FAQ 2.1: Les humains sont-ils responsables de l’élévation observée du dioxyde de carbone atmosphérique?
De multiples sources de données indépendantes montrent avec un degré de confiance élevé que les activités humaines sont responsables de la hausse observée dans le dioxyde de carbone (CO2) depuis 1750 et que cette hausse est incohérente avec les sources naturelles.
Le cycle du carbone comprend le mouvement du carbone entre les différents réservoirs sur Terre – l’atmosphère, les océans, la biosphère terrestre et la croûte terrestre de la Terre, y compris les réserves de combustibles fossiles. Bien que le carbone se déplace de façon naturelle à l’intérieur de ces réservoirs, la quantité totale de carbone sur Terre reste essentiellement constante. Au cours des 10 000 ans qui précèdent l’ère industrielle, ce cycle naturel du carbone était plus ou moins en équilibre, et des concentrations atmosphériques de CO2 restaient presque stables. Depuis le commencement de l’ère industrielle, le CO2 dans l’atmosphère a rapidement augmenté. Pendant la période de 1750 à 2011, la hausse atmosphérique était de 240 Pg8 (plage d’incertitude de 90 % allant de 230 Pg à 250 Pg) de carbone (C), comme montré dans les échantillons d’air des carottes de glace et par la mesure directe des concentrations de CO2 atmosphérique depuis 1958. De quelle façon savons-nous que cette hausse mesurée est causée par les activités humaines plutôt que par les changements dans le cycle naturel de carbone?
À partir de nos enregistrements, nous savons que les humains ont émis 375 Pg C (plage d’incertitude de 90 % allant de 345 Pg C à 405 Pg C) dans l’atmosphère qui proviennent de la combustion des combustibles fossiles et de la fabrication de ciment et nous pouvons estimer que les changements d’affectation des terres par les humains (y compris la déforestation et la reforestation) ont contribué à 180 Pg C supplémentaires (plage d’incertitude de 90 % allant de 100 Pg C à 260 Pg C) à l’atmosphère sur la période de 1750 à 2011. Ensemble, ces émissions humaines totalisent 555 Pg C (plage d’incertitude de 90 % allant de 470 Pg C à 640 Pg C). Puisque nous savons que l’augmentation dans le CO2 atmosphérique (240 Pg C) était moins que ce montant, il est logique que le système naturel ait dû être un puits net de carbone au cours de cette période. C’est ce qu’on appelle la « méthode de comptabilité », qui constitue une preuve solide que les émissions d’origine anthropique sont responsables de l’augmentation observée du CO2 atmosphérique, plutôt que celles provenant de sources naturelles. Il y a aussi des preuves directes que les réservoirs naturels individuels ont agi comme puits pour le carbone atmosphérique. Par exemple, le carbone mesuré dans les océans est estimé avoir augmenté de 155 Pg C (plage d’incertitude de 90 % allant de 125 Pg C à 185 Pg C), ce qui entraîne l’acidification des océans (voir le chapitre 7, section 7.6.1).
Des preuves géochimiques indépendantes confirment que l’augmentation de CO2 atmosphérique était principalement causée par la consommation de combustibles fossiles et qu’elle ne provient pas de sources naturelles (voir la figure 2.5). Des mesures directes à partir des années 1990 montrent une petite diminution dans les concentrations d’oxygène (O2) atmosphérique, ce qui est cohérent avec la combustion des combustibles fossiles (puisque l’O2 est consommé pendant la combustion), mais elle est incohérente avec une source naturelle non oxydante de CO2 comme les océans et les volcans. De plus, les plantes et les combustibles fossiles (provenant d’anciennes plantes) ont des ratios faibles d’isotope 13C et 12C stables que l’atmosphère ce qui signifie que ces sources sont relativement appauvries en isotope 13C. La combustion des combustibles fossiles et des plantes émet du carbone (principalement du CO2) vers l’atmosphère avec des niveaux en 13C appauvris. Cela réduit le ratio 13C/12C du CO2 atmosphérique. Les mesures confirment que c’est ce qui se produit. La hausse observée de CO2 atmosphérique, la diminution d’O2 et la diminution du 13C/12C sont plus grandes dans l’hémisphère nord, ce qui est cohérent avec les sources d’émissions majeures de combustibles fossiles. Ensemble, ces sources de données produisent un degré de confiance élevé à l’égard du fait que les augmentations observées dans le CO2 atmosphérique sont le résultat de l’activité humaine (Ciais et coll., 201310).
