Tel qu’il a été discuté à la section 2.3, la modification des concentrations atmosphériques GES produit un forçage radiatif. La compréhension actuelle des effets du forçage radiatif de tous les agents de forçage climatique importants au cours de l’ère industrielle est résumée à la figure 2.8. La discussion qui suit met en évidence les principales caractéristiques de la figure 2.8, et commence par ces agents qui causent un effet de réchauffement, suivi par ces agents qui causent un effet de refroidissement, et se termine par un résumé sur les effets de forçage nets liés à l’activité humaine.
Les principaux agents de réchauffement, comme l’indiquent les barres se prolongeant vers la droite de la figure 2.8, sont le CO2, le CH4, le N2O, et l’ozone troposphérique, ainsi que quelques autres gaz qui contribuent à de petits effets de réchauffement à l’échelle mondiale. Ces autres gaz comprennent les halocarbures – produits chimiques industriels synthétiques composés de carbone et d’halogène, comme les chlorofluorocarbures. Ensemble, les GES ont été de loin l’agent de forçage positif dominant au cours de l’ère industrielle. Le CO2 à lui seul représente les deux tiers du forçage (1,82 W/m2 [plage d’incertitude de 90 % allant de 1,63 W/m2 à 2,01 W/m2]) de tous les GES bien mélangés (2,83 W/m2 [plage d’incertitude de 90 % allant de 2,54 W/m2 à 3,12 W/m2]). L’augmentation des concentrations de CH4 a été le deuxième plus important contributeur du forçage positif (0,48 W/m2 [plage d’incertitude de 90 % allant de 0,43 W/m2 à 0,53 W/m2]). Il y a un degré de confiance très elevé dans ces valeurs, parce que les propriétés radiatives des GES bien mélangés sont bien connues et parce que les concentrations historiques de GES bien mélangés sont également bien connues de carottes de glace et des mesures directes.
L’ozone n’est pas émis directement, mais est formé dans la couche inférieure de l’atmosphère (troposphère) à la suite de processus naturels et de l’émission de gaz polluant l’atmosphère, y compris de CH4. L’effet de réchauffement lié aux augmentations de l’ozone troposphérique est assez important et est connu avec un degré de confiance élevé. En outre, l’ozone se forme naturellement dans la haute atmosphère (stratosphère) à la suite de réactions chimiques mettant en cause les rayons ultraviolets et les molécules d’oxygène. Les niveaux d’ozone stratosphérique ont diminué à la suite des émissions anthropiques de substances appauvrissant la couche d’ozone comme les réfrigérants. L’effet de refroidissement a légèrement compensé l’effet de réchauffement lié à l’augmentation de l’ozone troposphérique (Myhre et coll., 2013).
Les effets de refroidissement (tel que l’indiquent les barres situées à gauche dans la figure 2.8) ont été poussés par les émissions anthropiques, qui ont augmenté les concentrations d’aérosols dans l’atmosphère, et par les changements humains à la surface terrestre qui ont augmenté l’albédo de la surface de la Terre. Les aérosols sont divisés en deux composantes : les effets directs, provenant principalement de l’absorption ou de la diffusion du rayonnement solaire qui arrive, et les effets indirects de l’interaction des aérosols sur les nuages. La plupart des aérosols (p. ex. les aérosols composés de sulfates et de nitrates) dispersent principalement (reflètent) le rayonnement. En revanche, le carbone noir, aérosol émis à la suite de la combustion incomplète de combustibles à base de carbone, absorbe le rayonnement. Le carbone noir est un agent de réchauffement fort, bien que le calcul de l’effet net des sources d’émission du carbone noir doive tenir compte des effets de réchauffement et de refroidissement des autres aérosols et gaz émis en même temps pendant la combustion (Bond et coll., 2013; voir le chapitre 3, encadré 3.3). L’effet direct des aérosols est donc composé d’un forçage négatif (refroidissement) provenant de la plupart des aérosols et d’un forçage positif (réchauffement) provenant du carbone noir, pour un forçage négatif net de 0,45 W/m2 (plage d’incertitude de 90 % allant d’un forçage négatif de 0,95 W/m2 à un forçage positif de 0,05 W/m2) (degré de confiance moyen). L’effet total des aérosols dans l’atmosphère, y compris les interactions entre les aérosols et les nuages, est un forçage fortement négatif, estimé avec un degré de confiance moyen, de 0,9 W/m2 (plage d’incertitude de 90 % de 1,9 W/m2 à 0,1 W/m2). Même s’il y a encore de grandes incertitudes associées à l’ampleur du forçage des aérosols, dans l’ensemble, on peut affirmer avec un degré de confiance élevé que l’effet de refroidissement des aérosols a compensé une partie importante de l’effet de réchauffement lié au forçage des GES.
L’on peut également affirmer avec un degré de confiance élevé que les modifications survenues dans l’utilisation des sols causés par les humains (comme le déboisement et la conversion des autres paysages naturels en terres aménagées) ont eu un effet de refroidissement en augmentant l’albédo de la Terre, avec un forçage négatif de 0,15 W/m2 (plage d’incertitude de 90 % allant de 0,25 W/m2 à 0,05 W/m2). Toutefois, cette situation a été partiellement compensée par des diminutions dans l’albédo de la Terre en raison de dépôts de carbone noir sur la neige et la glace, noircissant la surface et augmentant de ce fait l’absorption du rayonnement solaire. On estime que les dépôts de carbone noir sur la neige ont exercé un effet de réchauffement moindre de 0,04 W/m2 (90 % de la plage d’incertitude de 0,02 W/m2 à 0,09 W/m2) (degré de confiance faible) (Myhre et coll., 2013).
La meilleure estimation du forçage radiatif total imputable aux activités humaines est un effet de réchauffement de 2,3 W/m2 (plage d’incertitude de 90 % allant de 1,1 W/m2 à 3,3 W/m2) au cours de l’ère industrielle, composé d’une forte composante de forçage positif provenant des modifications des concentrations atmosphériques de GES, qui est partiellement compensée par un forçage négatif (effet de refroidissement) provenant d’aérosols et de modifications survenues dans l’utilisation des sols. Le forçage par le CO2 est le plus important contributeur au forçage anthropique au cours de l’ère industrielle.
Ce forçage total provenant des activités humaines peut être comparé au forçage naturel provenant de la fluctuation des éruptions volcaniques et de l’irradiation solaire. Au cours de l’ère industrielle, des éruptions volcaniques irrégulières ont eu de brefs effets de refroidissement sur le climat mondial. La nature épisodique des éruptions volcaniques rend difficile une comparaison avec d’autres agents de forçage sur une échelle de temps d’un siècle. Toutefois, on comprend bien que le forçage volcanique soit négatif (effet de refroidissement du climat) avec le forçage le plus fort survenant sur une période limitée d’environ deux ans après les éruptions (Myhre et coll., 2013; voir la section 2.3.3). Les modifications de l’irradiation solaire au cours de l’ère industrielle ont causé un petit forçage positif de 0,05 W/m2 (plage d’incertitude de 90 % allant de 0,00 W/m2 à 0,10 W/m2) (degré de confiance moyen). Par conséquent, l’on peut soutenir, avec un degré de confiance très élevé, qu’au cours de l’ère industrielle, le forçage naturel ne représente qu’une petite fraction des changements liés au forçage, ce qui équivaut à moins de 10 % des effets du forçage anthropique.