Suggestion de citation

Centre de collaboration nationale de la santé autochtone (CCNSA). (2022). Changements climatiques et santé des Autochtones du Canada. Dans P. Berry et R. Schnitter (éd.), La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement : faire progresser nos connaissances pour agir. Ottawa (Ontario) : gouvernement du Canada.

Rédigé par le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone avec la contribution de :

  • Donna Atkinson (CCNSA)
  • Roberta Stout (CCNSA)
  • Regine Halseth (CCNSA)
  • Margo Greenwood (CCNSA)
Figure 2.1
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Résumé

Les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada sont particulièrement susceptibles de subir les impacts des changements climatiques compte tenu de leur tendance à vivre dans des régions touchées à l’heure actuelle par de rapides changements climatiques, de leurs liens étroits avec l’environnement et ses ressources naturelles et du fait qu’ils en dépendent. Les impacts directs et indirects des changements climatiques sur la santé et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis sont interreliés et profonds.

Le climat en évolution exacerbera les inégalités socioéconomiques et iniquités en santé que subissent déjà les Premières Nations, les Inuits et les Métis, y compris les maladies respiratoires, cardiovasculaires, les maladies d’origine hydrique et alimentaire, les maladies chroniques et infectieuses, ainsi que les difficultés financières et l’insécurité alimentaire. Les aléas naturels, associés à des événements météorologiques imprévisibles et extrêmes, peuvent entraîner des évacuations temporaires ou à long terme des territoires traditionnels, en plus d’augmenter le risque de blessures et de décès causés par des accidents survenus sur le terrain. Les dommages aux infrastructures ou l’instabilité de celles-ci causés par les changements climatiques, en particulier dans les régions nordiques et éloignées, peuvent restreindre l’accès aux systèmes de santé et aux fournitures médicales. Les changements climatiques menacent les modes de vie, la résilience, la cohésion culturelle et les possibilités de transmission du savoir autochtone et des compétences liées aux terres des Premières Nations, des Inuits et des Métis, en particulier chez les jeunes. Les impacts transversaux des changements climatiques perturberont les moyens de subsistance des Premières Nations, des Inuits et des Métis, de leurs familles et de leurs collectivités, ayant une incidence sur leur sentiment d’identité et leur continuité culturelle et aggravant les problèmes de santé mentale existants. Les systèmes du savoir et les pratiques autochtones sont essentiels à la capacité des Premières Nations, des Inuits et des Métis d’observer les changements climatiques et environnementaux, d’y réagir et de s’y adapter.

Messages clés

  • Les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada sont particulièrement susceptibles de subir les impacts des changements climatiques compte tenu de leurs liens étroits avec la terre, les cours et plans d’eau, les animaux, la flore et les ressources naturelles, de leur tendance à vivre dans des régions touchées à l’heure actuelle par de rapides changements climatiques, particulièrement dans le nord du Canada, et du fardeau plus lourd que leur imposent les iniquités en santé et les déterminants de la santé connexes.
  • Les changements climatiques ont des impacts interreliés et profonds sur la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ces impacts directs et indirects des changements climatiques exacerbent les inégalités existantes et ont des effets sur la sécurité alimentaire et hydrique, la qualité de l’air, les infrastructures, la sécurité personnelle, le bien-être mental, les moyens de subsistance et l’identité, en plus d’augmenter l’exposition aux organismes pathogènes.
  • Les impacts sur la santé sont ressentis différemment entre les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis et entre les membres de ces collectivités, de même qu’entre les hommes, les femmes, les garçons, les filles et les personnes de diverses identités de genre. Par conséquent, la recherche et les adaptations doivent respecter les cultures, la géographie, les contextes locaux et les besoins particuliers de ces collectivités.
  • Depuis des temps immémoriaux, les Premières Nations, les Inuits et les Métis observent activement les changements environnementaux et s’y adaptent de diverses façons. Les systèmes du savoir et les pratiques autochtones sont égaux aux connaissances scientifiques et ont été et continuent d’être essentiels à la survie et à la résilience des peuples autochtones.
  • Il est de plus en plus reconnu à l’échelle nationale et internationale que les systèmes du savoir autochtone sont importants pour l’adaptation aux changements climatiques, la surveillance des impacts à l’échelle locale et régionale, et l’élaboration des politiques et de la recherche sur les changements climatiques.
  • Les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis sont détenteurs de droits. Dans le cadre de la préparation aux impacts sur la santé des changements climatiques, il faut respecter, protéger et mettre de l’avant les droits et responsabilités des peuples autochtones à l’égard de leurs terres, de leurs ressources naturelles et de leurs modes de vie par des politiques, des recherches et des mesures d’adaptation en matière de changements climatiques fondées sur les distinctions et dirigées par les Autochtones.
 

Aperçu des impacts des changements climatiques sur la santé et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada

Catégorie d’impact et d’aléa pour la santé Causes liées au climat Effets possibles sur la santé
Impacts sur les peuples et les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis
  • Augmentation des feux de forêt, des périodes de sécheresse et des inondations
  • Instabilité et fonte du pergélisol et changements à la couverture de neige au sol, à l’étendue et à l’épaisseur des glaces marines
  • Modifications du niveau de la mer et des conditions météorologiques
  • Exposition accrue aux risques climatiques liés aux milieux naturels et bâtis (p. ex., logements insalubres, eau, assainissement et contaminants environnementaux)
  • Baisse de la disponibilité, de la qualité, de la quantité et de la salubrité des sources d’alimentation traditionnelles
  • Fonte et dommages aux routes de glace
  • Effets du réchauffement et variations des régimes de précipitations qui ont une incidence sur la survie et la transmission des organismes pathogènes
  • Exacerbation des inégalités socioéconomiques et des iniquités en santé
  • Impacts de la qualité de l’air sur la santé (p. ex., maladies respiratoires et cardiovasculaires)
  • Augmentation des maladies d’origine hydrique et alimentaire
  • Impacts sur la santé mentale (stress, anxiété et trouble de stress post-traumatique)
  • Exacerbation des maladies chroniques et infectieuses
  • Augmentation du nombre de blessures et de décès causés par des accidents (p. ex., aléas naturels et événements météorologiques extrêmes)
  • Augmentation des impacts directs et indirects sur la santé des dommages causés aux infrastructures par le pergélisol
  • Diminution des possibilités de transmission du savoir autochtone et des compétences liées aux terres, en particulier chez les jeunes, affectant le sentiment d’identité, le bien-être mental et les cultures
  • Évacuation temporaire ou à long terme ou déplacement de populations des territoires traditionnels, perturbation de la vie, difficultés financières et atteinte au bien-être mental
  • Insécurité alimentaire et hydrique en raison de la diminution de l’accès aux terres, aux ressources hydriques, aux plantes, aux animaux et aux ressources naturelles et de la baisse de leur qualité
  • Impacts sur la santé et les infrastructures (p. ex., déplacements restreints ou retardés pour les services de santé et d’urgence, accès aux fournitures médicales et sécurité des patients)
2.1

Introduction

« Sœur de l’océan et du sable,
Peux-tu voir nos glaciers grogner sous le poids de la chaleur du monde?
Je t’attends, ici,
sur la terre de mes ancêtres,
le cœur lourd et assoiffé de solutions
alors que je regarde cette terre changer
dans un monde de silence » [traduction] 1

Il est reconnu que les peuples autochtones2 du Canada et d’ailleurs sont particulièrement sensibles aux impacts des changements climatiques parce qu’ils vivent souvent dans des régions qui subissent déjà des changements rapides et qu’ils entretiennent des liens étroits avec la terre, les cours et plans d’eau, les animaux, la flore et les ressources naturelles et en dépendent pour leur subsistance, leur mode de vie, leur culture, leur identité, leur santé et leur bien-être (Ford, 2012; Organisation internationale du Travail [OIT], 2017; Jones, 2019). Certains déterminants de la santé qui ne sont pas liés aux changements climatiques exacerbent ces susceptibilités, notamment le fardeau plus lourd qu’imposent les iniquités en santé comparativement à celui des populations non autochtones, ainsi que les effets historiques et continus du colonialisme et de la marginalisation socioéconomique et politique (Ford et coll. 2010a; Ford, 2012; OIT, 2017; Jones, 2019).

Les changements climatiques ont des impacts interreliés et profonds sur la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Les changements subis par les régimes de température et de précipitations accentueront la fréquence et l’intensité des événements météorologiques extrêmes (p. ex., les inondations, les tempêtes, les événements de chaleur et les sécheresses), des feux de forêt, de l’augmentation du niveau de la mer et de l’érosion côtière et auront, par le fait même, des impacts directs et indirects sur la sécurité alimentaire et hydrique, la qualité de l’air, les infrastructures, la sécurité personnelle, la santé mentale et le bien-être, les moyens de subsistance et l’identité (Ford et coll., 2010a; Ford, 2012; Yusa et coll., 2015). Les impacts de ces expériences seront ressentis différemment au sein et entre les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis et les membres de ces collectivités de l’Atlantique au Pacifique à l’Arctique, de même que chez et entre les hommes, les femmes, les garçons, les filles et les personnes de diverses identités de genre.

Bien qu’ils soient souvent dépeints dans les reportages internationaux comme des victimes passives ou des prophètes des changements climatiques (Ford et coll., 2016b; Belfer et coll., 2017), les peuples autochtones du Canada et du monde entier observent et s’adaptent activement aux milieux changeants de diverses façons, depuis des temps immémoriaux (Ford et coll., 2020). Les systèmes du savoir et les pratiques autochtones ont été essentiels à la survie et à la résilience des Autochtones et sont de plus en plus reconnus comme des éléments précieux pour comprendre les changements climatiques et y réagir (Ford et coll., 2016b; Groupe d’experts sur les résultats de l’adaptation et de la résilience aux changements climatiques, 2018; OIT, 2019). C’est toutefois un grand défi de mobiliser le savoir autochtone et les expériences en matière d’adaptation aux changements climatiques, de politiques et de recherche d’une manière cohérente, collaborative, décolonisée et fondée sur les droits (GIEC, 2014; Ford et coll., 2016b; Belfer, et coll., 2019; Huntington et coll., 2019; Latulippe et Klenk, 2020).

Le présent chapitre donne un aperçu des risques liés aux changements climatiques pour la santé des peuples autochtones du Canada. Il commence par une description des iniquités en santé que vivent les Autochtones, puis décrit les risques climatiques que posent particulièrement les aléas naturels à la santé mentale et au bien-être, à la qualité de l’air, à la salubrité et à la sécurité des aliments, à la qualité, à la quantité et à la sécurité de l’eau, aux maladies infectieuses et aux systèmes de santé. Le chapitre examine ensuite le rôle du savoir autochtone sur le plan de l’adaptation aux changements climatiques, de la surveillance, des politiques et de la recherche dans le contexte des droits des peuples autochtones et des obligations nationales et internationales. Il signale de plus les lacunes actuelles en matière de connaissances propres aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis, qui sont importantes pour protéger la santé, et énonce des points à considérer pour l’avenir.

2.1.1

Populations des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada

La population des Premières Nations, des Inuits et des Métis est jeune et connaît une croissance rapide. En 2016, la population autochtone comptait 1 673 785 millions de personnes (4,9 % de la population canadienne totale), ce qui représente une augmentation de 42,5 % par rapport au Recensement de 2006 (Statistique Canada, 2017). De 2006 à 2016, la population des Premières Nations a augmenté de 39,3 % pour atteindre 977 230 personnes; la population inuite a connu une hausse de 29,1 % pour s’établir à 65 025 personnes; tandis que la population métisse s’est accrue de 51,2 % pour totaliser 587 545 personnes. La population autochtone affichait en 2016 un âge moyen de 32,1 ans, soit près d’une décennie de moins que celui de la population non autochtone. Environ 29,2 % des membres des Premières Nations, 33 % des Inuits et 22,3 % des Métis étaient âgés de 14 ans ou moins en 2016, comparativement à 16,4 % de la population non autochtone (Statistique Canada, 2017). La proportion d’Autochtones de plus de 65 ans est également en hausse et représentait 7,3 % des populations des Premières Nations, des Inuits et des Métis en 2016 (Statistique Canada, 2017).

Le Canada compte plus de 600 collectivités des Premières Nations et plus de 60 langues autochtones (Statistique Canada, 2017). La plus forte proportion des membres des Premières Nations vivent en Ontario (24,2 %), puis dans les provinces de l’Ouest, soit en Colombie-Britannique (17,7 %), en Alberta (14,0 %), au Manitoba (13,4 %) et en Saskatchewan (11,7 %) (Statistique Canada, 2017). En 2016, la majorité des Inuits (72,8 %) vivaient dans les 53 collectivités de l’Inuit Nunangat (les terres ancestrales des Inuits), la plus grande proportion étant au Nunavut (63,7 %), suivi du Nunavik (24,9 %), de la région désignée des Inuvialuits (6,6 %) et du Nunatsiavut (4,8 %) (Statistique Canada, 2017). L’inuktut est le terme utilisé pour désigner toutes les langues inuites et inclut 12 dialectes principaux et neuf systèmes d’écriture différents3 (Société géographique royale du Canada, 2018). La majorité de la population métisse (80,3 %) vit dans des collectivités et des régions désignées4 en Ontario et dans les provinces de l’Ouest. L’Alberta compte la population métisse la plus importante (19,5 %), suivie du Manitoba (15,2 %), de la Colombie-Britannique (15,2 %), du Québec (11,8 %), de la Saskatchewan (9,9 %) et des provinces de l’Atlantique (7,2 %). Les Métis ont leur propre langue, le michif, une combinaison de français et de cri qui emprunte en plus à l’anglais et à d’autres langues autochtones.

Selon des données récentes de Statistique Canada, les peuples autochtones sont de plus en plus urbanisés. Parmi les membres des Premières Nations ayant le statut d’Indien inscrit ou des traités, 44,2 % vivaient dans une réserve en 2016, tandis que les autres vivaient hors réserve. De 2006 à 2016, il y a eu hausse des membres des Premières Nations vivant dans les réserves (+12,8 %) et hors réserve (+49,1 %) (Statistique Canada, 2017). Bien que la plupart des Inuits vivaient à l’intérieur de l’Inuit Nunangat en 2016, environ 27,2 % d’entre eux résidaient à l’extérieur de celui-ci; de ce nombre, 56,2 % se trouvaient dans une région métropolitaine d’au moins 30 000 personnes, principalement à Ottawa-Gatineau, à Edmonton et à Montréal (Statistique Canada, 2017). Parmi les trois groupes autochtones, les Métis sont les plus susceptibles de vivre dans une ville, alors que 62,6 % d’entre eux résident dans une région métropolitaine d’au moins 30 000 habitants. Winnipeg a la population métisse la plus élevée au Canada, suivi d’Edmonton, de Vancouver et de Calgary (Statistique Canada, 2017).