FAQ 3.1: Pourquoi le Canada se réchauffe-t-il plus rapidement que le monde dans l’ensemble?
La réaction du système climatique à l’augmentation des gaz à effet de serre varie d’une région à l’autre. Par conséquent, les taux de réchauffement ne sont pas les mêmes d’un endroit à l’autre de la Terre. Ces variations sont le résultat de processus climatiques et de rétroactions qui dépendent des conditions locales. À titre d’exemple, au Canada la perte de la neige et de la glace de mer réduit la réflectivité (ou l’albédo, voir la boîte 2.3 du chapitre 2) de la surface, ce qui augmente l’absorption du rayonnement solaire. Ce processus cause un plus grand réchauffement de la surface que dans les régions plus au sud. En raison de ce processus et d’autres mécanismes, le Canada se réchauffe plus rapidement que le monde dans l’ensemble — à plus de deux fois le taux planétaire — et l’Arctique canadien se réchauffe même plus rapidement — à environ trois fois le taux planétaire.
Le taux de réchauffement en surface du Canada est plus que double le taux planétaire (Figure 1). La différence est même plus dramatique pour l’Arctique canadien, où le taux de réchauffement est environ trois fois le taux planétaire. Le réchauffement accru pour l’ensemble du Canada et de l’Arctique canadien en particulier fait partie d’un phénomène climatique qu’on appelle « amplification de l’Arctique. »
FAQ 5.1: Où se trouvera la dernière zone de glace marine dans l’Arctique?
La dernière zone de glace marine de l’Arctique durant les mois d’été se situera le long des côtes nord du Groenland et de l’archipel arctique canadien (AAC), ainsi que dans des zones situées entre les îles du nord et l’AAC (figure 5.12), procurant un refuge important aux espèces qui dépendent de la glace marine. Pourvu que la glace marine soit présente dans cette région durant les mois d’été, elle continuera d’être transportée vers le sud jusqu’aux chenaux de navigation maritime de l’AAC, présentant un danger éventuel continu pour la navigation maritime dans cette région, même pendant que la majeure partie de l’Arctique sera exempt de glace marine.
Le déclin de l’étendue de la glace marine en été dans l’Arctique qui est associé aux températures plus chaudes observées constitue peut‑être la caractéristique la plus visible des changements climatiques depuis les 30 dernières années ou plus (Comiso, 2012; Fyfe et coll., 2013). La glace marine de l’Arctique est en outre plus mince parce que la glace pluriannuelle plus ancienne et plus épaisse a graduellement été remplacée par de la glace saisonnière plus jeune (Kwok et Cunningham, 2015). Une diminution continue de l’étendue et de l’épaisseur de la glace marine attribuable au réchauffement supplémentaire découlant des émissions de gaz à effet de serre est projetée par les plus récents modèles climatiques de pointe. Il s’en est suivi des questions concernant le moment où l’Arctique deviendra exempt de glace marine durant les mois d’été. Le consensus des modèles climatiques est qu’un Arctique exempt de glace en été pourrait devenir une réalité selon un scénario d’émissions élevées d’ici le milieu du siècle; toutefois, la variabilité régionale est considérable quant au moment des conditions exemptes de glace projetées durant les mois d’été (Laliberté et coll., 2016).
La « dernière étendue de glace » (DEG) désigne les régions de l’Arctique situées immédiatement au nord du Groenland et de l’AAC, de même que les zones situées entre les îles du nord de l’AAC (figure 5.12). Le concept de la DEG est né de simulations de modèles climatiques projetant la glace marine qui sera présente dans la DEG, même lorsque le reste de l’Arctique sera quasiment exempt de glace en septembre (Laliberté et coll., 2016). La glace marine persistera dans la DEG en raison de l’influence de la circulation atmosphérique à grande échelle (comme les vents dominants) sur le mouvement de la glace marine, alors que la haute pression atmosphérique de la mer de Beaufort provoque le mouvement dans le sens antihoraire (anticyclonique) de la glace marine dans le gyre de Beaufort. Par conséquent, la glace marine sur l’océan Arctique converge contre les côtes du nord du Groenland et de l’AAC, créant l’une des glaces marines les plus épaisses dans le monde, certains floes étant d’une épaisseur de plus de 5 m (Kwok and Cunningham, 2015). Cette glace épaisse est plus résistance à la fonte sous l’effet du réchauffement de l’Arctique. Ainsi, en supposant qu’aucun changement de taille ne survienne relativement aux modèles de circulation atmosphérique, la glace marine persistera dans la DEG en été, même pendant que le reste de l’Arctique sera exempt de glace.
