La disponibilité de l’eau douce au Canada est influencée par une multitude de facteurs : certains naturels et d’autres découlant de l’activité humaine. Les changements relatifs à la température et aux précipitations ont une forte influence, directement et indirectement, par l’évolution de la neige, de la glace et du pergélisol. Les perturbations du cycle de l’eau par les humains (barrages, déviations et prélèvements) rendent difficile le discernement des changements liés au climat. Les mesures directes des indicateurs de disponibilité de l’eau douce sont incohérentes dans l’ensemble du pays et, dans certains cas, trop rares pour évaluer les changements passés. En outre, les changements futurs sont déterminés à partir d’une multitude de modèles hydrologiques, à l’aide des résultats de nombreux modèles climatiques présentant différents scénarios d’émissions. Ces facteurs rendent difficile la réalisation d’une évaluation pancanadienne de la disponibilité de l’eau douce, et encore plus difficile de déterminer si les changements passés peuvent être attribués aux changements climatiques anthropiques. Le présent chapitre tient compte des études nationales et régionales, ainsi que des renseignements sur les changements de température et de précipitations du chapitre 4 et des changements à la cryosphère du chapitre 5, pour évaluer l’évolution de la disponibilité de l’eau douce au Canada.
Les changements antérieurs au caractère saisonnier des écoulements fluviaux ont été caractérisés par des crues printanières précoces (augmentation de l’écoulement résultant de la fonte des neiges et de la glace au printemps) en raison des écoulements de pointe précoce de la fonte des neiges printanières, de l’écoulement plus élevé à l’hiver et au début du printemps et, pour de nombreuses régions, de la réduction des écoulements d’été. Ces changements sont en accord avec le réchauffement observé et les changements liés à la neige et à la glace. Au cours des 30 à 100 dernières années, l’ampleur des écoulements fluviaux annuels, les niveaux d’eau de surface, la teneur en humidité du sol et les sécheresses et les aquifères peu profondes ont, pour la plupart, été variables, sans tendance claire à l’augmentation ou à la baisse. Cette variabilité correspond aux variations observées d’une année à l’autre et au cours de plusieurs années dans les précipitations, qui sont en partie influencées par la variabilité naturelle à grande échelle du climat (voir le chapitre 2, encadré 2.5). Toutefois, pour de nombreux indicateurs, il y a un manque de données probantes (en particulier dans les régions nordiques du pays) pour évaluer les changements passés dans l’ensemble du Canada à la disponibilité de l’eau douce.
On s’attend à ce que le réchauffement continu, et les réductions dans le manteau neigeux et les glaciers de montagne, et le dégel accéléré du pergélisol qui l’accompagnent continuent de produire des changements dans le caractère saisonnier des écoulements fluviaux. Cela comprend l’augmentation des écoulements hivernaux, des premières crues printanières encore plus précoces et la réduction des écoulements estivaux, ainsi que des décalages correspondants de régimes davantage dominés par la fonte des neiges vers des régimes dominés par les pluies. Les écoulements fluviaux annuels devraient augmenter dans certaines régions (principalement dans les régions nordiques), mais perdre de l’ampleur dans d’autres (régions de l’intérieur du Sud). La fonte du pergélisol pourrait entraîner des changements futurs, y compris un drainage rapide, dans de nombreux lacs du Nord canadien. La fréquence et l’intensité des inondations future entraînée par les écoulements fluviaux sont incertaines en raison de la complexité des facteurs en cause. Nous nous attendons à ce que l’augmentation des prévisions de précipitations extrêmes augmente les probabilités d’inondations urbaines à l’avenir. Toutefois, nous ne pouvons pas prévoir avec certitude l’incidence de la combinaison de l’augmentation des températures et de la réduction de la couverture de neige sur la fréquence et l’ampleur des inondations causées par la fonte des neiges. Les niveaux inférieurs d’eau de surface des lacs et des terres humides sont attendus, en particulier vers la fin de ce siècle, selon des scénarios d’émissions plus élevées (voir le chapitre 3, section 3.2), en raison de températures plus élevées et d’une évaporation accrue. Toutefois, l’ampleur de ces diminutions dépendra de la mesure dans laquelle les augmentations futures des précipitations contrebalancent l’évaporation accrue.
L’augmentation future des sécheresses et des baisses de l’humidité des sols de surface sont prévues à l’été dans le Sud des Prairies et l’intérieur de la Colombie-Britannique, où les déficits d’humidité découlant de l’évapotranspiration devraient être plus importants que les augmentations de précipitation. Ces changements devraient être plus importants vers la fin de ce siècle dans des scénarios d’émissions plus élevées. Cependant, il y a une incertitude considérable quant à leur ampleur. Les systèmes d’eau souterraine sont complexes et, bien qu’on s’attende à ce que les changements de température et de précipitation influencent les niveaux futurs, l’ampleur et même la direction du changement ne sont pas claires. Toutefois, à l’avenir, la recharge printanière des nappes phréatiques dans la majeure partie du pays devrait se produire plus tôt, à la suite d’une fonte des neiges précoce.
Ces changements prévus découlant du réchauffement climatique anthropique influeront directement sur le volume et le rythme des approvisionnements en eau douce futurs, et ils peuvent être exacerbés par des altérations de la gestion humaine des systèmes d’eau douce. Les effets devraient être plus importants vers la fin de ce siècle dans des scénarios d’émissions plus élevées, compte tenu des changements climatiques plus importants qui y sont associés. Les effets dans les régions qui s’appuient actuellement sur la fonte des neiges et de la glace comme sources d’eau douce, ainsi que les zones intérieures continentales, où l’évapotranspiration accrue causée par les températures plus chaudes pourrait réduire les approvisionnements en eau futurs, sont particulièrement inquiétants. Toutefois, les approvisionnements en eau douce dans toutes les régions du Canada devraient être touchés d’une façon ou d’une autre. On prévoit également que les phénomènes extrêmes liés à l’eau, tels que les sécheresses et les inondations, vont intensifier ces effets.