Figure 2.1

La population autochtone au Canada.

Infographie illustrant les faits et statistiques sur la population autochtone au Canada.
Source

Statistique Canada, 2016.

2.2

Méthodes et approche

Le présent chapitre résume la documentation publique examinée par des pairs et la littérature grise, ainsi que d’autres sources médiatiques (p. ex., des vidéos et des articles médiatiques) qui portent sur les risques liés aux changements climatiques pour la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada et sur le rôle que peut jouer le savoir autochtone dans l’adaptation aux changements climatiques, les politiques et les travaux de recherche. Il est important de noter que c’est la première fois que l’évaluation nationale des changements climatiques et de la santé inclut un chapitre réservé aux Autochtones. Les auteurs ont privilégié la documentation propre au Canada publiée depuis l’évaluation de 2014 sur la santé humaine, qui a paru dans Vivre avec les changements climatiques au Canada : perspectives des secteurs relatives aux impacts et à l’adaptation (Berry et coll., 2014), même s’ils ont consulté au besoin des sources plus anciennes et de la documentation internationale.

Ils ont repéré les sources à consulter au moyen d’une recherche dans des bases de données universitaires (p. ex., BioMed Central, PubMed et Science Direct), Google et Google Scholar en utilisant les termes de recherche suivants : « Premières Nations/Inuits/Métis/Autochtones », « changements climatiques », « adaptation/maladies infectieuses/aléas naturels/santé mentale/qualité de l’air/sécurité alimentaire/salubrité de l’eau/sécurité de l’eau/services de santé » et « Canada », puis « savoir traditionnel/connaissances écologiques traditionnelles/savoir autochtone ». En plus de cette recherche, il y a eu une analyse manuelle des citations dans des publications clés et une recherche ciblée de sites Web pertinents, y compris d’organismes gouvernementaux et d’organisations autochtones et non autochtones (p. ex., des organisations autochtones nationales et Services aux Autochtones Canada). D’autres sources ont été incluses par suite des commentaires des pairs sur le présent chapitre.

Parmi les publications pertinentes mentionnées, la majorité a fait l’objet d’un examen par les pairs et portait précisément sur les populations inuites dans l’Arctique, alors que le reste avait trait aux Premières Nations ou aux populations autochtones en général dans les régions rurales et nordiques du Canada. Dans la mesure du possible, le présent chapitre fait la distinction au sein des populations particulières afin de mettre en évidence les diverses perspectives et expériences au sein et entre les Premières Nations, les Inuits, les Métis et leurs collectivités. Toutefois, les auteurs ont fait certaines généralisations en fonction du nombre et de la nature des citations utilisées (p. ex., plus d’un groupe autochtone mentionné) et dans les cas où il peut y avoir des expériences partagées (p. ex., les iniquités en santé et les déterminants de la santé).

Parmi les lacunes importantes relevées à la suite de cet examen, mentionnons la documentation sur les risques liés aux changements climatiques pour la santé qui touchent des populations autochtones dans d’autres régions du Canada (p. ex., les Prairies et les Maritimes), des Métis et des populations autochtones urbaines, et sur les points de vue axés sur le genre en la matière (voir la section 2.7 : Lacunes sur le plan des connaissances). L’accent a été mis sur la recherche dans le Nord parce que le réchauffement est plus rapide dans cette région et que les impacts actuels et prévus sont plus graves (Ford et coll., 2014; ITK, 2019b). Les lacunes soulignent également les limites de la recherche et des données sur la santé des Autochtones au Canada en général (voir l’encadré 2.1).

2.3

Inégalités en santé et santé des peuples autochtones

« Les changements climatiques rapides sont une autre cause de stress qui pèse sur notre société déjà stressée. » [traduction] 5

Bien que les peuples autochtones constituent le segment de la population canadienne le plus jeune et celui qui connaît la croissance la plus rapide, ils ne bénéficient pas des mêmes avantages que les autres Canadiens en matière de santé. Les membres, familles et collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis connaissent des problèmes de santé disproportionnés comparativement aux non-Autochtones, notamment une proportion beaucoup plus élevée de mortalité infantile et post-infantile, de blessures et de décès non intentionnels, de maladies chroniques et infectieuses, de suicides, d’exposition à des contaminants environnementaux, de malnutrition et d’une espérance de vie plus courte (Gracey et King, 2009; Greenwood et coll., 2018; ASPC, 2018a). Les disparités sur le plan de la santé sont attribuables, en partie, aux déterminants sociaux de la santé ou aux conditions dans lesquelles les personnes naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent (Commission sur les déterminants sociaux de la santé [CDSS], 2008). Les principaux déterminants de la santé comprennent le revenu et le statut social, l’emploi et les conditions de travail, l’éducation, les expériences de la petite enfance, les milieux physiques, les soutiens sociaux et les capacités d’adaptation, les comportements sains, l’accès aux services de santé, le genre, la culture et la race. Ces conditions sont à leur tour le résultat de structures et de systèmes complexes au niveau local, national et mondial qui déterminent la répartition de l’argent, du pouvoir et des ressources au sein des pays et entre eux (Marmot, 2007; CDSS, 2008; Reading, 2018). Ensemble, les déterminants de la santé et leurs facteurs structurels contribuent à un gradient social de la santé, où les populations les plus défavorisées sur le plan socioéconomique subissent le plus lourd fardeau de mauvaise santé (Marmot, 2007) (voir le chapitre 9 : Changements climatiques et équité en santé).

Les déterminants de la santé propres aux Autochtones sont liés aux politiques et aux pratiques passées et actuelles découlant du colonialisme, notamment la dépossession du territoire traditionnel, la relocalisation forcée dans des réserves ou des régions désignées, la prise en charge des enfants par les pensionnats indiens, la rafle des années soixante6 et les politiques subséquentes sur la protection de l’enfance, la relocalisation forcée dans des sanatoriums pour les tuberculeux et des hôpitaux pour les Indiens7, l’oppression par le biais de la Loi sur les Indiens, et la discrimination systémique (Gracey et King, 2009; Greenwood et coll., 2018). Ces déterminants perpétuent les inégalités structurelles et les désavantages systémiques tout au long de la vie et d’une génération à l’autre. Ces répercussions intergénérationnelles se manifestent par des taux inquiétants de logements insalubres ou surpeuplés, la pauvreté, l’insécurité alimentaire et hydrique, le chômage, la prise en charge des enfants, l’incarcération, ainsi que des taux plus faibles de réussite scolaire et un accès plus limité à des soins de santé de qualité (Reading et Wien, 2009; CCNSA, 2012; CCNSA, 2017). Au contraire, des facteurs comme le fait de passer beaucoup de temps dans la nature, de posséder un fort sens de leur identité autochtone, la continuité culturelle, l’appui de leurs familles et les liens communautaires, ainsi que les symboles d’autonomie gouvernementale et d’autodétermination, peuvent promouvoir des facteurs de protection, comme la résilience, l’autosuffisance et la confiance en soi, qui contribuent à un meilleur état de santé (Chandler et Lalonde, 1998; Petrasek MacDonald et coll., 2013a; Kielland et Simeone, 2014). Les déterminants de la santé se recoupent et se manifestent différemment chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis, et influent par le fait même sur les facteurs de risque et de protection associés à l’état de santé de façon distincte tout au long de la vie (Reading et Wien, 2009).

Les cadres applicables aux déterminants de la santé et les perspectives de santé et de bien-être en général varient considérablement au sein des peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis et entre eux. À l’échelle nationale, certains documents clés énonçant ces points de vue comprennent :

  • Plan de transformation de la santé des Premières Nations de l’Assemblée des Premières Nations (APN, 2017);
  • Social Determinants of Inuit Health in Canada de l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK, 2014);
  • Métis Life Promotion Framework© (MLPF) (Martens et coll., 2010).

L’état des déterminants de la santé peut accroître ou atténuer la vulnérabilité aux risques pour la santé associés aux changements climatiques (voir le chapitre 9 : Changements climatiques et équité en santé). Les iniquités et les inégalités existantes en santé peuvent aggraver la vulnérabilité de la santé aux risques liés au climat. Il en résulte une exposition et une sensibilité accrues aux aléas climatiques, ainsi qu’une diminution de la résilience et de la capacité d’adaptation (Islam et Winkel, 2017).

2.3.1

Genre comme déterminant de la santé des peuples autochtones

Avant la colonisation, la catégorisation du sexe et du genre chez les Autochtones s’était manifestée dans d’autres pratiques culturelles et sociales et était aussi diversifiée que les cultures autochtones elles-mêmes (Hunt, 2016, page 7). Les processus coloniaux historiques qui se poursuivent encore aujourd’hui ont imposé de nouvelles normes sociales et de nouveaux droits juridiques qui ont modifié ces rôles et responsabilités axés sur le genre souvent égalitaires et matrifocaux, créant ainsi d’importantes inégalités entre les sexes, ainsi que de la discrimination à l’égard de la fluidité de genre et de l’homosexualité (Vinyeta et coll., 2015; Hunt, 2016). Dans le contexte des changements climatiques, le genre interagit avec d’autres déterminants de la santé, notamment l’éducation, la race, le revenu et le statut social, pour créer des vulnérabilités uniques aux changements climatiques, à la résilience et aux expériences vécues chez les femmes, les hommes, les garçons, les filles et les personnes de diverses identités de genre des Premières Nations, des Inuits et des Métis (OMS, 2014; Vinyeta et coll., 2015; Williams et coll., 2018). Au Canada, la majorité des travaux de recherche sur le genre et les changements climatiques menés jusqu’à maintenant auprès des populations des Premières Nations, des Inuits et des Métis a porté sur la sécurité alimentaire, la santé mentale, ainsi que sur les blessures et les décès non intentionnels (Sellers, 2018); les attitudes et comportements à l’égard des changements climatiques (Bunce, 2015; Bunce et coll., 2016); et la gouvernance environnementale (Natcher, 2013; Staples et Natcher, 2015a; Staples et Natcher, 2015b; Sellers, 2018).

Les impacts des changements climatiques sont ressentis différemment selon le genre en raison des différences culturelles au chapitre des responsabilités fondées sur le sexe. Dans une étude réalisée par Bunce (2015), des activités telles que la cueillette de baies, la confection de vêtements, la préparation et la conservation des aliments constituent un élément essentiel de l’identité et du bien-être des femmes inuites. Les changements relatifs à la production de baies, à l’épaisseur et la durée de la glace de mer, ainsi qu’à la qualité et à la quantité de fourrures et de peaux, peuvent nuire à l’accomplissement de ces rôles traditionnels et à la transmission de ces compétences aux jeunes générations (Dowsley et coll., 2010; Pauktuutit, 2011; Bunce, 2015; Bunce et coll., 2016). Pour les femmes des Premières Nations, des Inuits et des Métis, un élément clé de l’identité féminine est la relation spéciale avec l’eau et les responsabilités de s’en occuper et de la protéger (Anderson, 2010; McGregor, 2012; Szach, 2013; Powys Whyte, 2014). Les changements climatiques peuvent avoir un effet sur la disponibilité et la qualité de l’eau douce, ce qui peut avoir une incidence importante sur la santé et le bien-être émotionnels, mentaux et spirituels (Longboat, 2013; Szach, 2013).

Il est bien connu que le réchauffement des températures devrait accroître la fréquence et l’intensité des événements de chaleur extrême, ainsi que l’aire de répartition et la survie des vecteurs de maladies infectieuses, comme les moustiques et les tiques. Kovats et Hajat (2007) ont constaté que les hommes sont plus susceptibles d’être actifs par temps chaud, ce qui les rend plus vulnérables au stress thermique. Les femmes enceintes sont plus susceptibles d’avoir de mauvais résultats pour la santé en raison d’un décollement placentaire dans les grossesses à terme (He et coll., 2018) (voir le chapitre 3 : Aléas naturels). Étant donné que les hommes inuits, métis et issus des Premières Nations passent beaucoup plus de temps à l’extérieur, car ils exercent des activités liées à la nature (p. ex., la chasse, la pêche et le piégeage), les changements climatiques devraient les mettre en danger d’une manière disproportionnée et accroître les risques de problèmes liés à la chaleur et de maladies à transmission vectorielle, comme la maladie de Lyme et le virus du Nil occidental (Vinyeta et coll., 2016; Sellers, 2018).

Cependant, il y a à l’heure actuelle un manque de surveillance et de rapports sur ces types d’impacts liés au climat. Par exemple, malgré le plus large aire de répartition et la plus grande fréquence des maladies à transmission vectorielle, comme le virus du Nil occidental, la maladie de Lyme et le virus Zika, et la reconnaissance de l’importance des programmes de surveillance et de suivi des maladies à transmission vectorielle, y compris chez les collectivités des Premières Nations (ASPC, 2018b), la surveillance systématique des vecteurs n’a pas lieu dans toutes les provinces et tous les territoires (Awuor et coll., 2019), et le statut autochtone n’a pas été déterminé dans les données de surveillance des cas humains. Par conséquent, il ne semble pas y avoir de données accessibles au public provenant des programmes de surveillance qui indiquent la prévalence des maladies à transmission vectorielle parmi les populations particulières, y compris les populations autochtones.

Les hommes autochtones sont davantage exposés au risque d’accident à mesure que les milieux dans lesquels ils exercent leurs activités traditionnelles deviennent plus dangereux (Vinyeta et coll., 2016). Les changements météorologiques et climatiques, y compris la diminution des populations fauniques ou l’accès sécuritaire aux zones de chasse, peuvent également limiter la transmission des connaissances et des compétences axés sur le genre aux jeunes générations (Jacob et coll., 2010; Downing et Cuerrier, 2011; Pauktuutit, 2011; Bunce, 2015; Bunce et coll., 2016).