FAQ 6.1: Y aura-t-il plus de sécheresses et d’inondations au Canada dans un climat plus chaud?
Lorsque les sécheresses et les inondations se produisent, il y a habituellement plusieurs facteurs contributifs. Cela rend la prévision des changements futurs dans ces événements très difficile. Certains facteurs contributifs seront touchés par le réchauffement climatique anthropique, et certains changeront en raison d’autres influences humaines (comme les changements dans le paysage). En outre, la variabilité naturelle du climat continuera de jouer un rôle. À mesure que la température augmentera, la menace de sécheresse augmentera dans de nombreuses régions du Canada. On s’attend à ce que les augmentations prévues des précipitations extrêmes dans un climat plus chaud augmentent la probabilité d’inondation produite par la pluie dans certaines régions. Les inondations liées à la fonte des neiges devraient se produire plus tôt dans l’année, mais il n’est pas clair de la manière dont le réchauffement projeté et les réductions de la couverture de neige se combineront pour influer sur leur fréquence et leur ampleur.
À mesure que les températures augmentent, la menace de sécheresse devrait augmenter dans de nombreuses régions du Canada. Cela comprend les prairies du Sud du Canada et l’intérieur de la Colombie-Britannique, ainsi que des régions qui dépendent de la fonte des neiges et/ou de l’eau de fonte glaciaire pour leur principale source d’approvisionnement en eau pendant la saison sèche. Cependant, il y a une incertitude considérable quant à la prévision des sécheresses futures. De même, alors que le réchauffement futur devrait influer sur les facteurs provoquant des inondations, comme les précipitations extrêmes et la quantité et le moment de la fonte des neiges et de la glace, il n’est pas simple de savoir comment ces changements interagiront pour influer sur la fréquence et l’ampleur des inondations à travers le Canada.
L’air plus chaud peut contenir plus d’humidité. Par conséquent, dans un monde plus chaud, on s’attend à ce que le cycle hydrologique devienne plus intense, avec plus de pluies concentrées dans des événements extrêmes et des périodes sèches plus longues entre ceux-ci (par exemple, Houghton, 2004#). La disponibilité de l’eau au Canada est naturellement variable, avec des sécheresses et des inondations périodiques. La question de savoir si les extrêmes secs et humides augmenteront à l’avenir au Canada à la suite de changements climatiques anthropiques est une question qui met l’adaptation climatique au défi.
Sécheresses
Dans un monde plus chaud, la plupart des modèles climatiques prévoient des périodes chaudes plus fréquentes et plus longues; dans l’ensemble, une augmentation globale de la sécheresse estivale dans les régions moyennes intérieures de l’Amérique du Nord; et une fonte des neiges plus précoce et moins abondante (p. ex. Trenberth, 2011#). Comme il est prévu que le climat canadien de chaque saison se réchauffe sous toute une gamme de scénarios d’émissions, le risque de sécheresse devrait augmenter dans de nombreuses régions du pays. En été, des températures plus élevées causent une évaporation accrue, y compris une plus grande perte d’humidité par les feuilles de plantes (transpiration). Cela conduit à un séchage plus rapide des sols si l’incidence des températures plus élevées n’est pas compensée par d’autres changements (comme la réduction de la vitesse du vent ou l’augmentation de l’humidité) (Sheffield et coll., 2012#). La fréquence et l’intensité des sécheresses estivales varieront selon que les précipitations estivales futures compenseront l’évaporation et la transpiration accrues. Les modèles climatiques actuels suggèrent que les prairies du Sud du Canada et l’intérieur de la Colombie-Britannique seront davantage exposés à la sécheresse à l’avenir, mais il y a une incertitude considérable dans les projections de sécheresse à venir. Les accumulations plus petites et la fonte précoce des neiges et de la glace associées au réchauffement pourraient accroître le risque de sécheresse dans les nombreux bassins alimentés par la fonte des neiges à travers le Canada qui dépendent de cette source d’eau, ainsi que dans les régions qui dépendent de l’eau de fonte glaciaire pour leur principale source d’approvisionnement en eau pendant la saison sèche (p. ex. Barnett et coll., 2005#). Par conséquent, à mesure que les températures augmentent, la menace de sécheresse va augmenter dans de nombreuses régions du Canada.
