux incidents de suicide
  • Interroger, au moyen d’entrevues ou de questionnaires, des personnes qui ont vécu des événements de chaleur extrême sur les effets de ces événements sur leur santé mentale
  • Examiner les dossiers de police à la suite d’événements de chaleur extrême pour déterminer s’il y a un nombre accru d’incidents de violence ou d’agression
Événements météorologiques extrêmes (inondation, ouragan, sécheresse, coulée de boue, etc)
  • Genre (femmes)
  • Sexe (femmes, en particulier les femmes enceintes)
  • Âge (enfants, nourrissons, adultes âgés)
  • Race et origine ethnique (non-Blancs)
  • Immigrants
  • Personnes atteintes d’affections préexistantes
  • Personnes ayant un faible statut socioéconomique
  • Personnes sous-assurées et non assurées (soins de santé et assurance habitation)
  • Personnes en situation d’itinérance
  • Personnes qui travaillent à l’extérieur
  • Premiers intervenants
  • Premières Nations, Inuits, Métis
  • Trouble de stress post-traumatique (TSPT)
  • Dépression (y compris les troubles dépressifs majeurs)
  • Anxiété
  • Idéations suicidaires
  • Agression
  • Toxicomanies
  • Violence
  • Culpabilité du survivant
  • Traumatisme par personne interposée
  • Altruisme
  • Compassion
  • Croissance post-traumatique
  • Enquêtes/questionnaires
    • Enquêtes par autodéclaration sur l’état de santé général. Envisager d’utiliser ce qui suit :
      • Questionnaire sur la santé générale (QSG)
    • Enquêtes par autodéclaration sur les maladies mentales et les problèmes mentaux. Envisager d’utiliser un des outils suivants ou une combinaison de ceux-ci :
      • Disaster-PAST
      • Échelle d’évaluation des troubles d’anxiété généralisée (TAG-7)
      • Liste de vérification des troubles de stress post-traumatique (PCL)
      • Échelle d’évaluation de la dépression du Center for Epidemiological Studies (CES-D)
      • Échelle d’évaluation de la détresse psychologique de Kessler (K6; K10)
      • Bref questionnaire sur le traumatisme
    • Enquêtes par autodéclaration sur la santé mentale positive. Envisager d’utiliser ce qui suit :
      • Échelle d’évaluation de la croissance liée au stress (SRGS)
      • Indice de croissance post-traumatique (ICPT)
      • Échelle d’évaluation des avantages (EEA)
  • Examiner les dossiers des patients
  • Surveiller les visites aux services d’urgence après les événements météorologiques extrêmes pour déterminer s’il y a une augmentation du nombre de patients signalant des maladies mentales ou des problèmes de santé mentale
  • Examiner la nouvelle utilisation d’ordonnances pour les troubles de santé mentale et de comportement après un événement météorologique extrême
  • Entrevues
    • Réaliser des entrevues auprès de médecins de soins primaires et de fournisseurs de soins de santé mentale afin de déterminer s’il y a eu une augmentation du nombre de patients signalant des problèmes de santé mentale à la suite d’événements météorologiques extrêmes
    • Réaliser des entrevues auprès de personnes qui ont vécu un événement météorologique extrême au sujet de leur perception de leur santé mentale par suite de cet événement
Maladies à transmission vectorielle (p. ex., maladie de Lyme, virus du Nil occidental)
  • Personnes en situation d’itinérance
  • Personnes ayant des problèmes de santé mentale préexistants
  • Personnes qui travaillent à l’extérieur
  • Adeptes de loisirs en plein air (p. ex., chasseurs, pêcheurs, amateurs de plein air)
  • Maladie à transmission vectorielle, particulièrement la maladie de Lyme ou le virus du Nil occidental, qui peut aggraver les problèmes de santé mentale (p. ex., troubles cognitifs ou neurologiques, troubles du comportement)
  • Interroger, au moyen d’une entrevue ou d’un questionnaire, des patients chez qui on a diagnostiqué une maladie à transmission vectorielle afin de connaître leur perception de leur santé mentale
  • Réaliser des entrevues auprès de médecins de soins primaires et de fournisseurs de soins de santé mentale au sujet de comorbidités en santé mentale chez les patients ayant reçu un diagnostic de maladie à transmission vectorielle
Élévation du niveau de la mer ou fonte du pergélisol
  • Personnes qui travaillent ou vivent près de l’océan (élévation du niveau de la mer) ou dans l’Arctique
  • Personnes qui travaillent à l’extérieur
  • Premières Nations, Inuits, Métis
  • Anxiété, inquiétude ou crainte d’un déplacement
  • Anxiété, inquiétude ou crainte de perdre son emploi
  • Perte du sentiment d’appartenance (deuil, réconfort)
  • Interroger, au moyen d’entrevues ou de questionnaires, des résidents qui ont subi ou qui subissent une élévation du niveau de la mer ou une sécheresse prolongée dans leur collectivité. Les questions d’entrevue peuvent porter sur les répercussions du déplacement sur la santé mentale, de la perte d’emploi associée à l’élévation du niveau de la mer, des dommages à l’infrastructure, de la perte de ressources agricoles ou autres et de la rareté des ressources, de la salubrité et de la sécurité alimentaires et hydriques
Changements climatiques en général (c.-à-d. la sensibilisation aux menaces de changements climatiques pour la santé et la survie humaines et planétaires)
  • Personnes plus à risque et plus exposées aux changements climatiques
  • Chercheurs qui étudient les changements climatiques
  • Militants pour l’environnement et contre les changements climatiques
  • Étudiants en environnement
  • Adeptes de loisirs en plein air
  • Premières Nations, Inuits, Métis
  • Anxiété
  • Inquiétude
  • Stress
  • Peur
  • Interroger, au moyen d’entrevues ou de questionnaires, des personnes qui ressentent de l’anxiété, des inquiétudes ou des craintes liées parce qu’elles ont conscience de menaces liées aux changements climatiques
  • Échelle d’évaluation des troubles d’anxiété généralisée (TAG-7)
Source : Adapté de Hayes et Poland, 2018