Les réactions émotionnelles et les stratégies d’adaptation liées aux effets des changements climatiques peuvent aussi être axées sur le genre. Par exemple, les femmes inuites ont eu des réactions émotionnelles plus fortes (p. ex., peur, détresse, impuissance, colère, tristesse et frustration) aux effets des changements climatiques que les hommes inuits, tandis que ces derniers ont été plus susceptibles de vivre de l’anxiété en réaction à ceux-ci (Cunsolo Willox et coll., 2012; Sellers, 2018). Les femmes inuites sont également plus susceptibles de parler de leurs sentiments avec d’autres et de gérer le stress de façon saine, notamment en devenant des militantes engagées de la lutte contre les changements climatiques à l’échelle mondiale et locale (Bunce, 2015; Williams et coll., 2018; Hania, 2019; Santisteban, 2020). Les hommes inuits, métis et issus des Premières Nations peuvent subir plus de stress parce qu’ils n’ont plus accès à des ressources ou à des endroits qui sont essentiels pour l’identité masculine, particulièrement ceux liés étroitement aux modes de subsistance, ce qui peut exacerber les problèmes de toxicomanie ou d’alcoolisme, de suicide et de violence familiale, qui ont été associés à la colonisation et à la perte culturelle et qui sont particulièrement prédominants chez certaines collectivités des Premières Nations et inuites (Cunsolo Willox et coll., 2012; Cunsolo Willox et coll., 2015; Vinyeta et coll., 2016).

2.4

Risques liés aux changements climatiques pour la santé des Autochtones

« Le respect qu’il faut accorder à la terre et son lien avec nous. Nous sommes la terre. Si la terre est malade, nous serons aussi malades peu de temps après. » [traduction] 8

Les impacts des changements climatiques sur la terre et sur les liens entre les peuples autochtones et la terre sont déjà évidents dans les collectivités de l’Atlantique au Pacifique à l’Arctique, non seulement en ce qui concerne les effets sur la santé physique, mais aussi en ce qui a trait au bien-être émotionnel, spirituel, psychologique et culturel des peuples autochtones (SAC, 2019a). Le rythme spectaculaire et sans précédent des changements a amené certaines collectivités et organisations autochtones à déclarer l’état d’urgence à l’égard des changements climatiques. En mai 2019, la Première Nation des Gwitchin Vuntut (Old Crow, Yukon) a été la première à déclarer officiellement l’état d’urgence, affirmant que son mode de vie traditionnel était menacé par l’évolution rapide du paysage (Yeednoo Diinehdoo Ji’heezrit Nits’oo Ts’o’ Nan He’aa Declaration, s.d.). Dana Tizya-Tramm, chef de la Première Nation des Gwitchin Vuntut, a fait remarquer que ce n’est qu’une question de temps avant que son arrière-petit-enfant vive sur un territoire complètement différent, et que si ce n’est pas une urgence, il ne sait pas ce qu’est une urgence (Avery, 2019, s.p.). L’Assemblée des Premières Nations (APN) a par la suite déclaré une urgence climatique mondiale à l’occasion de son assemblée générale annuelle de juillet 2019, a lancé des appels à l’élaboration d’une stratégie climatique dirigée par les Premières Nations et a convoqué une réunion nationale pour intensifier la lutte contre les changements climatiques, qui a eu lieu en mars 2020, à Whitehorse, au Yukon (APN, 2019, APN, 2020).

En ce qui concerne l’Inuit Nunangat qui se réchauffe presque trois fois plus vite que la moyenne mondiale (Bush et Lemmen, 2019), l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) a réagi à ce rythme sans précédent de changements et d’impacts en publiant le rapport Priorités inuites relatives à la Stratégie canadienne de lutte contre les changements climatiques : La vision des Inuits canadiens sur leur avenir commun dans leur patrie (ITK, 2016) et la Stratégie nationale inuite sur les changements climatiques (ITK, 2019b).

En octobre 2016, le Ralliement national des Métis (RNM) a également adopté une résolution sur les changements climatiques et l’environnement à l’occasion d’une séance spéciale de son assemblée générale. Présentée dans le cadre d’une approche de nation à nation et de gouvernement à gouvernement, la résolution appuie la participation significative des Métis et l’examen des lois, des politiques, de la protection, de la gestion et des processus d’évaluation fédéraux en matière d’environnement (Ralliement national des Métis, 2016). Le RNM a également mené une évaluation nationale des changements climatiques et de la vulnérabilité de la santé (JF Consulting, 2020).

Les impacts des changements climatiques sur la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis sont considérables et ont déjà été observés dans de nombreuses régions du Canada. La section suivante donne un aperçu général des risques que posent les changements climatiques pour la santé et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis relativement aux aléas naturels, à la santé mentale, à la qualité de l’air, aux maladies infectieuses, à la salubrité et à la sécurité alimentaire et hydrique et aux réseaux de santé. Les risques sont examinés dans le contexte des iniquités existantes en santé chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis et des susceptibilités particulières des peuples autochtones aux changements climatiques. La section donne aussi des exemples de projets et d’initiatives d’adaptation des Autochtones aux quatre coins du Canada en réponse aux changements climatiques.

2.4.1

Aléas naturels

« La glace marine a vraiment changé. Je voyageais à la fois en traîneau à chiens et en motoneige pour me rendre à Pond Inlet et en revenir. Lors de mon récent voyage, la neige avait changé. La couche de neige supérieure et l’état de cette couche de neige avaient changé. Normalement, au printemps, la couche de neige supérieure gèle la nuit. Ce processus s’appelle qiqqsuqqaqtuq. On peut voir cette couche gelée lorsque la journée commence à peine; elle est étincelante en raison du récent gel sur le dessus. J’ai remarqué que ce n’était plus le cas. Ce processus, le gel, n’a plus lieu. » [traduction]9

Les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis sont particulièrement susceptibles de subir les impacts des événements climatiques sur la santé, étant donné qu’ils dépendent étroitement de la nature pour leur subsistance, leurs moyens de subsistance et leurs pratiques culturelles (Ford, 2012; Kipp et coll., 2019b). Les impacts connexes sur la santé sont ressentis directement et indirectement. Dans l’Arctique, la hausse des températures déstabilise le pergélisol et a un effet sur la couverture de neige au sol, l’étendue et l’épaisseur de la glace de mer, le niveau de la mer et les régimes météorologiques (Ford et coll., 2014; Durkalec et coll., 2015; ITK, 2016). Ces changements exacerbent la perte de connaissances et de compétences liées aux terres en matière de prévisions météorologiques, de transport jusqu’aux territoires de chasse et d’habitudes de la faune et entraînent un risque accru de blessures et de décès, exigent un plus grand nombre de missions de sauvetage et réduisent l’accès aux aliments traditionnels10 (Lemelin et coll., 2010; Andrachuk et Smit, 2012; Pearce et coll., 2012; Sheedy, 2018). Par exemple, la proportion de blessures accidentelles a été plus de trois fois élevée que la moyenne canadienne de 2006 à 2015 chez les utilisateurs inuits du territoire au Nunavut, et le nombre d’opérations de recherche et sauvetages a plus que doublé au cours des dix dernières années en raison des changements associés à la température et à la glace (Clark et coll., 2016a; Clark et coll., 2016b). La perte de connaissances et de compétences liées aux terres menace également l’identité et le bien-être des Inuits en réduisant les possibilités d’activités terrestres et maritimes, ainsi que la mise en commun et l’enseignement des connaissances et des compétences, en particulier pour les jeunes (ITK, 2016).

La dégradation du pergélisol, les fortes tempêtes et l’érosion côtière peuvent entraîner la destruction d’endroits qui ont une signification culturelle et peuvent avoir, par le fait même, des impacts sur la santé mentale (gouvernement du Nunavut, 2010; gouvernement du Nunavut, 2012; Donatuto et coll., 2014). De tels événements peuvent également déstabiliser le logement, les pipelines, ainsi que l’infrastructure et les systèmes des municipalités locales servant à l’approvisionnement en eau, au traitement des eaux usées et au transport, et peuvent accroître le risque de blessures, de maladies d’origine hydrique et de contamination environnementale, en plus de perturber les chaînes d’approvisionnement (gouvernement du Nunavut, 2010; gouvernement du Nunavut, 2014; Berner et coll., 2016; FRMFNMES, 2016). Dans le hameau inuvialuit de Tuktoyaktuk, par exemple, l’érosion côtière oblige déjà les résidents à relocaliser leurs maisons plus loin à l’intérieur des terres et sur des terres plus élevées (Faris, 2019). Ces impacts exercent des pressions financières supplémentaires sur les ménages et les collectivités inuits en raison d’un coût de la vie élevé, d’un faible revenu des ménages, de la faible population et des revenus insuffisants des administrations locales (ITK, 2016). En réaction à ces changements, des jeunes inuits locaux ont créé un collectif de la réalisation cinématographique (Tuk TV) et capté ces expériences dans un documentaire intitulé Happening to Us qui a été visionné à la 25e session de la Conférence des Parties (COP 25) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), tenue en 2019 à Madrid, en Espagne11.

Le réchauffement des températures et les changements dans les régimes de précipitation ont entraîné une augmentation de la fréquence et de la gravité des événements météorologiques extrêmes, comme les inondations, les feux de forêt et les canicules (Berry et coll., 2014; Bush et Lemmen, 2019). Certaines collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis sont plus vulnérables à ces événements en raison de leur emplacement géographique, ainsi que des conditions socioéconomiques et de l’infrastructure existantes (CIER, 2008; Christianson et coll., 2012; Collier, 2015; McNeill et coll., 2017). Au cours de la période de 2006 à 2016, environ 67 collectivités des Premières Nations ont connu un total combiné de près de 100 inondations, causant des dommages importants aux biens et aux infrastructures, des perturbations des services communautaires et des impacts sur la santé et le bien-être (McNeill et coll., 2017).

Les changements climatiques ont contribué à des événements de chaleur extrême et à des sécheresses de plus en plus fréquentes et à la prolifération de ravageurs comme le dendroctone du pin ponderosa, ce qui par le fait même accroît la prévalence, l’ampleur et l’intensité des feux de forêt et la dévastation des forêts (voir le chapitre 5 : Qualité de l’air). Ces problèmes ont des répercussions sociales, psychologiques, émotionnelles et financières énormes sur les collectivités des Premières Nations et des Métis partout au Canada (Scharbach et Waldram, 2016; Howard et coll., 2017; Dodd et coll., 2018a; Dodd et coll., 2018b; SAC, 2018). De nombreuses collectivités autochtones sont situées dans des régions qui devraient connaître une augmentation des feux de forêt au cours des 40 prochaines années, y compris certaines parties de la côte de la Colombie-Britannique et de Haida Gwaii, le nord-est de l’Alberta, le centre de la Saskatchewan, le sud du Manitoba et de l’Ontario, et dans les Territoires du Nord-Ouest (B.J. Stocks Wildfire Investigations Ltd., 2013).

La prévalence et la gravité accrues des événements météorologiques et climatiques extrêmes peuvent avoir des impacts directs et indirects sur la santé humaine (voir le chapitre 3: Aléas naturels). Ils peuvent contribuer directement à l’accroissement des blessures et des décès (Kipp et coll., 2019b). Les sécheresses peuvent influer sur la santé respiratoire, la santé mentale, l’exposition aux toxines environnementales, la sécurité alimentaire et hydrique et les taux de blessures et de maladies infectieuses, et peuvent intensifier les pressions sur les systèmes de traitement de l’eau (Yusa et coll., 2015). Les inondations peuvent causer la contamination de l’eau et des aliments par le rejet de contaminants environnementaux, de bactéries et d’agents pathogènes (Patrick, 2011; Huseman et Short, 2012; Daley et coll., 2015). Cela peut entraîner une augmentation des infections d’origine hydrique et alimentaire, des problèmes de peau et des malformations congénitales, ainsi que de l’obésité, du diabète, de l’hypertension, du stress psychologique, des maladies du cœur et du foie, des problèmes rénaux, des problèmes neurologiques, de l’immunopathologie, des cancers, des problèmes thyroïdiens et de la mortalité infantile (Bradford et coll., 2016). Les inondations et les feux de forêt peuvent endommager l’habitat du poisson et de la faune qui est important pour la reproduction des espèces, et avoir ainsi un impact sur la sécurité alimentaire (Kipp et coll., 2019b). Les feux de forêt peuvent dégrader la qualité de l’air et contribuer aux fortes proportions de maladies respiratoires et cardiovasculaires (Liu et coll., 2015; Reid et coll., 2016) et causer des problèmes psychologiques, comme le stress, l’anxiété et la dépression (Cunsolo Willox et coll., 2015; Dodd et coll., 2018a; Dodd et coll., 2018b; Manning et Clayton, 2018). La chaleur extrême peut entraîner des maladies et des décès liés à la chaleur, surtout dans le sud du Canada et les centres urbains (Conseil des académies canadiennes, 2019). Bien que les recherches sur les populations autochtones et la chaleur extrême soient limitées, une étude comparative de la morbidité liée aux conditions climatiques chez les populations autochtones urbaines et rurales de l’Ontario a révélé que les populations urbaines sont plus à risque en raison des iniquités relatives à l’accès aux services de santé, de l’état de santé, de la pauvreté, du logement et de la marginalisation politique (Tam, 2013).

Les urgences liées au climat peuvent également entraîner des évacuations temporaires ou des départs à long terme des territoires traditionnels, ce qui touche tous les aspects de la santé et du bien-être des Autochtones. Ces relocalisations perturbent des vies, créent des difficultés financières, accroissent le stress, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique, et peuvent ramener à la surface des traumatismes historiques associés aux réinstallations forcées et aux interventions gouvernementales dans la vie des peuples autochtones (Thompson et coll., 2014; Scharbach et Waldram, 2016; Bedard et Richards, 2018; Dicken, 2018; Hassler et coll., 2019). Les membres des Premières Nations vivant dans les réserves, en particulier, ont été touchés de façon disproportionnée par les déplacements causés par des événements climatiques. Par exemple, au cours de la période d’avril 2017 à mars 2019, près de 15 000 résidents des Premières Nations ont été évacués en raison d’inondations, de feux de forêt et de vagues de chaleur extrême (SAC, 2019, selon le Service d’information et de recherche parlementaires, 2020). À l’avenir, les interventions d’urgence à ces événements climatiques nécessiteront un financement adéquat pour les activités de planification d’urgence, le renforcement de la capacité et la formation, la participation des Autochtones aux activités de coordination, l’utilisation du savoir et des compétences autochtones, l’intervention d’urgence directe et immédiate, les processus d’évacuation qui tiennent compte des Autochtones, ainsi que les efforts constants pour que les collectivités autochtones puissent se rétablir après de tels événements (Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 2018).