Inondations
Les inondations se produisent typiquement à un éventail d’échelles, de l’échelle locale à l’échelle des bassins hydrographiques. Plusieurs types d’inondations touchent les Canadiens, mais les plus préjudiciables sont celles qui sont liées aux rivières et aux zones urbaines (parfois associées aux inondations des rivières). Au Canada, les principales causes des inondations des rivières sont les précipitations intenses et/ou de longue durée, la fonte des neiges et de la glace (y compris les événements de pluie ou de neige), les embâcles des cours d’eau ou une combinaison de ces causes. Les changements dans le paysage, comme le déboisement (y compris celui causé par les incendies et les maladies des arbres) et le drainage des terres humides, exacerbent les inondations des rivières. Les inondations urbaines sont habituellement causées par des précipitations intenses de courte durée (p. ex. celles associées à des orages). L’urbanisation crée de vastes zones de surfaces imperméables (routes, terrains de stationnement, bâtiments) qui augmentent le ruissellement immédiat, et les fortes averses peuvent dépasser la capacité des égouts pluviaux (Melillo et coll., 2014#).
Alors que le réchauffement futur devrait influer sur les facteurs qui causent les inondations, il n’est pas simple de savoir comment ces changements interagiront pour influer sur la fréquence et l’ampleur des inondations futures au Canada. Les augmentations prévues des précipitations extrêmes (voir le chapitre 4) devraient augmenter la probabilité d’inondations urbaines générées par la pluie dans certaines régions. De plus, lorsque des précipitations extrêmes surviennent dans les zones touchées par la sécheresse, les sols plus secs et plus compacts sont moins aptes à absorber l’eau, augmentant ainsi la probabilité d’écoulement de surface et le potentiel de causer des inondations (p. ex. Houghton, 2004#). Les températures hivernales et printanières plus élevées qui sont prévues entraîneront des changements au moment de la fonte des neiges et de la glace et engendreront un potentiel plus élevé pour les événements de pluie sur neige. Le risque d’embâcles des cours d’eau peut aussi augmenter à la suite des dégels hivernaux. Toutefois, comme les températures plus chaudes seront associées à de plus petites accumulations, il n’est pas clair de l’incidence que le réchauffement aura sur la fréquence et l’ampleur des inondations futures liées à la fonte des neiges (par exemple Whitfield, 2012#). Néanmoins, les inondations liées à la fonte des neiges devraient se produire plus tôt dans l’année, en moyenne, en association avec des températures plus élevées. Certaines données probantes sur ce décalage ont déjà été observées dans certains cours d’eau canadiens au cours des dernières décennies (Burn et Whitfield, 2016#).
Questions pour la recherche future
Les changements climatiques peuvent aussi influer sur les conditions météorologiques et les tempêtes. Par exemple, les modèles climatiques prédisent des changements dans les phénomènes susceptibles de causer des précipitations extrêmes, comme les rivières atmosphériques (bandes étroites d’humidité concentrée dans l’atmosphère qui pénètrent dans l’Ouest du Canada depuis l’océan Pacifique; p. ex. Radic et coll., 2015), et l’intensification rapide des systèmes de tempête (parfois appelés “ bombes météorologiques », p. ex. Seiler et coll., 2018). Ces changements pourraient influer sur l’occurrence future et l’emplacement des inondations au Canada. De plus, il a été démontré que les modes naturels de variabilité climatique, y compris El Niño-Oscillation australe, l’oscillation décennale du Pacifique et l’oscillation nord-atlantique, influaient sur les sécheresses et les inondations au Canada (p. ex. Bonsal et Shabbar, 2008#). Les changements climatiques anthropiques peuvent entraîner des changements dans ces modes de variabilité climatique au XXIe siècle, influant ainsi sur les sécheresses et les inondations futures au Canada. Tous ces sujets sont des domaines de recherche actifs.