 

4.8

Lacunes en matière de connaissances

Un certain nombre de lacunes au chapitre des connaissances nuisent aux efforts déployés par les autorités de la santé publique en ce moment en vue d’élaborer des mesures d’adaptation efficaces visant à atténuer les impacts des changements climatiques sur la santé mentale. Il y a peu d’études sur la population à l’égard des impacts des changements climatiques sur la santé mentale, au Canada et à l’échelle mondiale. L’information supplémentaire que procureraient ces études sur les principaux facteurs qui augmentent les risques de répercussions pour les Canadiens et les Canadiennes aiderait à éclairer les efforts d’adaptation futurs. Les connaissances sont particulièrement faibles dans les domaines suivants :

  • Impacts des changements climatiques sur la santé mentale de certains groupes de la population qui sont aux prises avec des iniquités en santé, notamment les personnes de couleur et racialisées, celles qui sont victimes de discrimination en raison de leur orientation ou de leur identité sexuelles et celles qui font l’objet de discrimination fondée sur leur santé mentale ou physique
  • Complications sur le plan de la santé mentale engendrées par les maladies à transmission vectorielle au Canada
  • Résultats positifs en matière de santé mentale, comme la résilience psychosociale, l’altruisme et la compassion de personnes ayant vécu des dangers climatiques – ces connaissances pourraient nous aider à mieux comprendre l’adaptation psychosociale
  • Répercussions sur la santé mentale des épisodes de froid, comme les effets d’un vortex polaire
  • Projections des impacts des changements climatiques sur la santé mentale, selon différents scénarios climatiques
  • Évaluation du coût économique des impacts du climat sur la santé mentale
  • Efficacité des éventuelles mesures d’adaptation psychosociale aux changements climatiques
  • Disponibilité et efficacité des interventions psychosociales du point de vue de l’équité en santé
  • Mesure dans laquelle les activités de communication au sujet de l’enjeu des changements climatiques ont une incidence sur les réactions socioémotionnelles, comme l’anxiété, la peur, le chagrin et l’inquiétude

Il faut aussi accroître la surveillance des impacts des changements climatiques sur le fardeau de la maladie mentale au Canada, y compris observer et surveiller les répercussions sur la santé mentale des aléas climatiques graves et de celles à évolution lente aux échelles locale, régionale et nationale.

La documentation sur l’adaptation souligne également l’importance des connaissances écologiques traditionnelles, qu’il faut absolument intégrer aux stratégies de gestion adaptative et aux mesures de soutien des capacités des peuples autochtones afin que ceux-ci puissent composer avec les changements climatiques (Tam et coll., 2013; Williams et coll., 2018). Des recherches plus poussées s’imposent sur l’importance de tenir compte de la sagesse autochtone dans les mesures d’adaptation aux répercussions psychosociales des changements climatiques.

4.9

Conclusion

Les changements climatiques ont une incidence sur la santé mentale et le bien-être de nombreux Canadiens et de nombreuses Canadiennes. En particulier, les changements climatiques touchent de façon disproportionnée et inéquitable la santé mentale et le bien-être de populations particulières, y compris celles qui font l’objet d’iniquités en santé en raison de la race, la culture, le sexe, l’âge, le statut socioéconomique, la capacité et l’emplacement géographique. Fait important, il existe un certain nombre de programmes, d’interventions et de politiques qui peuvent aider les Canadiens et les Canadiennes à s’adapter aux changements climatiques, de même que des éléments qui peuvent façonner et améliorer l’adaptation psychosociale. Bien qu’il faille réaliser d’autres travaux pour approfondir les recherches, programmes, interventions et politiques existants afin de combler les lacunes sur le plan des connaissances et des pratiques en santé mentale dans un climat changeant au Canada, certains outils et programmes peuvent améliorer et appuyer l’adaptation psychosociale.

 

Footnotes

  1. La santé mentale est l’un des aspects de la définition élargie de la santé psychosociale. Tel qu’il est défini dans la section 4.2 Termes clés, la santé psychosociale est l’interaction entre le bien-être social, qui découle des relations avec les autres et du contexte et de la culture d’une personne, et le bien-être psychologique qui comprend les pensées, les sentiments et les comportements (Berry et coll., 2014).
  2. L’Inuit Nunangat comprend l’Inuvialuit (partie des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon), le Nunavut, le Nunavik (nord du Québec) et le Nunatsiavut (Labrador).
  3. Le terme « Autochtones » est utilisé dans le présent rapport pour désigner les premiers habitants du Canada et leurs descendants, y compris les Premières Nations, les Inuits et les Métis au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
  4. Dans la science occidentale, l’interprétation du terme « sexe » est généralement binaire (homme et femme), faisant ainsi abstraction des personnes intersexuées. Le terme « genre » fait référence aux rôles socialement construits attribués aux hommes et aux femmes. Dans la science occidentale, le terme « genre » est généralement confondu avec le terme « sexe » et est présenté comme étant binaire (homme et femme), faisant ainsi abstraction des personnes non binaires.
  5. Le continuum du mieux-être mental des Premières Nations est un cadre culturellement adapté qui appuie la coordination des services et la prestation de services de mieux-être mental pertinents pour les peuples des Premières Nations du Canada (Santé Canada, 2015).

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