2.4.2

Santé mentale et bien-être

Les changements climatiques menacent les dimensions culturelles de la vie et des moyens de subsistance des peuples autochtones, qui sont au cœur de l’identité, de la cohésion communautaire et du sentiment d’appartenance (Adger et coll., 2013). Les impacts des changements climatiques sur la santé mentale et le bien-être peuvent imposer un fardeau disproportionné à certains groupes, notamment les femmes, les enfants et les personnes autochtones des collectivités socioéconomiques défavorisées (voir le chapitre 4 : Santé mentale et bien-être), ainsi que les Aînés qui peuvent être profondément perturbés par les changements dont ils sont témoins (FRMFNMES, 2016; Manning et Clayton, 2018). Étant donné que les Premières Nations, les Inuits et les Métis affichent des taux de suicide, de toxicomanie, d’alcoolisme et de violence disproportionnellement élevés en raison des traumatismes intergénérationnels et de la marginalisation socioéconomique (Aguiar et Halseth, 2015; Kumar et Tjepkema, 2019), ces impacts des changements climatiques peuvent aggraver les problèmes de santé mentale existants.

Les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont un profond lien économique, social et spirituel avec la terre pour l’alimentation, l’habillement, l’enseignement, les loisirs et un lien avec les générations passées, actuelles et futures (Mecredi, 2010; Tobias et Richmond, 2014). Ils voient ces liens comme interreliés avec les autres déterminants de la santé (Harper et coll., 2015c, page 6). La participation à des activités axées sur la terre et la culture peut être bénéfique sur le plan mental, émotionnel, social, culturel et spirituel et, par le fait même, contribuer à la résilience individuelle et communautaire face aux changements climatiques. Ces activités peuvent, par exemple, aider à se ressourcer, à atténuer le stress, à accroître l’activité physique et à améliorer la nutrition, à faciliter l’accès à la médecine traditionnelle, à bâtir la confiance en soi, à favoriser des relations positives, à renforcer les identités culturelles et à augmenter les occasions de transmettre les connaissances d’une génération à l’autre (Consolo Willox et coll., 2012; Première Nation Nisga’a, 2012; Airas-Bustamante, 2013; Consolo Willox et coll., 2013a; Ulturgasheva et coll., 2014; Durkalec et coll., 2015; Harper et coll., 2015c).

Les changements climatiques peuvent perturber la capacité des peuples autochtones de chasser, de pêcher, de piéger, de se nourrir et de passer du temps sur la terre, ce qui peut avoir une incidence néfaste sur leur santé mentale et émotionnelle et leur bien-être. Cette perturbation peut présenter de nouveaux aléas et causer ainsi du stress et de l’anxiété par rapport à la sécurité des membres de la famille qui voyagent sur la terre (Harper et coll., 2015c). Elle peut nuire à la transmission aux jeunes générations du savoir intergénérationnel et des compétences liées aux terres, deux éléments qui sont essentiels à la formation d’une forte identité culturelle et à la résilience (Chandler et Lalonde, 1998; Kral et Idlout, 2009; Wexler, 2013). Les événements climatiques extrêmes, comme les feux de forêt et les évacuations qui en résultent, de même que les impacts à évolution lente des changements climatiques peuvent leur causer du stress ou des inquiétudes quant à l’avenir (Cunsolo Willox, 2012a; Cunsolo Willox, 2012b; Cunsolo Willox et coll., 2012; Scharback et Waldram, 2016; Asfaw, 2018; Dodd et coll., 2018a; Dodd et coll., 2018b; Manning et Clayton, 2018).

Les peuples autochtones peuvent également vivre un « deuil écologique » causé par les pertes passées et futures liées aux changements climatiques à l’égard de la terre, des écosystèmes et des espèces, du savoir environnemental et de l’identité culturelle (Cunsolo et Rigolet, gouvernement de la communauté inuite, 2014; Cunsolo et Ellis, 2018; Meloche, 2018). À mesure que le climat se réchauffe, l’anxiété, le stress et le « deuil écologique » devraient devenir de plus en plus courants (Cunsolo Willox et coll., 2013b; Bourque et Cunsolo Willox, 2014; Consolo Willox et coll., 2015; Harper et coll., 2015c; Cunsolo et Ellis, 2018; Cunsolo et coll., 2020) (voir le chapitre 4 : Santé mentale et bien-être). Il sera difficile et exigeant de réagir à l’augmentation des problèmes de santé mentale, surtout compte tenu du fait que de nombreuses collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis n’ont pas accès à des services de santé mentale adéquats (Commission de la santé mentale du Canada, 2016; Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, 2017; Carrière et coll., 2018). La fragmentation des compétences en matière de soins de santé entre les gouvernements fédéral et provinciaux et le manque de financement à long terme réservé aux services de santé mentale demeurent des obstacles importants à l’atteinte de la santé et du bien-être dans les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis (Boksa et coll., 2015).

L’exploration des impacts des changements climatiques sur la santé mentale des Premières Nations, des Inuits et des Métis est un domaine d’étude émergent axé principalement sur les fortes réactions émotionnelles et psychologiques vécues face aux changements écologiques rapides. Pour les Inuits, ces réactions comprennent de forts sentiments d’anxiété, de peur, de stress, de colère, de tristesse, de désorientation, de chagrin, de perte et de complainte, ainsi qu’un accroissement de la toxicomanie et de l’alcoolisme, des idées suicidaires et des tentatives de suicide, de la violence, et une diminution de la consolation qu’apporte la terre (Cunsolo Willox, 2012a; Cunsolo Willox, 2012b; Cunsolo Willox et coll., 2013a; Cunsolo Willox et coll., 2013b; Petrasek MacDonald et coll., 2013a; Petrasek MacDonald et coll., 2013b; Ulturgasheva et coll., 2014; Cunsolo Willox et coll., 2015; Harper et coll., 2015c; Bunce et coll., 2016). Comme l’ont fait remarquer Durkalec et ses collègues (2015), les changements climatiques intensifient la dépossession environnementale pour les Inuits, ce qui aggrave les perturbations et le dénigrement de leur savoir et leurs modes de vie. La recherche concernant les impacts des changements climatiques sur la santé mentale des Premières Nations et des Métis est plus restreinte. Une étude a porté sur les impacts d’un été de feux de forêt sur la santé et le bien-être de quatre collectivités des Premières Nations vivant dans les Territoires du Nord-Ouest. Les participants à cette étude ont parlé d’évacuations et d’isolement qu’ils avaient vécus, et ont avoué qu’ils ressentaient de la peur, du stress et de l’incertitude quant à l’avenir (Dodd et coll., 2018a; Dodd et coll., 2018b).

Services aux Autochtones Canada finance plusieurs stratégies nationales ciblées, notamment la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones, le Programme national de lutte contre l’abus d’alcool et de drogues chez les Autochtones, le counseling en santé mentale et le Programme de soutien en santé mentale des pensionnats indiens (SAC, 2019c). Seule une assez faible proportion des Premières Nations et des Inuits12 peut avoir accès à ces programmes qui n’assurent pas la diversité et la qualité des services nécessaires pour traiter les problèmes complexes de santé mentale que vivent les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis (Maar et coll., 2009; Boksa et coll., 2015). Il faut une plus grande collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour veiller à ce que ces collectivités disposent d’un financement durable spécial afin de répondre aux besoins en matière de santé mentale, qui pourraient être de plus en plus grands en raison des impacts des changements climatiques.

2.4.3

Qualité de l’air

Les conditions météorologiques et climatiques peuvent avoir une incidence sur la qualité de l’air à l’intérieur et à l’extérieur et avoir des impacts sur la santé humaine (Kinney, 2008) (voir le chapitre 5 : Qualité de l’air). Le réchauffement des températures peut augmenter les niveaux de polluants atmosphériques (p. ex., l’ozone troposphérique, les matières particulaires) et la production d’aéroallergènes (p. ex., les pollens et les moisissures) qui sont associés à un plus grand risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi qu’à la mort prématurée (Berry et coll., 2014; Reid et coll., 2016). Les Premières Nations, les Inuits et les Métis subissent un fardeau disproportionné comparativement aux non-Autochtones de maladies respiratoires chroniques, comme l’asthme13 et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC)14, et ces maladies peuvent être exacerbées par la mauvaise qualité de l’air (Gershon et coll., 2014; Ospina et coll., 2015; Carrière et coll., 2017; ASPC, 2018a; Koleade et coll., 2018). Des pourcentages plus élevés d’infections respiratoires, comme la bronchite, la bronchiolite, la pneumonie et la tuberculose, sont également signalés chez les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis (Kovesi, 2012; Konrad et coll., 2013). Les Premières Nations, les Inuits et les Métis font face à des risques accrus d’exposition à une mauvaise qualité de l’air en raison de déterminants de la santé sous-jacents, comme les mauvaises conditions en matière de logement (p. ex., des logements ayant besoin de réparations, le surpeuplement, la mauvaise ventilation et la moisissure) dans bien des collectivités, en plus de l’exposition accrue à la fumée de tabac et au chauffage au bois ou à l’huile, ainsi que la proximité géographique des forêts qui sont propices aux feux de forêt produisant de la fumée (CIER, 2008; B.J. Stocks Wildfire Investigations Ltd., 2013; Dodd et coll., 2018a; Dodd et coll., 2018b).

 

2.4.4

Salubrité et sécurité des aliments

L’insécurité alimentaire est un problème de santé publique urgent au Canada (Tarasuk et coll., 2014) (voir le chapitre 8 : Salubrité et sécurité des aliments), en particulier pour les peuples autochtones des régions géographiquement éloignées où les taux de pauvreté sont élevés (Loring et Gerlach, 2015; Bhawra et coll., 2017; Human Rights Watch, 2020). De nombreuses collectivités éloignées du Nord dépendent pour leurs besoins nutritionnels des aliments traditionnels ou prélevés dans la nature (Earle, 2011). Par exemple, les données de Statistique Canada indiquent que 65 % des Inuits, 35 % des Métis et 33 % des membres des Premières Nations vivant hors réserve ont chassé, pêché ou piégé en 2017, tandis que 30 % des membres des Premières Nations vivant hors réserve et 47 % des Inuits ont récolté des plantes sauvages ou des baies16(Kumar et coll., 2019). Les aliments traditionnels ou prélevés dans la nature ont une grande valeur nutritive et offrent un certain nombre d’avantages sur le plan de la santé physique et mentale (Bunce, 2015; Bunce et coll., 2016; Cyre et Slater, 2019). La récolte d’aliments traditionnels ou prélevés dans la nature favorise l’activité physique, contribue à la cohésion sociale par le partage des aliments, facilite le renouveau spirituel et l’expression culturelle, et joue un rôle dans le développement de l’autonomie personnelle et communautaire et de la souveraineté alimentaire (Receveur et Kuhnlein, 1998; Earle, 2011; Cidro et coll., 2015; Hirsch et coll., 2016).

Les changements climatiques ont un effet sur la taille, la répartition, la santé et les comportements des animaux sauvages, du poisson, de la volaille et d’autres sources traditionnelles d’alimentation qui, à leur tour, nuisent à la récolte et au partage avec la famille, les Aînés et d’autres membres de la collectivité (Organ et coll., 2014; Statham et coll., 2015; Archer, 2016; Spring et coll., 2018). Ces impacts peuvent être à la fois positifs et négatifs pour le renforcement de la sécurité alimentaire. Le réchauffement des températures a introduit de nouvelles espèces fauniques et végétales, a permis à certaines espèces de prospérer et a allongé les saisons de croissance, de sorte que les collectivités du Nord peuvent cultiver plus facilement leurs propres aliments (Sheedy, 2018). Cependant, le réchauffement climatique a modifié le moment des périodes de récolte, les écosystèmes et les habitats de manière à nuire à la reproduction des espèces, ce qui a entraîné le déclin ou la disparition d’espèces particulières qui constituent des moyens de subsistance traditionnels.

Des recherches considérables ont déjà été entreprises sur divers aspects de la sécurité alimentaire des populations autochtones liés au climat, en particulier des études évaluant la disponibilité de sources alimentaires traditionnellement importantes. Par exemple, de nombreuses Premières Nations s’inquiétaient du nombre décroissant de certaines espèces de poisson, de mollusques et crustacés et d’oies; de la disponibilité et de la qualité de baies particulières; et des changements au titre de la taille, de la santé, de la répartition et des habitudes migratoires de la population de caribous (Mecredi, 2010; Hermann et coll., 2012; Teslin Tlingit Council, 2012; Arias-Bustamante, 2013; Donatuto et coll., 2014; Premières Nations de Kluane et Arctic Institute of Community-Based Research, 2016; Parlee et Caine, 2018; Spring et coll., 2018; Human Rights Watch, 2020). Les Inuits se préoccupaient aussi des changements au niveau de la taille, de la santé, de la répartition et des habitudes migratoires des caribous et d’autres espèces arctiques, notamment le bœuf musqué, le phoque, la baleine et l’ours polaire (Pauktuutit, 2011; Henry et coll., 2012; Cuerrier et coll., 2015; MacDonell, 2015; Quinn, 2016a; Quinn, 2016b; Mallory et Boyce, 2017; Parlee et Caine, 2018; Waugh et coll., 2018). Bien que peu de recherches aient été effectuées particulièrement sur les impacts des changements climatiques sur la sécurité alimentaire des Métis, certaines ont soulevé des préoccupations à l’égard d’une période de chasse à l’oie plus courte; des changements dans le mouvement et l’emplacement du poisson et de son habitat; des changements au niveau de la santé, du comportement et de la répartition du caribou et de l’orignal; des changements sur le plan de la disponibilité et de la qualité de baies particulières; et des répercussions d’un réchauffement des températures sur les méthodes de préservation des aliments (Guyot et coll., 2006; membres des collectivités de l’Alliance des Métis de North Slave, Shiga, Evans, King et Keats, 2018).

Les populations des Premières Nations, des Inuits et des Métis se préoccupent toutes de l’imprévisibilité des conditions météorologiques et environnementales attribuable aux changements climatiques, et de leurs effets sur leur capacité de se déplacer dans la nature et d’avoir accès à des aliments traditionnels. Ces impacts peuvent exercer des pressions sur les systèmes alimentaires déjà fragiles et ainsi entraîner une augmentation de l’insécurité alimentaire dans les collectivités autochtones et une plus grande dépendance à l’égard des aliments vendus au détail (Statham et coll., 2015; Sheedy, 2018). L’abandon des aliments traditionnels ou prélevés dans la nature au profit des aliments vendus au détail, souvent de qualité inférieure, peut exacerber les taux déjà élevés de maladies chroniques prévalant chez les peuples autochtones, y compris l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires (Kolahdooz et coll., 2015; Reading, 2015).

Le défi relatif à l’intensification de l’insécurité alimentaire que posent les changements climatiques est aggravé par les impacts environnementaux négatifs de l’exploitation des ressources sur la salubrité des aliments traditionnels et par un système alimentaire imposé par la colonisation qui laisse les peuples autochtones de plus en plus dépendants des aliments vendus au détail (Penner et coll., 2019). La capacité des peuples autochtones d’exercer leur autonomie sur leur territoire et leurs aliments traditionnels est cruciale pour corriger le discours colonial de la marginalisation socioéconomique et des disparités en matière de santé (Coté, 2016). Cette autonomie est enchâssée dans le concept de « souveraineté alimentaire » qui constitue un modèle fondé sur les droits de la personne et sur la notion que les peuples autochtones ont le droit à des aliments sains et culturellement adaptés qui sont produits par des méthodes écologiques et durables, et le droit d’établir leurs propres systèmes alimentaires sur le plan de l’alimentation et de l’agriculture (Sélingué, 2007, tel que cité dans Coté, 2016, à la page 8). La souveraineté alimentaire autochtone reconnaît le Mino-pimatwisin, un terme anishinaabe pour « la belle vie », et le maligit, un terme inuktitut pour « équilibre », dans Qaujimajatuqangit (savoir traditionnel inuit) (Penner et coll., 2019). Des initiatives novatrices relatives à la souveraineté alimentaire des Autochtones ont été entamées aux quatre coins du Canada, y compris des jardins scolaires et communautaires, des serres, des programmes d’enseignement sur l’alimentation traditionnelle, des programmes de sensibilisation à la conservation, des coopératives d’aliments de commerce et de jardin, des programmes de récolte et de partage d’aliments prélevés dans la nature, des banques d’aliments prélevés dans la nature et des clubs d’achat de poisson (Thompson et coll., 2011; Thompson et coll., 2012; Kamal et coll. 2015; Martens, 2015; Robin, 2019).

2.4.5

Qualité, salubrité et sécurité de l’eau

« L’eau est ce qui nous soutient. L’eau est ce qui nous amène dans ce monde, et l’eau est ce qui assure notre survie dans ce monde physique. C’est donc notre vie. » [traduction] 17

Les impacts des changements climatiques, comme l’accroissement des précipitations, des inondations et des sécheresses, peuvent influer de façon importante sur la qualité, la quantité et l’accessibilité de l’eau (Berry et coll., 2014) (voir le chapitre 7 : Qualité, quantité et sécurité de l’eau), ce qui exacerbe les risques pour la santé liés aux défis que posent déjà la qualité, la salubrité et la sécurité de l’eau pour de nombreuses collectivités des Premières Nations et inuites du Canada. Les systèmes d’alimentation en eau et d’assainissement des eaux usées, le manque de personnel compétent et l’exposition accrue aux polluants ou aux contaminants environnementaux ont fait l’objet de douzaines d’avis d’ébullition de l’eau de courte ou de longue durée (White et coll., 2012; Medeiros et coll., 2016; Wright et coll., 2018a; Wright et coll., 2018b; ITK, 2020; SAC, 2020a; SAC, 2020b). Même s’il y a eu un certain progrès relativement à la qualité de l’eau potable dans bien des collectivités autochtones aux quatre coins du Canada, un récent rapport du gouvernement fédéral a indiqué que Services aux Autochtones Canada n’était pas en voie d’honorer son engagement pris en 2015 de mettre fin à tous les avis à long terme touchant les réseaux publics d’alimentation en eau dans les réserves des Premières Nations avant le 31 mars 2021 (Bureau du vérificateur général du Canada, 2021). Par exemple, il y avait eu 51 avis d’ébullition de l’eau potable de longue durée (au 16 juin 2021) et 26 avis de courte durée (au 15 juillet 2021) concernant les réseaux publics d’alimentation en eau potable des Premières Nations18 (SAC, 2021a; SAC, 2021b). Au 31 juin 2021, six autres avis d’ébullition de l’eau et sept avis de ne pas consommer étaient en vigueur dans les collectivités des Premières Nations de la Colombie-Britannique (Régie de la santé des Premières Nations, 2021). De nombreuses collectivités inuites n’ont qu’une seule source d’eau confirmée, ce qui pose des défis sur le plan de l’infrastructure d’approvisionnement en eau, de la pénurie d’eau, du traitement de l’eau municipal, de la contamination environnementale des sources d’eau et des avis d’ébullition de l’eau. L’Inuit Tapiriit Kanatami (2020) note que 298 avis de faire bouillir l’eau ont été émis dans 29 communautés inuites entre janvier 2015 et le 1er octobre 2020. Par conséquent, ces collectivités font face à des urgences liées à l’eau dans certaines conditions climatiques ou doivent compter sur l’eau transportée par camion et l’eau potable stockée dans des conteneurs, ce qui augmente le risque de contamination (Medeiros et coll., 2016; Wright et coll., 2018a). Pas plus tard que le 12 octobre 2021, le gouvernement du Nunavut a envoyé par avion 80 000 litres d’eau embouteillée à Iqaluit après que l’état d’urgence ait été déclaré à la suite de la détection de carburant dans l’eau potable de la collectivité (CBC, 2021).

Les événements à haute visibilité, comme les avis d’ébullition de l’eau, peuvent accroître la méfiance à l’égard de la qualité de l’eau et faire en sorte que l’on évite d’utiliser l’approvisionnement en eau potable des ménages (Ekos Research Associates, 2011; Allaire et coll., 2019). Les petits réseaux d’alimentation en eau font face à des avis concernant la qualité de l’eau potable aussi souvent ou plus fréquemment que les grands réseaux d’aqueduc municipaux et manquent souvent des ressources appropriées pour donner suite adéquatement à l’avis (Lane et Gagnon, 2020). Les examens des avis d’ébullition de l’eau au Canada ont révélé que les avis sont le plus souvent rendus publics en raison de préoccupations d’ordre opérationnel ou concernant les processus (Environnement et Changement climatique Canada, 2018; Lane et Gagnon, 2020). Les phénomènes climatiques, tels que les chutes de pluie intenses, les tempêtes violentes, les périodes de sécheresse, les journées extrêmement chaudes et les ondes de tempête, peuvent endommager les infrastructures d’approvisionnement en eau, diminuer la disponibilité des ressources en eau et réduire la qualité de l’eau utilisée à des fins de consommation (Kohlitz et coll., 2020). On prévoit que les infrastructures liées à l’eau potable dans les petits réseaux d’alimentation en eau potable subissent des pressions accrues à mesure que les changements climatiques s’accélèrent (Kohlitz et coll., 2020).

Les changements climatiques ont déjà eu un impact considérable sur la sécurité de l’eau dans les collectivités autochtones. De nombreuses collectivités des Premières Nations ont signalé un déclin rapide des niveaux d’eau ayant des répercussions importantes sur la disponibilité des ressources de poisson, ainsi que sur la migration et le mouvement d’autres ressources animales qui sont importantes pour la sécurité alimentaire (Mecredi, 2010; Première Nation Nisga’a, 2012; Teslin Tlingit Council, 2012; Harper et coll., 2015a; FRMFNMES, 2016; Sheedy, 2018). Dans l’Arctique, les changements climatiques ont intensifié l’évaporation de l’approvisionnement en eau douce, la contribution des eaux souterraines aux débits des rivières et la dégradation du pergélisol. Ces répercussions exerceront une pression croissante sur la disponibilité de l’eau potable, diminueront la qualité de l’eau en raison du rejet de contaminants environnementaux stockés, et imposeront une pression cumulative et croissante sur les ressources en eau douce (Nilsson et coll., 2013; Goldhar et coll., 2014; Bakaic et Medeiros, 2016; Medeiros et coll., 2016).

Le manque d’accès à de l’eau propre et saine peut restreindre les pratiques d’hygiène personnelle et contribuer à la propagation de maladies infectieuses d’origine hydrique, comme les maladies gastro-intestinales (Harper et coll., 2015a; Harper et coll., 2015b; Bradford et coll., 2016; Chen, 2016), de même que des maladies infectieuses comme la grippe, le coronavirus (COVID-19) et le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (Boyd, 2011; Sarkar et coll., 2015; Bharadwaj et Bradford, 2018; Stoler et coll., 2020). Dans un examen exploratoire de la littérature sur la qualité de l’eau potable dans les collectivités autochtones et des résultats pour la santé au Canada, Bradford et coll. (2016) ont constaté que les infections gastro-intestinales étaient le problème de santé le plus souvent cité dans les études examinées. Parmi les autres problèmes de santé signalés par rapport à l’eau potable contaminée, on compte des affections cutanées, comme l’eczéma et le cancer de la peau, des cas accrus de mortalité infantile et d’anomalies congénitales, de même que des taux élevés d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires attribuables à la consommation de boissons gazeuses et sucrées en l’absence d’eau potable saine (Bradford et coll., 2016).

On ne saurait trop insister sur les impacts possibles des changements climatiques sur la santé mentale et spirituelle et sur la sécurité de l’eau. Plusieurs études au Canada indiquent que l’insécurité hydrique cause des problèmes de santé mentale et de la détresse psychosociale chez les Autochtones (Anderson, 2010; Hanrahan et coll., 2014; Sarkar et coll., 2015; Cruddas, 2017). Les Premières Nations, les Inuits et les Métis considèrent l’eau comme un privilège et un don sacré et s’en servent donc souvent à des fins cérémonielles et culturelles (Anderson, 2010; McGregor, 2012; APN, 2013; Omosule, 2017). L’eau est également nécessaire à l’exercice des pratiques culturelles et aux moyens de subsistance (Bharadwaj et Bradford, 2018). Le prélèvement de l’eau à même la terre est un élément important de la culture de subsistance et de l’identité inuites, ainsi qu’une source possible de guérison (Watson, 2017; Wright et coll., 2018b). Les impacts négatifs sur la sécurité de l’eau peuvent donc avoir une incidence sur le bien-être mental et spirituel (Powys Whyte, 2014; Lam et coll., 2017). Compte tenu de l’importance physique, émotionnelle et spirituelle de l’eau, les Autochtones ont besoin d’une plus grande souveraineté pour protéger les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis contre les préjudices environnementaux en matière de quantité, de qualité et d’accessibilité des ressources en eau causés par les changements climatiques et des projets d’exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires.

2.4.6

Maladies infectieuses

Les changements dans les régimes météorologiques, comme le réchauffement des températures, l’augmentation des précipitations et la fréquence accrue des sécheresses et des feux de forêt, devraient avoir un effet sur l’incidence et la dissémination des maladies d’origine hydrique, alimentaire, vectorielle et zoonotique (Greer et coll., 2008; Berry et coll., 2014; Chen, 2016) (voir le chapitre 6 : Maladies infectieuses). Les peuples autochtones du monde et du Canada présentent des taux de maladies infectieuses beaucoup plus élevés que les populations non autochtones (Gracey et King, 2009; Hotez, 2010), ce qui les expose à un plus grand risque de maladies infectieuses liées au climat. Les déterminants de la santé comme la pauvreté, la malnutrition, l’accès moindre aux soins de santé et les mauvaises conditions socioéconomiques, influent sur la résistance à l’infection, la progression de la maladie, ainsi que le traitement et la prise en charge de la maladie (ACSP, 2013).

Les Premières Nations, les Inuits et les Métis courent un risque accru d’exposition à des maladies infectieuses liées au climat en raison de leur forte dépendance aux aliments traditionnels ou prélevés dans la nature. De récentes études, par exemple, révèlent une prévalence accrue de parasites fauniques, qui sont à l’origine de la trichinellose chez le morse et l’ours polaire, la brucellose chez le caribou, la bronchite vermineuse chez le bœuf musqué, la giardiase chez les castors, ainsi que la tularémie, la rage et la cryptosporidiose (Jenkins et coll., 2013; Jenkins et coll., 2015; Quinn, 2016a; Quinn, 2016b; Yansouni et coll., 2016; Tomaselli et coll., 2017; Sheedy, 2018). Ces maladies peuvent être transmises des animaux aux humains, soit directement par la consommation d’aliments traditionnels, soit indirectement par l’exposition à des animaux domestiques porteurs de ces agents pathogènes (Himsworth et coll., 2010; Goyette et coll., 2014; Bowser et Anderson, 2018).

On a décelé chez certaines populations autochtones des régions arctiques un lourd fardeau de maladies infectieuses d’origine parasitaire et alimentaire. Il a été possible d’établir un lien entre la consommation de mammifères marins et des éclosions de trichinélosie (Yansouni et coll., 2016). Un fardeau disproportionné de maladies gastro-intestinales aiguës, qui peuvent être liées à des maladies d’origine hydrique et alimentaire, a été signalé dans plusieurs collectivités inuites (Harper et coll., 2015a; Harper et coll., 2015b). Plus précisément, une forte prévalence de giardiase a été signalée dans le Nord du Canada (Yansouni et coll., 2016), alors que les taux de cryptosporidiose semblent très élevés chez les Inuits de la région Qikiqtani du Nunavut (Goldfarb et coll., 2013) et la région Nunavik du Québec (Thivierge et coll., 2016), comparativement à la moyenne canadienne. Bien que les maladies gastro-intestinales aiguës soient généralement bénignes et se résolvent facilement, elles demeurent l’un des principaux facteurs de mortalité chez les jeunes enfants de l’Arctique (Yansouni et coll., 2016). Certaines preuves semblent de plus démontrer que l’exposition de plus en plus fréquente à des animaux marins et terrestres infectés contribue à une prévalence de plus en plus forte de toxoplasmose chez les Inuits, avec des taux variant entre 60 % et 87 % dans certaines collectivités (Lavoie et coll., 2007; Messier et coll., 2009; Elmore et coll., 2012; Jenkins et coll., 2013; Goyette et coll., 2014). La toxoplasmose se manifeste le plus sévèrement chez les personnes immunodéprimées et chez les femmes infectées pour la première fois pendant la grossesse, entraînant des fausses couches, des mortinaissances et des malformations fœtales (Jenkins et coll., 2015). En plus des impacts sur la santé physique, l’augmentation possible des parasites et des agents pathogènes transmis par l’environnement peut avoir une grande incidence sur la durabilité, la disponibilité et le caractère adéquat des espèces animales qui revêtent une importance nutritionnelle, matérielle, culturelle et économique pour les Autochtones (gouvernement du Nunavut, 2010; Dudley et coll., 2015; Sheedy, 2018) et avoir ainsi des répercussions sur la santé mentale et spirituelle.

La plus grande abondance de moustiques, de tiques et d’autres insectes piqueurs se constate aussi partout au Canada, y compris dans les régions nordiques, et peut engendrer la transmission de nouvelles maladies à transmission vectorielle, comme la maladie de Lyme et le virus du Nil occidental (Nickels et coll., 2002; Cuerrier et coll., 2015; Chen, 2016; Wudel et Shadabi, 2016; Nelder et coll., 2018; Awuor et coll., 2019; Bouchard et coll., 2019). Le virus du Nil occidental et la maladie de Lyme se sont déjà répandus dans toutes les provinces et sont reconnus comme des risques possibles pour la santé par certaines Premières Nations (Centre des Premières Nations, 2004; ASPC, 2018b). Bien qu’il soit nécessaire d’assurer une surveillance et un suivi plus serrés des maladies à transmission vectorielle au Canada (Awuor et coll., 2019), il semble que les collectivités de l’Arctique ne soient pas encore exposées à un risque soutenu de transmission de ces maladies (Chen, 2016).

2.4.7

Systèmes de santé

Les Premières Nations, les Inuits et les Métis font face à des défis uniques en matière d’accès aux soins de santé, y compris les services de santé mentale. Les ressources humaines en santé inadéquates, le haut taux de roulement du personnel, la faible densité démographique, l’éloignement géographique, les conflits de compétence relatifs à la prestation des soins de santé, l’absence d’infrastructures de santé et de transport, la diminution du pouvoir politique, l’accroissement des frais de voyage et le manque d’information sur la santé des Autochtones, qui permettrait d’adopter des pratiques fondées sur des données probantes, posent tous de grands défis (Ford et coll., 2010b; CCNSA, 2019). Dans les collectivités autochtones rurales et éloignées, les personnes et les familles doivent souvent quitter la collectivité pour des urgences médicales, une hospitalisation ou des rendez-vous avec des spécialistes médicaux, et pour avoir accès à des services de counseling en santé mentale et de réadaptation en matière de toxicomanie (Rondeau, 2012; Harper et coll., 2015c; CCNSA, 2019).

Les événements climatiques peuvent perturber ou endommager les infrastructures de communication, d’hospitalisation et de transport, et restreindre ainsi les déplacements pour les services de santé qui ne sont disponibles qu’à l’extérieur de la collectivité. Ils peuvent aussi retarder l’approvisionnement en fournitures pharmaceutiques et médicales essentielles, compromettre la sécurité des patients, rendre impossible pour les collectivités isolées l’accès à de l’aide en cas d’urgence et constituer un obstacle à la mise en œuvre de programmes culturels axés sur le territoire qui visent à promouvoir la santé et le bien-être (Health Care Without Harm, s.d.; Paterson et coll., 2014; Harper et coll., 2015c; Coalition canadienne pour un système de santé écologique, 2020) (voir le chapitre 10 : Adaptation et résilience des systèmes de santé). Étant donné que les changements climatiques devraient avoir des impacts considérables sur la santé humaine, en particulier dans les populations du Nord, les réseaux de santé existants pourraient être débordés au-delà de leur capacité et ne pas pouvoir s’attaquer aux problèmes de santé émergents comme des pandémies. Afin de résister aux risques climatiques et y réagir, il sera important de tirer parti des connaissances locales, autochtones et scientifiques pour élaborer des réponses aux changements climatiques, qui tiennent compte des besoins locaux précis et renforcent la capacité du secteur de la santé et des systèmes d’intervention d’urgence (Kipp et coll., 2019b).

De plus, pour que les systèmes et les services de santé autochtones puissent réagir efficacement aux événements météorologiques et climatiques extrêmes, ils doivent prendre en considération les déterminants de la santé à une plus grande échelle. Plus précisément, il faut (Ford et coll., 2010a) :

  • s’attaquer aux conditions matérielles et aux comportements associés à la pauvreté qui augmentent la susceptibilité des peuples autochtones aux changements climatiques et leur capacité d’adaptation;
  • améliorer la surveillance dans les régions éloignées afin de cerner plus rapidement les nouveaux risques pour la santé et les vulnérabilités;
  • élaborer des mécanismes d’évaluation complète de la santé et adaptés à la culture pour déterminer les impacts des changements climatiques;
  • s’attaquer aux problèmes liés à l’accès inéquitable à l’information, au diagnostic et au traitement en matière de santé dans les collectivités autochtones;
  • respecter les droits et les besoins des peuples autochtones lorsqu’il s’agit de réagir aux inégalités continues et persistantes qui exacerbent la vulnérabilité aux changements climatiques sur le plan de la santé;
  • résoudre les conflits de compétence qui limitent la capacité de cerner les risques liés aux changements climatiques et de s’y préparer et de s’attaquer aux inégalités.
2.5

Savoir autochtone

Le savoir autochtone, le savoir écologique traditionnel, le savoir traditionnel et le savoir inuit (Inuit Qaujimajatuqangit)20 sont tous des concepts dynamiques et vivants qui dénotent la compréhension, l’interdépendance et la relativité entre les peuples autochtones et les territoires où ils vivent, y compris toute la création et tous les organismes (animés et inanimés) que ces territoires abritent (McGregor, 2014). Selon le Conseil circumpolaire inuit (s.d., par. 4), le savoir autochtone peut être défini comme une façon systématique de penser à l’égard d’un phénomène, qui s’applique aux systèmes biologiques, physiques, culturels et spirituels. Il comprend des renseignements fondés sur des données probantes acquises au moyen d’expériences directes et à long terme et d’observations, de leçons et de compétences approfondies et multigénérationnelles. Il s’est bâti au fil des millénaires et continue de le faire aujourd’hui dans le cadre d’un processus vivant en incluant les connaissances contemporaines et futures, comme transmises de génération en génération. Le savoir écologique traditionnel désigne les connaissances, les pratiques et les croyances, qui évoluent selon des processus d’adaptation et se transmettent d’une génération à l’autre par transmission culturelle, relativement au lien des êtres vivants, y compris les humains, entre eux et avec leur milieu (Berkes, 2012, page 7). L’Inuit Qaujimajatuqangit correspond à ce que les Inuits ont toujours su être vrai et est régi par quatre lois naturelles, qui sont : 1) travailler pour le bien commun; 2) respecter la vie sous toutes ses formes; 3) maintenir l’harmonie et l’équilibre; et 4) préparer l’avenir de manière continue (ministère de l’Éducation du Nunavut, 2007; Tagalik, 2010, page 1). Selon les concepts entourant le savoir traditionnel des Métis en matière d’environnement, comprendre le monde naturel, acquérir des compétences et adopter des comportements adaptables et applicables à d’autres aspects de la vie des Métis contribuent à la santé et au développement spirituel, physique, intellectuel et émotionnel des individus et des collectivités (Vizina, 2010, page 13).

Le savoir autochtone est enchâssé dans les langues autochtones et est transmis aux jeunes générations par le biais des connaissances communautaires (Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones, 2005; Battiste, 2010; Tagalik, 2010; Wilder et coll., 2016). Il inclut des observations sur la terre, les plantes, les insectes, les forêts, les voies navigables, la mer, la glace de mer, le sol, les conditions météorologiques et les habitudes migratoires des animaux (Tagalik, 2010; McGregor, 2014; Sandoval et coll., 2016; Windchief et Ryan, 2018). Les connaissances cosmologiques, médicinales, pharmacologiques, agricoles et botaniques, par exemple, sont transmises par l’observation directe et la participation à celles-ci, ainsi que par les récits, les prières, la danse, l’art, les protocoles, les enseignements et les cérémonies (Neeganagwedgin, 2013; Kulnieks et coll., 2016; Reo et coll., 2017). Le savoir autochtone sous-tend les pratiques éthiques, sociales, politiques, juridiques, morales et de gouvernance, et est essentiel à la survie et à la continuité de la collectivité, ainsi qu’à la gestion et à la durabilité des ressources (Alexander et coll., 2011; McGregor, 2012; Windchief et Ryan, 2018).

2.5.1

Savoir autochtone et changements climatiques

« Les peuples autochtones s’appuient sur le savoir autochtone et la science depuis des millénaires pour comprendre les changements climatiques et environnementaux auxquels ils font face et y réagir… Le rythme des changements climatiques causés par l’homme et notre capacité d’y réagir représentent ce qu’il y a de différent et de difficile de nos jours. Nous devons corriger le chemin que nous empruntons et revenir aux relations spéciales, aux enseignements, aux connaissances et aux pratiques qui assurent le respect, l’honneur et la relation avec le monde naturel. » [traduction] 21

Le savoir autochtone est essentiel à la survie et à la résilience des peuples autochtones depuis des temps immémoriaux. Bien que ce savoir soit de plus en plus reconnu comme l’égal de l’information scientifique pour comprendre les changements climatiques et s’y adapter, la participation significative des peuples autochtones et de leurs systèmes de connaissances à la recherche et aux politiques sur les changements climatiques demeure un défi. Par exemple, le contenu axé sur les Autochtones a été sous-représenté dans les rapports d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ainsi que dans les discussions stratégiques entourant la CCNUCC (Ford, 2012; Ford et coll., 2016b; Belfer et coll., 2019). Cette déconnexion s’explique, en partie, par la façon dont les peuples autochtones et les systèmes du savoir autochtone ont été présentés dans le discours occidental sur les changements climatiques; comme des victimes impuissantes avec des connaissances statiques qui sont de plus en plus minées ou rendues non pertinentes par le rythme rapide des changements climatiques (Ford et coll., 2016b). Les critiques du GIEC et de la CCNUCC laissent entendre que cela contribue à l’homogénéisation des connaissances, des cultures et des apprentissages, et inclut les peuples autochtones dans les groupes sociaux marginalisés ou vulnérables sans contextualiser leurs expériences vécues uniques ou leurs réalités culturelles et coloniales particulières (Ford et coll., 2016b). La participation accrue des universitaires, des détenteurs de connaissances et des organisations autochtones s’accroît lentement grâce à de nouvelles procédures, comme la création de la Plateforme des communautés locales et des peuples autochtones (PCLPA) à la Conférence des Parties (COP) 21 de la CCNUCC en 2015 et du Groupe de facilitation à la COP 24 de la CCNUCC en 2018. La PCLPA constitue le premier « espace officiel, permanent et distinct » créé pour les peuples autochtones et axé sur les connaissances, la capacité de mobilisation et les politiques et mesures relatives aux changements climatiques (Belfer et coll., 2019, page 27). Bien qu’elle soit reconnue comme une première étape importante, la PCLPA a le potentiel de « cloisonner » les préoccupations des peuples autochtones à cette plateforme exclusivement (Reed, 2019) et de miner probablement le statut et les droits des peuples autochtones « en regroupant et en fusionnant les peuples autochtones avec les collectivités locales » [traduction] (Conseil circumpolaire inuit, 2020, page 2).

L’utilisation du savoir autochtone dans la recherche sur les changements climatiques et la santé évolue. Le savoir autochtone a d’abord été utilisé conjointement avec les connaissances scientifiques pour documenter les observations des changements climatiques et environnementaux (Riedlinger et Berkes, 2001). Plus récemment, il a été utilisé dans des études communautaires menées par des Autochtones ou auxquelles des Autochtones ont participé afin de déterminer leur exposition et vulnérabilité aux impacts des changements climatiques, aux répercussions réelles et perçues sur leur santé et leur bien-être, et aux stratégies d’adaptation possibles (Cameron, 2012; Donatuto et coll., 2014; Cunsolo Willox et coll., 2015; Rosol et coll., 2016; Ford et coll., 2018; Sawatzky et coll., 2018; Kipp et coll., 2019a; Sawatzky et coll., 2020). Les systèmes du savoir autochtone et des connaissances scientifiques peuvent s’intensifier et se renforcer mutuellement puisqu’ils cernent différents types d’impacts causés par les changements climatiques (Royer et coll., 2013; Baldwin et coll., 2018; Makondo et Thomas, 2018). Le savoir autochtone peut contribuer à la compréhension des changements environnementaux parce qu’il porte principalement sur la dynamique de l’ensemble du système en fonction de multiples facteurs de stress et non d’un seul phénomène (Mantyka-Pringle et coll., 2017).

Le savoir autochtone peut aider à la prise de décisions relatives aux changements climatiques et à la santé à divers niveaux afin que puissent en profiter une gamme d’intervenants, y compris des chercheurs, des décideurs et des membres de la collectivité (Finn et coll., 2017; Mantyka-Pringle et coll., 2017). Il a servi à établir de multiples indicateurs et données de référence sur les écosystèmes, qui sont utiles pour déterminer les secteurs prioritaires aux fins de la surveillance, la protection et l’assainissement de l’environnement (Uprety et coll., 2012; Sanderson et coll., 2015; York et coll., 2016; Baldwin et coll., 2018; Gérin-Lajoie et coll., 2018). Il a également contribué à élaborer des modèles prédictifs pour déterminer les vulnérabilités aux changements climatiques et les options d’adaptation, comme les impacts possibles sur les moyens de subsistance traditionnels et les effets subséquents sur la santé (Turner et Spalding, 2013; Research Northwest et Herschfield, 2017; Flynn et coll., 2018). Le savoir autochtone a été jumelé (et pourrait être jumelé davantage) aux connaissances scientifiques pour améliorer les évaluations des risques, permettre aux gens de prendre des décisions éclairées quant aux risques et aléas liés à la température aux fins de la récolte traditionnelle et des activités d’utilisation des terres (Riedlinger et Berkes, 2001; Pennesi et coll., 2012; Deemer et coll., 2018) et contribuer à la planification et à l’emplacement de futures infrastructures (Turner et Spalding, 2013; Flynn et coll., 2019). Les valeurs fondamentales et les enseignements traditionnels liés au savoir autochtone, qui ont trait à la réciprocité, à l’interdépendance et à la spiritualité, peuvent enseigner la gérance de l’environnement et améliorer la gouvernance de la biodiversité et des écosystèmes pour la santé et le bien-être humains (Tengö et coll., 2014; Hansen et Antsanen, 2018). Ce volet du savoir autochtone est pertinent non seulement pour les collectivités autochtones, mais aussi pour les collectivités non autochtones, à l’échelle nationale et mondiale (Maldonado et coll., 2016; Hansen et Antsanen, 2018).

Par le passé, l’inclusion des systèmes de savoir autochtone dans les interventions d’adaptation a varié (Ford et coll., 2017) non seulement parce que les considérations associées aux changements climatiques revêtent souvent une importance secondaire dans la prise de décisions, mais aussi parce que tous les ordres de gouvernement ne savent pas encore vraiment ce que signifie d’inclure les systèmes de savoir autochtone dans leurs interventions et quelle est la meilleure manière de le faire (MacDonell, 2015; Ford et coll., 2017; Ford et coll., 2018). Il existe des exemples de l’intégration du savoir autochtone dans les activités de conception, de suivi et d’évaluation des interventions d’adaptation (Debels et coll., 2009; Champalle et coll., 2015; Ford et coll., 2018). Les principes clés de ces interventions sont l’adoption d’approches communautaires, participatives et collaboratives et l’intégration de la science et des systèmes de savoir autochtone, grâce à l’établissement de cadres de coproduction22 visant à régler les problèmes d’iniquité en matière de pouvoir. Plusieurs études de cas de coproduction du savoir laissent entendre que cette approche favorise la participation et l’acceptation communautaires, veille à ce que les besoins et les intérêts des Autochtones soient intégrés de façon significative, traduit le contexte local en matière de ressources disponibles et de capacité de mise en œuvre, et permet à l’enseignement d’optimiser la capacité adaptative (Armitage et coll., 2011; Reid et coll. 2014; Schuttenberg et Guth, 2015; Ford et coll., 2016a; Diver, 2017). Cependant, Latulippe et Klenk (2020) mettent en garde les chercheurs en coproduction du savoir et les invitent à « s’éloigner de la recherche visant à mieux « intégrer » le savoir autochtone à la science occidentale » et à faire place plutôt au leadership de la recherche autochtone et à la souveraineté du savoir autochtone.

Les peuples autochtones du Canada et du monde entier ont de plus en plus recentré la discussion sur les changements climatiques, la recherche et les politiques dans le cadre d’une approche fondée sur les droits et les distinctions. Depuis plus de deux décennies, les Inuits signalent comment les changements rapides du climat ont perturbé leurs pratiques et savoir associés à un mode de vie fondé sur la terre, la mer et la glace. Ils ont aussi parlé des impacts directs et indirects sur leur santé et leurs droits de la personne causés par les changements climatiques (Prior et Heinämäki, 2017; ITK, 2019b). Par exemple, en 2005, Sheila Watt-Cloutier, alors présidente du Conseil circumpolaire inuit, a présenté au nom des Inuits du Canada et des États-Unis à la Commission interaméricaine des droits de l’homme une « pétition inuite » qui demandait un redressement par suite des contraventions aux droits de la personne causées par les impacts des changements climatiques en raison des émissions de gaz à effet de serre produites par les États-Unis (Sabine Center for Climate Change Law, 2005). Bien que la pétition n’ait jamais été menée à terme, divers organismes des Nations Unies ont reconnu la menace que posent les changements climatiques pour la « jouissance de tous les droits de l’homme, y compris les droits à la santé, à l’eau, à l’alimentation, au logement, à l’autodétermination et à la vie elle-même » [traduction] (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 2018, page 1). Le besoin de justice climatique23 et la participation des populations touchées de façon disproportionnée à la recherche de solutions aux changements climatiques ont également été reconnus. Les changements climatiques sont « intrinsèquement discriminatoires » en ce sens que les peuples autochtones, comme d’autres populations, sont les plus vulnérables aux changements climatiques, mais y ont le moins contribué (Conseil des droits de l’homme des Nations Unies [CDHNU], 2016, page 19). À ce titre, les décisions concernant les interventions en matière d’adaptation aux changements climatiques « doivent être conformes aux obligations envers ces peuples, y compris, le cas échéant, l’obligation de faciliter leur participation au processus décisionnel et de ne pas aller de l’avant sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » [traduction] (CDHNU, 2016, page 20).

2.6

Droits des peuples autochtones et engagements nationaux et internationaux

« Nous avons le droit de continuer à vivre comme avant, de même que le droit de nous adapter pour un avenir meilleur. » [traduction]25

Les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont une relation constitutionnelle particulière avec la Couronne en tant que titulaires de droits en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, y compris le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale sur leurs terres, leurs ressources naturelles et leurs modes de vie (ministre de la Justice et procureur général du Canada, 2018). Conformément à l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard de la réconciliation et des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation (2015), 10 principes généraux ont été établis en 2018 pour appuyer « une relation renouvelée de nation à nation et de gouvernement à gouvernement et grâce à des relations entre les Inuit et la Couronne fondées sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat » (ministre de la Justice et procureur général du Canada, 2018, page 3). Les Principes régissant la relation du Gouvernement du Canada avec les peuples autochtones traitent d’engagements nationaux, comme des traités ou d’autres accords et négociations entre la Couronne et les peuples autochtones, et reconnaissent que des approches fondées sur les particularités s’imposent « pour s’assurer que les droits, les intérêts et la situation propres des Premières Nations, de la Nation Métisse et des Inuits sont reconnus, confirmés et mis en œuvre » (ministre de la Justice et procureur général du Canada, 2018, page 17).

Les principes tiennent également compte des engagements internationaux, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones que le Canada a adoptée sans réserve en 2016. Cette Déclaration reconnaît la nécessité urgente « de respecter et de promouvoir les droits intrinsèques des peuples autochtones, qui découlent de leurs structures politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie, en particulier leurs droits à leurs terres, territoires et ressources » (Nations Unies, 2007, pages 3 et 4). La Déclaration précise également « que le respect des savoirs, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à une mise en valeur durable et équitable de l’environnement et à sa bonne gestion » et que les peuples autochtones ont « droit à la préservation et à la protection de leur environnement et de la capacité de production de leurs terres ou territoires et ressources » (Nations Unies, 2007, pages 4 et 21). De même, les Objectifs de développement durable des Nations Unies énoncent un programme de 15 ans visant à éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes et à relever le défi mondial du développement durable, y compris l’objectif 13 qui consiste à prendre des mesures urgentes pour lutter contre les changements climatiques et leurs impacts en renforçant la résilience et la capacité d’adaptation. Le respect et la promotion de ces droits aident le Canada à respecter ses engagements nationaux et internationaux sont au cœur des efforts visant à lutter contre les changements climatiques futurs.

 

2.6.1

Rôles et responsabilités en matière de santé des peuples autochtones et des changements climatiques

L’adoption de mesures d’adaptation rigoureuses exige la collaboration de tous les ordres de gouvernement et d’une gamme de secteurs (voir le chapitre 10 : Adaptation et résilience des systèmes de santé). Au niveau fédéral, le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques (CPC) (ECCC, 2018) et le rapport Un environnement sain et une économie saine : Le plan climatique renforcé du Canada pour créer des emplois et soutenir la population, les communautés et la planète (ECCC, 2020b) énoncent l’engagement du Canada à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les cibles de 2030, renforcer la capacité de s’adapter aux impacts des changements climatiques, y compris les risques pour la santé humaine, et soutenir la technologie propre de concert avec les provinces et les territoires. Le CPC confirme l’engagement du Canada à l’égard d’une relation renouvelée avec les peuples autochtones, y compris des mesures d’atténuation et d’adaptation fondées sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat, ainsi que sur l’importance du savoir autochtone pour comprendre les impacts des changements climatiques et les mesures d’adaptation (ECCC, 2018). Dans le cadre de ce processus, l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis travaillent en collaboration avec le gouvernement dans le cadre de tables bilatérales tenant compte des distinctions, qui regroupent des hauts responsables, afin d’assurer une approche structurée et collaborative pour la participation continue à la mise en œuvre du CPC (ECCC, 2019). Les objectifs proposés de ces tables bilatérales distinctes sont les suivants (Trudeau, 2016) :

  • élaborer conjointement des approches concrètes et significatives pour positionner les peuples autochtones comme les leaders en matière de changement climatique, qui auront des échéanciers et des objectifs clairs, qui feront rapport en appui au Cadre et d’autres activités en lien avec le changement climatique;
  • veiller à ce que la participation des peuples autochtones soit inclusive, significative et soutenue par des ressources suffisantes, en insistant sur la collaboration au niveau de la planification et de la participation aux décisions;
  • faire état et suivre la progression de la mise en œuvre des lois, règlements, politiques et programmes pertinents, par exemple ce qui portera sur l’implantation de solutions énergétiques propres pour les peuples autochtones;
  • communiquer de l’information, identifier et surveiller conjointement les leviers, indicateurs et résultats, de manière à contribuer à la mise en œuvre du Cadre;
  • offrir des points de vue, perspectives et propositions à l’échelle locale et régionale sur la mise en œuvre du Cadre aux structures intergouvernementales fédérales, provinciales et territoriales.

Ces tables examinent également les priorités et les mesures plus générales adoptées par les Premières Nations, les Inuits et les Métis en matière de croissance propre et de changements climatiques, notamment celles liées à la santé et au bien-être de chacun. En 2019, l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) a élaboré la Stratégie nationale inuite sur les changements climatiques qui énonce des objectifs, des mesures et des résultats à long terme pour les cinq secteurs prioritaires suivants :

  • les connaissances et le renforcement des capacités;
  • la santé, le bien-être et l’environnement;
  • les systèmes alimentaires;
  • les infrastructures;
  • l’énergie.

Une approche fondée sur les droits pour l’élaboration de toute politique et mesure climatique touchant l’Inuit Nunangat est au cœur de cette stratégie, étant entendu que les changements climatiques ne sont que l’une des nombreuses inégalités socioéconomiques et iniquités en santé qui menacent leurs populations et leurs collectivités (Huntington et coll., 2019).

En plus des travaux au niveau national de l’Assemblée des Premières Nations, de l’Inuit Tapiriit Kanatami et du Ralliement national des Métis, des organisations militantes autochtones populaires, comme Indigenous Climate Action, jouent un rôle important à l’égard des changements climatiques au Canada en défendant l’intégration des droits et du savoir autochtones dans les discussions et les solutions en la matière. Grâce à une série d’activités de mobilisation communautaires, l’organisation élabore des ressources et des programmes fondés sur les droits et les connaissances des Autochtones pour aider les collectivités autochtones à prendre des mesures de lutte contre les changements climatiques.

Plusieurs politiques, programmes et services fédéraux sont déjà en vigueur pour appuyer la santé des peuples autochtones, ainsi que l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques. Au niveau fédéral, il incombe au ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord Canada (RCAANC)26 de mettre en œuvre le programme Se préparer aux changements climatiques dans le Nord27 et le Programme d’adaptation aux changements climatiques des Premières Nations28 qui incluent la participation des collectivités autochtones, des gouvernements territoriaux et régionaux et d’autres intervenants pertinents afin de déceler les vulnérabilités et les priorités en matière d’adaptation aux changements climatiques (AINC, 2018a; AINC, 2018b). Le RCAANC finance également le Indigenous Climate Hub (carrefour climatique autochtone)29, qui comprend des récits, des ressources et des outils produits par des peuples autochtones de partout au Canada afin d’échanger de l’information sur la façon dont ils peuvent surveiller les changements climatiques et s’y adapter. Les programmes du RCAANC comprennent notamment le Programme de surveillance du climat dans les collectivités autochtones qui favorise l’utilisation du savoir autochtone et des connaissances scientifiques dans le cadre d’approches collaboratives relatives à des systèmes de gestion des données et de partage de l’information, ainsi que l’Approche responsable pour le développement énergétique des communautés du Nord qui vise à réduire la consommation de diesel pour l’alimentation en électricité et le chauffage dans les collectivités du Nord. Le Ministère gère également plusieurs initiatives qui portent sur les déterminants de la santé et peuvent renforcer la résilience des Premières Nations, des Inuits et des Métis aux effets des changements climatiques, notamment le programme Nutrition Nord Canada qui subventionne le coût d’aliments sains pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans le Nord, le programme Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs visant à aider à réduire les coûts associés aux activités traditionnelles de chasse et de récolte, et un groupe de travail sur la sécurité alimentaire qui axe ses travaux sur les systèmes alimentaires durables. Il a aussi élaboré le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord en collaboration avec les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis, les organisations autochtones nationales et les gouvernements provinciaux et territoriaux. Le Cadre vise à réorganiser et à redéfinir les priorités des activités fédérales dans l’Arctique, qui sont liées à l’infrastructure, aux économies durables et diversifiées, à la protection et à la conservation de l’environnement, au renforcement des peuples et des collectivités, aux sciences de l’Arctique et au savoir autochtone, et à la souveraineté et au leadership dans l’Arctique (gouvernement du Canada, 2018).

D’autres intervenants ont un rôle à jouer dans le soutien de la santé des peuples autochtones en ce qui a trait à l’atténuation des changements climatiques et à l’adaptation à ceux-ci. Les gouvernements provinciaux, par exemple, collaborent avec le gouvernement fédéral pour adapter leurs propres cibles et prendre leurs propres mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans divers secteurs économiques. Ils peuvent également prendre des mesures afin d’améliorer les résultats associés à la santé, élaborer des stratégies exhaustives de lutte contre les changements climatiques, mener des initiatives d’atténuation contre les catastrophes climatiques et de planification des infrastructures, et mettre au point de nouvelles technologies et des stratégies d’émissions nulles. Tous les secteurs de l’économie, y compris celui des ressources naturelles, ont la responsabilité de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à l’adoption de pratiques plus écologiques. Dans les collectivités autochtones éloignées du Nord, l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre aura une incidence limitée sur le ralentissement des changements climatiques en raison de l’absence d’une base industrielle importante et de niveaux de consommation restreints; ainsi, il faut donc accorder la priorité à l’adaptation dans ces régions (Ford et coll., 2010b). Dans le cadre de ce processus, les intervenants et les collectivités autochtones jouent un rôle important dans la surveillance des effets des changements climatiques, car ils sont souvent les premiers à les observer et à en faire l’expérience. Ils doivent également travailler en collaboration avec les décideurs pour évaluer la vulnérabilité et élaborer des interventions efficaces pour réduire les risques et s’adapter aux changements climatiques (Ford et coll., 2010b).

2.7

Lacunes sur le plan des connaissances

Il existe d’importantes lacunes sur le plan des connaissances relatives aux changements climatiques et à la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada. La recherche accorde une attention inégale aux populations et aux régions, car la majorité des travaux sont axés sur les populations inuites et l’Arctique canadien qui constitue un « point chaud mondial » sur le plan des changements climatiques (ITK, 2019b; Ford et coll., 2014). Il existe relativement peu de recherches sur les collectivités des Premières Nations à l’extérieur du Nord, en particulier celles dans les Prairies et les provinces de l’Atlantique. Les Métis du Canada sont considérablement sous-représentés dans la recherche sur les changements climatiques. Il existe également peu de recherches sur les changements climatiques dans le contexte des populations urbaines des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ce qui est problématique étant donné que plus de 50 % des Autochtones du Canada vivent dans des centres urbains. De même, peu d’études examinent les liens entre les changements climatiques et le genre, en particulier les expériences des personnes de diverses identités de genre. Les points de vue des Aînés autochtones et des utilisateurs des ressources naturelles sont surreprésentés dans la littérature, alors que moins d’études portent sur les enfants et les jeunes. Ces lacunes sont attribuables, en partie, au caractère inadéquat des données et des recherches sur la santé au Canada, notamment le manque de données désagrégées et longitudinales concernant les Premières Nations, les Inuit et les Métis, l’absence d’identificateurs autochtones pertinents, uniformes et inclusifs dans les sources de données sur la santé de la population et le manque d’indicateurs de santé et de mieux-être fondés sur des données rigoureuses et axés sur la collectivité (Smylie, 2010; Smylie et Firestone, 2015). Comme l’indique l’encadré 2.1, la recherche en santé autochtone continue également d’être dominée par des chercheurs non autochtones et des paradigmes de connaissances scientifiques (Saini, 2012; Brown, 2018; Hyett et coll., 2018; Anderson, 2019).

Quant aux risques pour la santé des Autochtones que posent les changements climatiques, il faut plus de recherche pour comprendre l’incidence holistique et à long terme des changements de température et de régimes de précipitations sur la salubrité et la sécurité alimentaire et hydrique, la qualité de l’air, l’infrastructure sanitaire, la sécurité personnelle, la santé mentale, les modes de subsistance et l’identité au sein et entre les Premières Nations, les Inuits, les Métis et leurs collectivités. Ces risques climatiques pour la santé doivent également être examinés dans le contexte des inégalités et des iniquités en santé qui existent pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis, ainsi que des déterminants de la santé connexes. Par exemple, d’autres recherches sont nécessaires pour comprendre l’incidence qu’aura l’augmentation des polluants atmosphériques et des aéroallergènes sur les Premières Nations, les Inuits et les Métis déjà aux prises avec un fardeau disproportionné de maladies chroniques et infectieuses et de mauvaises conditions de logement (p. ex., les maisons à réparer, le surpeuplement et la mauvaise ventilation). De même, on en sait peu sur la façon dont les maladies infectieuses, comme la COVID-19, influeront sur les systèmes alimentaires autochtones qui sont déjà compromis par les événements climatiques extrêmes (p. ex., les sécheresses, les températures records et les feux de forêt) et minés par le colonialisme historique et continu (p. ex., la dépossession des terres et l’exclusion sociale) (Zavalete-Cortijo et coll., 2020). Bien que les peuples autochtones soient souvent décrits dans la recherche sur les changements climatiques (Vinyeta et coll., 2015) comme étant à la fois vulnérables et résilients, il y a peu d’études qui examinent la résilience et les facteurs de protection à l’égard des changements climatiques.

La recherche sur les impacts directs des changements climatiques sur la récolte traditionnelle domine aussi la documentation, même si peu de documents s’attardent aux effets indirects des nouvelles occasions possibles de développement économique créées par les changements climatiques et comment ils atténuent les impacts négatifs des changements climatiques sur l’économie, la santé et la culture des peuples autochtones (Ford et Pearce, 2012). Les études sur les déterminants de la capacité d’adaptation sont également peu nombreuses, y compris l’accès aux ressources financières, les réseaux sociaux, la souplesse des régimes de gestion des ressources, le rôle et le potentiel de l’apprentissage social dans le domaine de l’adaptation, et le rôle des politiques et des programmes gouvernementaux dans la capacité d’adaptation (Ford et Pearce, 2012). De même, il y a un manque de recherches sur l’efficacité des initiatives d’adaptation communautaires et sur la façon dont les connaissances autochtones ont été utilisées dans les initiatives d’adaptation.

2.8

Conclusion

« Le changement climatique est mauvais… nous le ressentons dans le Nord beaucoup plus que les gens du Sud… J’ai constaté qu’au cours de mes 16 ans d’existence la neige n’est plus aussi haute qu’elle peut l’être parce qu’autour de ma maison nous avons toujours eu cet énorme banc de neige, plus haut et presque aussi large que la maison. Mais de nos jours, le banc de neige m’arrive à peine aux hanches. C’est ce que j’ai remarqué quand j’étais enfant, que mon banc de neige favori n’est plus là. Si j’ai pu le remarquer à un si jeune âge, je ne peux pas imaginer comment les Aînés se sentent, car ils connaissent beaucoup plus la terre sur laquelle je vis. Je suis inquiet parce que j’ai constaté ce changement. Remarquez que c’est la première étape, la prochaine consiste à résoudre le problème. » [traduction] 30

Les changements climatiques représentent l’une des plus grandes menaces pour la santé mondiale du XXIe siècle (OMS, 2018). Dans le cas des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada, cette menace est exacerbée par leurs liens étroits avec la terre, les cours et plans d’eau, la faune, la flore et les ressources naturelles et par leur dépendance à cet égard pour leur subsistance, leur mode de vie, leur culture, leur identité, leur santé et leur bien-être (Ford, 2012; OIT, 2017; Jones, 2019). Bien que les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada et les peuples autochtones du monde entier contribuent très peu aux émissions de gaz à effet de serre, ils sont touchés de façon disproportionnée par les changements climatiques en raison des inégalités, des iniquités et des déterminants de la santé omniprésents, y compris l’oppression coloniale historique et continue (Ford, 2012; OIT, 2017). Les impacts directs et indirects des changements climatiques se font déjà sentir dans les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis de l’Atlantique au Pacifique à l’Arctique, particulièrement dans les régions géographiques qui subissent des changements rapides (Ford, 2012; SAC, 2019a). Ces impacts sont interreliés et de grande portée, qu’il s’agisse de l’intensification de l’insécurité alimentaire et hydrique et des dommages causés aux infrastructures, ou des menaces à la sécurité personnelle et aux droits fondamentaux de la personne, qui sont tous vécus différemment au sein et entre les Premières Nations, les Inuits, les Métis et leurs collectivités. Pour faire face à la menace croissante des changements climatiques, les peuples autochtones s’appuient sur leurs systèmes et pratiques de connaissances uniques et diversifiés, transmis d’une génération à l’autre, qui leur ont permis de réagir aux changements climatiques, de s’y adapter et d’y survivre pendant des millénaires. Les systèmes du savoir autochtone sont égaux aux connaissances scientifiques et sont de plus en plus reconnus comme étant importants pour l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation, la recherche et les politiques au Canada et à l’échelle internationale.

D’importantes lacunes au chapitre des connaissances nuisent à une adaptation efficace et reflètent le manque de recherche participative communautaire fondée sur les distinctions et dirigée par les Autochtones à l’égard des changements climatiques et de la santé au Canada. Les efforts continus et des recherches soutenues pour combler ces lacunes feront en sorte que les points de vue, les expériences, les connaissances et les voix des Premières Nations, des Inuits et des Métis seront dorénavant au cœur des discussions, des négociations et des mesures relatives aux changements climatiques à tous les niveaux.

Footnotes

  1. Extrait de Rise (Jetñil-Kijiner et Niviâna, s.d.).
  2. Le terme « autochtone » est utilisé dans le présent chapitre pour désigner collectivement les premiers habitants du Canada et leurs descendants, y compris les Premières Nations, les Inuits et les Métis selon la définition de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans la mesure du possible, des distinctions claires sont faites entre ces trois groupes distincts et reconnus par la Constitution. Les peuples autochtones à l’extérieur du Canada sont également mentionnés dans certains cas – en particulier en ce qui concerne les politiques, les processus et les droits internationaux en matière de climat – et sont désignés comme tels.
  3. En septembre 2019, le conseil d’administration de l’Inuit Tapiriit Kanatami a approuvé une orthographe unifiée pour l’inuktut appelée Inuktut Qaliujaaqpait. Ce système d’écriture normalisé a été élaboré par les Inuits pour les Inuits afin de renforcer l’utilisation de l’inuktut par les générations futures dans l’Inuit Nunangat (ITK, 2019a).
  4. L’Alberta compte huit régions désignées, soit Paddle Prairie (ou Keg River), Buffalo Lake (Caslan), East Prairie, Elizabeth, Fishing Lake (Packechawanis), Gift Lake (Ma-cha-cho-wi-se), Kikino (Goodfish Lake), Big Prairie (maintenant Peavine). Ces régions désignées sont les seuls territoires métis reconnus au Canada (Société géographique royale du Canada, 2018).
  5. Natan Obed, cité dans ITK (2016, page 28).
  6. Les peuples autochtones ont continué de vivre des traumatismes, des pertes et des chagrins en raison de l’expansion rapide du système de protection de l’enfance dans les années 1960. Au cours de cette période, communément appelée « rafle des années soixante » (Sinclair, 2007), un nombre disproportionné d’enfants autochtones ont été placés en famille d’accueil. À la fin des années 1960, de 30 % à 40 % des enfants qui étaient pupilles de l’État étaient des enfants autochtones, ce qui contraste vivement avec le taux de 1 % observé en 1959 (Fournier et Crey, 1997, cité dans Kirmayer et coll., 2000, page 609).
  7. Les hôpitaux pour Indiens étaient des établissements de ségrégation raciale qui servaient à l’origine de sanatoriums pour les tuberculeux, mais qui ont été transformés par la suite en hôpitaux généraux supervisés par le Service de santé des Indiens. Ils étaient mal financés, surpeuplés, et manquaient de personnel; de nombreux Autochtones y ont été victimes de violence, de coercition et d’expérimentation médicale (Lux, 2016; McCallum et Perry, 2018).
  8. Aîné Batchewana cité dans Tobias et Richmond (2014, page 29).
  9. Palluq (2007) cité dans Dowsley et coll. (2010, page 156).
  10. Les aliments traditionnels comprennent « ceux récoltés sur terre et en mer, comprenant principalement du gibier sauvage, des mammifères marins, du poisson et des baies » et peuvent varier d’une région à l’autre (McGrath-Hanna et coll., 2003).
  11. Le documentaire Happening to Us est disponible sur demande auprès de Tuk TV.
  12. En vertu des ententes actuelles, le gouvernement fédéral verse un financement qui, pour la plupart des programmes et des services de santé mentale, s’applique à des services communautaires accessibles aux membres inscrits des Premières Nations vivant dans les réserves et aux Inuits qui résident dans les collectivités inuites. Dans les petites collectivités éloignées, l’accès aux services de santé mentale peut être très restreint ou inexistant (Boksa et coll., 2015). De plus, les membres non inscrits des Premières Nations et les Métis n’ont pas droit à l’heure actuelle aux mêmes services et avantages.
  13. Les membres des Premières Nations vivant hors réserve et les Métis présentent des taux d’asthme 1,6 fois plus élevé que les non-Autochtones nés au Canada (ASPC, 2018a).
  14. Les populations autochtones ont un taux de prévalence de 6,5 % pour la maladie pulmonaire obstructive chronique, comparativement à 4 % pour les populations non autochtones au Canada (Bird et coll., 2017).
  15. Roxane Landry, dénée de Fort Providence, citée dans Summer of Smoke https://vimeo.com/373958783
  16. Les auteurs ne fournissent aucune donnée sur la proportion de Métis qui ont récolté des plantes sauvages ou des baies, sauf pour dire que cette proportion est demeurée relativement inchangée par rapport à l’Enquête auprès des peuples autochtones précédente.
  17. Jan Longboat, cité dans Anderson (2010, page 7).
  18. Ces statistiques excluent la Colombie-Britannique et le Conseil tribal de Saskatoon.
  19. Cité dans Sudlovenick (2019, page 50).
  20. Inuit Qaujimajatuqangit est le terme préféré pour désigner le savoir inuit au Nunavut.
  21. Suzanne Benally, citée dans Frank (2017, par. 4).
  22. La coproduction du savoir constitue une pratique de recherche qui tente de coproduire, avec des décideurs et des intervenants locaux, des connaissances utiles et utilisables (Latulippe et Klenk, 2020).
  23. La Fondation Mary Robinson pour la justice climatique (2020) définit la justice climatique comme une approche pour lutter contre les changements climatiques axée sur la personne, qui protège les droits des personnes les plus vulnérables et partage les fardeaux et les avantages des changements climatiques et de leurs impacts de façon juste et équitable (par. 1).
  24. Norway Rabliauskas, conseillère, Première Nation de Poplar, Manitoba, citée dans Indigenous guardians – caring for the land (vidéo sur YouTube) (s.d.) https://www.indigenousguardianstoolkit.ca/node/40/resources
  25. Sam Hunter, Première Nation de Weenusk (Ontario), cité dans Human Rights Watch (2020).
  26. En 2017, le ministère fédéral des Affaires autochtones et du Nord a été dissous et deux ministères distincts ont été créés pour s’occuper des questions autochtones : Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada.
  27. Pour les collectivités autochtones au nord du 60e degré de latitude nord.
  28. Pour les collectivités des Premières Nations au sud du 60e degré de latitude nord.
  29. Voir https://indigenousclimatehub.ca/
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